mrpolo 7 743 Posté(e) mars 18, 2021 Partager Posté(e) mars 18, 2021 TRIBUNE: Pour Kevin Brookes et Édouard Hesse, chercheurs associés à Génération libre, il est grand temps d’abandonner une politique coûteuse et inefficace. L’amende forfaitaire pour usage du cannabis n’a pas atteint ses objectifs. © JOSEP LAGO / AFP Par Kevin Brookes et Edouard Hesse (Génération libre)* Publié le 15/03/2021 à 10h00 Six mois après la mise en place de l'amende forfaitaire pour usage du cannabis, l'heure du premier bilan est arrivée. Il n'est pas bon. En plus d'être difficile à appliquer sur le terrain puisqu'il suffit de ne pas avoir de pièce d'identité pour la contourner, l'amende n'aurait pas atteint ses objectifs. Il y aurait, selon des représentants de la police, toujours autant de points de deal. Ce énième outil venu se greffer à l'arsenal judiciaire de la « guerre contre les drogues » témoigne de l'échec de ce demi-siècle de stratégie prohibitionniste. Il existe aujourd'hui un large consensus sur l'échec des politiques qui interdisent le cannabis et visent à en combattre la consommation. Saluons à cet égard le sérieux travail transpartisan conduit depuis 2020 par la mission d'information parlementaire sur les usages du cannabis et porté médiatiquement par Danièle Obono (LFI), Jean-Baptiste Moreau et Caroline Janvier (LREM) ou encore Robin Reda (LR). Gaspillage d'argent public En dépit de son arsenal juridique le plus sévère de l'Union européenne, la France est le pays où la consommation est la plus importante avec 5 millions de consommateurs réguliers. Plus grave, le tout répressif est passé à côté de la protection des jeunes pour lesquels cette drogue peut poser de graves problèmes de santé. Or, leur consommation est la plus élevée en Europe, en augmentation depuis une dizaine d'années. En plus d'être inefficace, la prohibition représente un coût important. Des centaines de millions d'euros d'argent public sont déversés dans un objectif contestable : empêcher les Français majeurs de ne nuire, éventuellement, qu'à eux-mêmes. Les policiers sont détournés de missions bien plus urgentes, et voient leurs relations dégradées avec la population de certains quartiers difficiles. L'exemple du Colorado Il est grand temps d'abandonner une politique coûteuse, inefficace et qui ne repose sur rien d'autre que des considérations légères, comme celle de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, qui qualifiait en septembre le cannabis de « merde ». À travers le monde, quelles que soient ses modalités, la légalisation – plutôt que la dépénalisation – se développe et permet non seulement d'économiser l'argent public en arrêtant la répression, mais aussi de générer des recettes en taxant le cannabis légal. Les pouvoirs publics peuvent se recentrer sur le contrôle de la traçabilité de l'offre légale et conduire des politiques de préventions ambitieuses. Dans notre récent rapport publié avec Génération libre « Pour un marché libre du cannabis en France – Lutter contre le marché noir, protéger les consommateurs », nous comparons les expériences de légalisation pour conclure à la supériorité du modèle du Colorado. Dans cet État américain, le marché légal y représente aujourd'hui 70 % du marché total. À l'inverse, notre rapport illustre la faiblesse du modèle du Québec où l'État intervient fortement dans la production, la distribution ou la consommation. En raison d'une offre publique insuffisante, de prix trop élevés et d'une faible qualité de service, la province canadienne peine à éradiquer le marché noir. Lutter contre le marché À l'évidence, c'est un marché légal fonctionnel qui permet de lutter efficacement contre le marché noir et la criminalité qui lui est associée. La clé du succès repose sur deux mécanismes. D'abord, un marché libre du cannabis réglementé par l'État. Plutôt que produire, distribuer et fixer le prix, le rôle de l'État est de tracer le produit de la graine au consommateur, fixer des normes sanitaires, et collecter un impôt spécial sur la vente afin de financer la prévention. La liberté pour chacun de se lancer dans la production, la distribution ou la vente de cannabis est essentielle et si l'on veut convaincre les consommateurs de se tourner vers le marché légal, l'« expérience consommateur » doit être le plus optimale possible. D'autre part, afin de les convaincre de basculer dans le marché légal, il est important d'avoir une politique volontariste en direction des anciens dealers, sous réserve qu'ils n'aient pas commis de crime, comme dans l'État américain de Californie qui accorde une amnistie. La récente consultation citoyenne lancée par la mission d'information parlementaire sur le cannabis a mobilisé 250 000 personnes, dont une écrasante majorité s'est déclarée favorable à la légalisation. Des sondages récents et plus représentatifs montrent que plus de la moitié des Français y sont désormais prêts. La question n'est plus de savoir s'il faut légaliser, mais comment. Notons qu'en matière de politique publique, comme souvent, la merde est dans les détails. * Kevin Brookes est docteur en science politique et chercheur associé chez Génération libre. Édouard Hesse est analyste en politiques publiques et chercheur associé chez Génération libre. Source: lepoint.fr 3 Lien à poster Partager sur d’autres sites
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