Deux députés LFI et macroniste proposent une légalisation du cannabis ce mardi 18 février 2025 pour lutter contre les trafics de stupéfiants


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Les députés Antoine Léaument et Ludovic Mendes présentent ce mardi un rapport d'information préconisant de légaliser le cannabis en France. Une proposition soutenue par plusieurs addictologues qui se veulent pragmatiques sur la réalité de la consommation actuelle.
 

Légalisation du cannabis, dépénalisation de l’usage de stupéfiants... Le député LFI Antoine Léaument et le député macroniste Ludovic Mendes présentent ce mardi 18 février, à l'Assemblée nationale, un rapport d'information "visant à évaluer l'efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants". Il contient plusieurs propositions qui, si elles étaient adoptées, changeraient fortement la législation française en matière de stupéfiants.

Les députés appellent à créer un "modèle français de régulation des stupéfiants" et "prennent acte de l'échec du tout répressif" en la matière. Ce nouveau cadre passerait notamment par une légalisation du cannabis, "étroitement régulée par l'État" via une instance de contrôle, sur le modèle de l’Agence nationale des jeux (ANJ). Il s'agirait d'une "agence de régulation, où l'État reprend la main sur un marché qui aujourd'hui est totalement illégal", a décrit le député Ludovic Mendes sur BFMTV ce lundi. La production du cannabis serait confiée à "un réseau d’exploitations agréées, distinctes de la filière du cannabis médical, qui auront vocation à constituer une filière française d’excellence", selon le rapport.

L'objectif des propositions formulées par les députés? Adopter un "nouveau paradigme", selon Ludovic Mendes (Ensemble pour la République). Autrement dit, passer "d'un regard sécuritaire" à une vision de "santé publique".

Au sein de l'Union européenne, l'usage récréatif du cannabis est légal en Allemagne, à Malte et au Luxembourg. D'autres pays autorisent le cannabis médical, comme la Belgique et l'Espagne.

 

Une consommation déjà très répandue en France

En France, certains s'opposent vivement à une légalisation du cannabis, mettant en avant le risque d'une diffusion encore plus importante de cette drogue. C'est par exemple le cas du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui voit dans la proposition de Ludovic Mendes et Antoine Léaument "un coup de poignard donné à la société".

"Ce que vous vendrez dans des boutiques ne sera pas du niveau de THC qu'utilisent les consommateurs aujourd'hui", a-t-il déclaré lundi en marge d'un déplacement à Condé-sur-Sarthe, jugeant que les consommateurs continueront de s'approvisionner sur le marché illégal.

De leur côté, les professionnels de l'addictologie sont "partagés" sur l'opportunité de la légalisation du cannabis, explique Alain Dervaux, professeur de psychiatrie et d'addictologie à l'université Paris-Saclay, sur BFMTV ce lundi. Éric Guillem, psychiatre addictologue, se veut par exemple pragmatique. "En France, n'importe quel fumeur qui veut se procurer du cannabis va en trouver d'une manière ou d'une autre, quel que soit son âge ou sa situation socioéconomique", explique-t-il à BFMTV.com.

En 2021, 10,6% des adultes en France ont consommé du cannabis dans l’année, selon le Baromètre santé de Santé publique France en partenariat avec l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Et les usages réguliers (dix occasions d’usage ou plus au cours du mois) ou quotidiens concernaient respectivement 3% et 1,7% des adultes en 2021. Le cannabis est la drogue illicite "la plus diffusée dans la population", selon ce rapport.

 

Des produits de meilleure qualité?

Aussi, pour Éric Guillem, une légalisation n'augmenterait pas, sur le long terme, l'utilisation de cette substance. "Il y a tellement de gens qui fument en France qu'on ne va pas augmenter le nombre de fumeurs" en légalisant le cannabis, puisque "tous ceux qui veulent fumer peuvent déjà le faire", estime l'auteur du livre Comment j'ai arrêté de fumer des joints, guide à l'usage des fumeurs pour stopper le cannabis (Enrick B. Eds, 2022).

Au Canada, qui a légalisé le cannabis en 2018, la consommation a légèrement augmenté depuis: 26% des habitants en ont consommé au moins une fois en 2024, contre 22% en 2018. Mais la proportion de personnes qui déclarent une consommation quotidienne ou quasi-quotidienne de cannabis est restée inchangée (6% en 2024 contre 5% en 2018), selon les chiffres du gouvernement canadien.

 

L'addictologue Éric Guillem estime plutôt qu'une légalisation du cannabis permettrait de "proposer un produit qui sera bien défini d'un point de vue de qualité par rapport à des produits illégaux dont on ne connaît pas exactement la composition". "Un mieux" en termes de santé publique pour le spécialiste.

L'importance de la prévention

De son côté, le professeur d'addictologie Alain Dervaux insiste sur l'importance de la prévention. "Légaliser sans prévenir" reviendrait à "mettre la charrue avant les bœufs". "Toutes les drogues" ont "d'autant plus d'impact en termes de sévérité de la dépendance, de l'addiction, des conséquences psychiatriques et cognitives" que "les gens consomment de plus en plus tôt", souligne-t-il.

Éric Guillem plaide aussi pour une amélioration de la prévention, trop axée aujourd'hui selon lui sur la "dramatisation" et la "culpabilisation" du consommateur et pas assez sur l'information sur les risques liés à la consommation du cannabis. Ceux-ci sont pourtant nombreux, selon le site de l'OFDT: diminution des capacités de mémorisation et d'apprentissage à moyen terme, fatigue physique et intellectuelle, humeur dépressive, aggravation de certains troubles psychiatriques...

La Fédération Addiction, le premier réseau d'associations et de professionnels de l'addictologie de France, appelle également sur son site à "sortir du système actuel de pénalisation des personnes qui aggrave le problème" et suggère "une régulation contrôlée de l’accès au cannabis qui permettrait de pleinement mettre en œuvre la prévention et la réduction des risques".

Bernard Basset, président de l'association Addictions France, défend lui aussi une ligne pragmatique. "Quand on a 4 millions de consommateurs de cannabis, on est déjà dans une consommation de masse. Je ne crois pas que lever l'interdit entraînera une plus grande consommation",déclare-t-il à BFMTV.

Antoine Léaument et Ludovic Mendes formulent d'autres propositions dans leur rapport, parmi lesquelles la dépénalisation pour toute détention inférieure à trois grammes de stupéfiants, un renforcement des moyens de lutte contre l'entrée de ces produits en France et un accroissement des effectifs judiciaires dédiés à la lutte contre le trafic de stupéfiants.
 
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