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Le Covid-19, une opportunité pour réformer la politique des drogues


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La pandémie a amorcé un mouvement de réformes sur la réduction des risques et l'accompagnement des consommateurs de produits psychoactifs. Il serait temps aujourd'hui de les pérenniser et de les généraliser à l’échelle internationale.

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Maraude de l'association Charonne auprès des SDF et consommateurs de drogue pendant le confinement, le 23 mars. Photo Stéphane Lagoutte. Myop

 

Tribune. «Soutenez, ne punissez pas !» Ce slogan – plus connu dans sa version anglophone «Support, Don’t Punish!» – nous, organisations internationales actives auprès des consommateurs·rices de produits psychoactifs, le portons haut et fort chaque 26 juin en appelant à une réforme profonde des politiques des drogues privilégiant le respect des droits fondamentaux et l’accès à la santé.

Plus que jamais cette année, ce slogan s’avère d’actualité au regard des effets induits par le Covid-19. En effet, la pandémie a conduit certains Etats à infléchir leur approche répressive des drogues et, mieux encore, en a incité d’autres à innover dans leurs méthodes de réduction des risques et d’accompagnement des consommateurs·rices de produits psychoactifs. Des effets inattendus mais extrêmement bienvenus qu’il faudrait non seulement pérenniser mais également généraliser à l’échelle internationale.

 

La première action à saluer est la libération de près de 100 000 détenus dans le monde, dont une large partie consomme de la drogue ou est accusée d’infractions mineures liées à la consommation de drogues. Certes, ces libérations ont été décidées pour limiter la propagation du Covid-19 dans les prisons en raison des conditions sanitaires peu fiables qui y règnent. Néanmoins, elles illustrent le paradoxe de la répression exercée contre les usager·e·s de drogues. On ne soigne pas une addiction avec une peine de prison. Au contraire, on l’aggrave d’autant que l’accompagnement de ces personnes n’est quasiment jamais assuré en milieu carcéral.

Deuxième action de taille : la mise à l’abri des personnes sans domicile fixe dont des usager·e·s de drogues. En France, en Allemagne ou en Grèce, par exemple, elles ont été relogées dans des hôtels. Or, cela constitue une étape majeure dans l’accompagnement des personnes consommatrices de produits psychoactifs et sans domicile fixe. La garantie des moyens de subsistance (logement sûr, revenu minimum etc.) est en effet un préalable à la prise en charge des addictions.

De la réduction des risques

Enfin, les actions les plus prometteuses en termes de retombées sanitaires et économiques sont celles mises en place par certains Etats afin de maintenir et adapter au contexte pandémique leurs politiques de réduction des risques. Nées dans les années 80, ces politiques consistent à réduire les risques liés à la consommation de drogues sur la santé des consommateurs·rices (réduire les infections, prévenir la mortalité par surdose, réduire les effets indésirables que ce soit au niveau social, médical ou psychologique, etc.) et à leur apporter un soutien psychosocial. C’est ainsi qu’en France et dans de nombreux pays du monde, dès le début du confinement, la validité des ordonnances pour les thérapies de substitution a été étendue afin d’éviter des déplacements superflus vers le médecin. Le matériel d’injection (seringue à usage unique et kit d’injection) a été distribué plus massivement que d’habitude pour permettre aux usagers de constituer des stocks.

 

Mais c’est en Suisse que l’une des initiatives les plus innovantes a été prise : ce pays pionnier dans la réduction des risques a autorisé la livraison à domicile de l’héroïne médicale. Du jamais vu ! Cela a été fait dans un double objectif : réduire les déplacements et éviter les risques de surdoses qui s’avèrent accrus en contexte pandémique en raison du trafic illicite plus tendu proposant des produits de qualité douteuse.

Le Covid-19 a, par ailleurs, mis en évidence le rôle essentiel des communautés dans la réponse aux crises sanitaires. Très rapidement, les communautés de consommateurs de drogues et les services communautaires sont intervenus dans plusieurs pays pour permettre aux consommateurs de drogues d’avoir accès aux services de réduction des risques même dans les zones les plus reculées.

