Liban - Le cannabis à des fins thérapeutiques... une manne ou une manœuvre politique ?


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pour ceux qui ne comprendraient pas cela concerne  :sec:  le Liban

Le cannabis à des fins thérapeutiques... une manne ou une manœuvre politique ?

Les avis sont partagés sur le bien-fondé de la légalisation de la culture du haschisch médicinal, en temps de coronavirus, de crise économico-sociale et de mécontentement populaire.

Par Anne-Marie El-HAGE, le 23 avril 2020 à 00h00

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Dans le village de Yammouné, dans la Békaa-Nord, un champ de haschisch comme il y en a tant. Photo A.M.H.

Cultiver le haschisch à des fins thérapeutiques est désormais légal au Liban, le Parlement ayant adopté mardi la législation sur laquelle planchait une sous-commission parlementaire depuis un an et demi. La vente et la consommation de cannabis n’ont pas été dépénalisées pour autant. Cette législation regroupe les trois propositions de loi présentées tour à tour par le député des Forces libanaises Antoine Habchi, le président de la Chambre Nabih Berry et le député du Courant patriotique libre Mario Aoun. Elle part de la nécessité d’encourager les investissements du secteur pharmaceutique privé sous le contrôle des autorités libanaises, de faire bénéficier l’État et les agriculteurs des revenus d’une production désormais légale et de couper les voies du trafic illicite.

Pour ce faire, un nouveau plant de cannabis sera introduit, avec un taux contrôlé de substance hallucinogène, le THC ou tétrahydrocannabinol, bien moindre que celui que contient la plante illicite actuellement cultivée, particulièrement riche en THC et considérée comme hybride. Une instance étatique de supervision sera aussi créée sous la tutelle du gouvernement, bien loin du principe du monopole de la Régie des tabacs dont les dérives clientélistes ont été maintes fois dénoncées. Cette autorité sera chargée d’accorder aux agriculteurs les permis de cultiver le cannabis, en fonction des besoins des industries pharmaceutiques et sur base de critères bien précis. Rappelons que la légalisation de la culture du cannabis à des fins médicinales figurait parmi les recommandations au gouvernement du cabinet de conseil international McKinsey, dans son plan de réforme de l’économie libanaise.

 

Un marché mondial en développement

À l’origine de la première proposition de loi, Antoine Habchi, député de Baalbeck-Hermel, fait part de son optimisme à L’Orient-Le Jour. « Un optimisme loin d’être aveugle », tempère-t-il. « Car la loi est bonne. À la condition d’être correctement appliquée, de sorte que l’ensemble de la population agricole en tire bénéfice », affirme-t-il, précisant que la culture du cannabis médicinal va réduire le trafic illicite de stupéfiants, libérer les agriculteurs du joug des trafiquants, attirer les investissements dans les régions concernées, développer l’économie rurale sur base de la libre concurrence et assurer des revenus à l’État. « Le marché local n’étant pas en mesure d’absorber les quantités cultivées, la production sera destinée à l’exportation, dans un marché en développement », assure-t-il. Et ce d’autant que les coûts de production sont bas au Liban, de l’ordre de 22,5 cents par gramme, contre 1 dollar au Canada. « Ces coûts ne sont certes pas aussi bas qu’en Colombie (5 à 10 cents le grammes), mais la qualité du haschisch est bien meilleure », insiste le législateur, qui évoque aussi les perspectives de développement possibles pour la production pharmaceutique locale. Quant à ses craintes premières sur les risques d’un monopole étatique ou privé, le député assure qu’elles sont aujourd’hui balayées. « Le texte a prévu une soupape de sécurité, en octroyant la tutelle au gouvernement et non pas à un seul ministère », observe M. Habchi. Assurément, le marché libanais intéresse les investisseurs étrangers. Et « une dizaine d’entreprises canadiennes, américaines et chinoises commencent déjà à sonder le marché local », révèle le député.

 

La contre-proposition

Nettement moins enthousiaste, l’ingénieur agronome et expert en cultures de substitution Hassane Makhlouf se dit « contre la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques, qui va se contenter de mettre fin à l’exploitation des agriculteurs par les trafiquants, sans résoudre pour autant la crise financière, ni faire tourner la roue économique de la Békaa, ni trouver une issue à la pauvreté des agriculteurs ». « Pour ce faire, il faudrait plutôt légaliser notre cannabis », martèle-t-il. « L’État achèterait alors la production des agriculteurs qu’il transformerait en cigarettes de haschisch destinées à l’exportation. Les huiles, elles, seraient transformées à des fins médicinales. » Une initiative susceptible d’engranger des revenus « de 4 à 5 milliards de dollars par an », alors que « les revenus du cannabis médicinal ne dépasseront pas 200 millions de dollars », assure-t-il. L’ingénieur reconnaît en revanche les capacités en développement du marché pharmaceutique mondial et les répercussions positives que le cannabis médicinal pourrait avoir sur le pays du Cèdre si les usines de transformation étaient installées au Liban. « Cela permettrait de développer l’industrie et de vendre des produits transformés. » Mais il demeure sceptique quant à la faisabilité d’un tel projet, vu « la réticence » des groupes pharmaceutiques internationaux à investir sans garanties sécuritaires.

Les impératifs du président du Parlement

Quoiqu’un peu tardive, l’initiative n’est pas pour déplaire à l’économiste Sami Nader. « 200 millions de dollars de revenus potentiels, cela représente quand même 10 % de nos exportations, rappelle-t-il. Et ce n’est pas à négliger, car c’est une source d’exportation qui développe l’un des avantages concurrentiels du Liban. » Selon l’expert, la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques permet aussi de détourner l’argent des cartels de trafiquants de drogue vers des secteurs productifs et les caisses de l’État. Il regrette toutefois que la légalisation du cannabis médicinal n’ait pas été adoptée dans le cadre d’un plan global de sauvetage économique. « C’est un acte isolé, le seul sur lequel la classe politique se soit entendue. Et c’est bien dommage », observe-t-il.

Car il ne faudrait pas occulter la portée politique de cette nouvelle législation, jugée inopportune par certains, en temps de coronavirus, de révolte populaire et de crise économique aiguë. Selon un analyste politique, légaliser le cannabis thérapeutique était « une nécessité » pour le président du Parlement, Nabih Berry, « soucieux de se refaire une santé après le 17 octobre, suite aux accusations de corruption (même au sein de sa communauté) et la paralysie du Parlement par les contestataires ». Cette nouvelle loi devrait donc lui permettre de faire « libérer les cultivateurs de haschisch détenus sans jugement » dans les prisons du pays et d’assurer prochainement « des revenus sûrs aux agriculteurs » de la Békaa. « Ce n’est rien moins qu’une opération populiste », soutient la source, qui note que « les cultivateurs de cannabis sont principalement de confession chiite ». D’autant que les revenus du cannabis thérapeutique ne peuvent, à eux seuls, ni résoudre la crise du pays ni relancer l’économie. Quant au Hezbollah, « qui tirait quelque part profit du trafic de drogue et protégeait les trafiquants », selon l’analyste, il s’est opposé à cette loi, mais pas au point d’entraver son adoption.

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  • 2 mois après ...

Au Liban, la culture du cannabis comme remède à une économie en crise

Pendant trente ans, le gouvernement libanais a lutté contre les cultures de cannabis. Mais cette année, afin de sauver une économie en perdition, le Parlement libanais a légalisé le cannabis à des fins thérapeutiques. Une révolution accueillie avec méfiance par les villageois. Reportage dans la plaine de la Bekaa, au nord-est du Liban où la récolte du haschich a commencé. 

 

 

Source: france24

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