Vers une véritable politique des drogues

C’est cela une véritable politique des drogues qui ne condamne pas mais qui respecte et accompagne les personnes qui en consomment. Toutes ces mesures d’exception prises dans l’urgence du Covid-19 devraient aujourd’hui devenir la norme. Elles constituent des avancées inestimables. Les abandonner serait faire un regrettable pas en arrière.

 

Contrairement aux politiques répressives qui n’ont réduit ni la consommation ni le trafic de drogues, les mesures d’accompagnement et de réduction de risques ont fait leurs preuves. En Suisse, le modèle dit des «quatre piliers» qui combine prévention, thérapie, réduction des risques et répression, affiche des résultats impressionnants tant sur le plan sanitaire que sécuritaire : chute de l’incidence du VIH et des hépatites virales au sein des usager·e·s de drogues ; baisse du taux de mortalité due à la dépendance aux drogues ; recul de la criminalité liée à la drogue.

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Prévenant de graves problèmes sociosanitaires, permettant aux personnes concernées de mieux gérer leur consommation et d’améliorer leur qualité de vie, ces stratégies d’accompagnement et de réduction des risques s’avèrent par ailleurs extrêmement efficaces par rapport à leurs coûts. En témoignent les résultats obtenus avec les expériences de traitement de substitution aux opioïdes en Indonésie, les programmes d’échanges de seringues en Russie ou encore la distribution de naloxone aux Etats-Unis. Ces programmes ont contribué à réduire le nombre de surdoses ainsi qu’à prévenir de nouvelles infections à VIH et aux hépatites ; ce qui induit d’importantes économies dans le domaine de la santé !

Une opportunité économique

Outre des dépenses à la baisse, une réforme des politiques des drogues peut engendrer un rebond économique particulièrement bienvenu, l’horizon économique post-pandémie restant des plus incertains. L’Organisation internationale du travail prédit d’énormes pertes de revenus estimées entre 860 et 3 400 milliards de dollars d’ici la fin 2020.

 

Dans ce contexte de récession à venir, ouvrir le marché du cannabis thérapeutique ne serait-il pas une opportunité urgente à saisir ? Le marché mondial du cannabis thérapeutique ne cesse de prendre de la valeur. En Afrique, «l’or vert» pourrait représenter près de 7 milliards d’euros d’ici 2023 tandis qu’en Europe, l’industrie du cannabis pèse déjà plus de 18 milliards d’euros selon le cabinet Prohibition Partners.

Anticipant les opportunités économiques que peut offrir un tel marché, certains ont déjà saisi la balle au bond en adaptant leur législation. Face à un surendettement gravissime, le Liban a légalisé en avril dernier le cannabis thérapeutique pour relever l’économie du pays. Deux mois plus tôt, c’est Israël, pionnier du cannabis médical, qui en autorisait l’exportation.

Repenser les politiques des drogues est aujourd’hui une nécessité absolue pour notre santé et notre bien vivre ensemble. Mais cela ne pourra se faire qu’en accordant une priorité aux besoins des consommateurs·rices de produits psychoactifs, en respectant leurs droits fondamentaux et en les impliquant systématiquement dans l’élaboration des stratégies et des programmes de santé dont ils sont les bénéficiaires.

 

A cet égard, la crise du Covid-19 a amorcé un mouvement inédit de réformes progressistes, poursuivons-le !

Signataires : Coalition PLUS réseau international d’associations de lutte contre le sida et les hépatites virales ; International Drug Policy Consortium (IDPC) ; Harm Reduction International (HRI) ; International Network of People Who Use Drugs (Inpud) ; International Network on Hepatitis in Substance Users (INHSU) ; Correlation–European Harm Reduction Network (C-EHRN).

Par Un collectif

Source:  liberation.fr

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