Le cannabis, un nouvel eldorado pour l'industrie


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L’usage du cannabis se répand dans le monde de la beauté et de l’alimentation, alors que les États réfléchissent à son autorisation sous forme thérapeutique.

 

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©Bloomberg

 

Le cannabis, un nouvel eldorado pour les investisseurs? Les sociétés productrices de cannabis, comme les canadiennes Tilray, Aurora Cannabis et Canopy Growth, offrent des perspectives prometteuses. Tilray a signé un partenariat avec AB InBev pour commercialiser des boissons infusées au cannabis. Canopy Growth a attiré Constellation Brands, qui produit la bière Corona, dans son capital. Une autre société canadienne, Cronos, a elle vu arriver comme actionnaire Altria, le fabricant de cigarettes. Aurora Cannabis mise, comme ses concurrents, sur son développement international.

 

Toutes ces sociétés profitent du climat positif pour le cannabis depuis que deux pays, l’Urugay puis le Canada, ont légalisé l’usage de cette drogue. Le Mexique est sur les rangs pour légaliser également l’utilisation récréationnelle du cannabis, après avoir autorisé son usage médical en 2017. Les Etats-Unis n’ont pas donné leur feu vert, mais de plus en plus d’États américains autorisent son utilisation, médicale et/ou récréationnelle. La firme de recherche BDS Analytics estime que lorsque les Etats-Unis auront levé leur interdiction fédérale sur le cannabis, les ventes vont doubler d’ici 2022, à 32,2 milliards de dollars, contre 12,9 milliards en 2018. Au Canada, le feu vert donné le 17 octobre 2018 a provoqué une remontée rapide des ventes de cannabis, a noté la firme. La firme estime que l’Europe peut mener le reste de l’augmentation mondiale de l’usage du cannabis. Actuellement, 11 des 28 pays de l’Union européenne ont autorisé l’usage médical du cannabis.

 

Le Danemark et le Luxembourg ont donné leur accord pour des programmes pilotes sur plusieurs années avant une autorisation permanente. La France examine quant à elle une expérimentation thérapeutique. L’Agence du médicament s’est prononcée en décembre 2018 en faveur du cannabis thérapeutique pour les douleurs non soulagées par d’autres médicaments, les épilepsies résistantes aux traitements, les effets des chimiothérapies, les contractions incontrôlées de la sclérose en plaques et les soins palliatifs. L’expérimentation devrait avoir lieu à la fin de l’année.

 

Aurora Cannabis, Canopy Growth et Tilray ont été auditionnés par le comité d’experts chargés de la future expérimentation, aux côtés de la société néerlandaise Bedrocan, l’américaine Columbia Care, la colombienne Clever Leaveset la britannique Emmac Life Sciences. De plus, des députés ont annoncé récemment la création d’une mission d’information parlementaire sur les usages du cannabis, afin d’"éclairer le débat public dans un temps long", alors que la question de la légalisation est régulièrement sujette à polémique. La mission, qui sera lancée en septembre, est commune à quatre commissions de l’Assemblée nationale française: la commission des Lois, la commission du Développement durable, celle des Affaires sociales et celle des Affaires économiques.

 

En Belgique, les partis du gouvernement en affaires courantes (MR, CD&V et Open Vld) ont déposé en février en séance plénière de la Chambre une proposition de loi visant à créer une sorte d’agence gouvernementale pour encadrer le cannabis médical.

 

Boom mexicain

L’usage médical du cannabis, en pleine expansion, profite beaucoup à des sociétés comme Aurora Cannabis. Lors de la présentation de ses résultats du premier trimestre, l’entreprise a indiqué une hausse de 40% de ses ventes de cannabis médical à l’international d’un trimestre à l’autre, alors que sur la même période, ses ventes de cannabis récréationnel ont grimpé de 37%. La société s’est positionnée pour l’ouverture du marché mexicain, en rachetant en 2018 Farmacias Magistrales, devenant grâce à cette acquisition le premier détenteur étranger d’une licence d’importation de cannabis médical. BDS Analytics estime que le nombre de Mexicains utilisant le cannabis thérapeutique pourrait grimper de 60% par an d’ici 2022.

 

Usage large

Canopy Growth s’est lancé dans un autre terrain que le cannabis médical. En mai, la société a acquis la compagnie This Works, qui fabrique des produits de beauté, pour 73,8 millions de dollars canadiens. La société britannique, fondée en 2003 par une ancienne rédactrice en chef du magazine Vogue UK, fabrique notamment des crèmes anti-rides et pour le corps. Canopy Growth estime que cette acquisition va lui permettre de s’étendre mondialement, et de développer des produits infusés au cannabidiol (CBD).

 

En février, l’entreprise s’est adjoint Martha Stewart, la prêtresse du lifestyle aux Etats-Unis, nommée conseillère, pour l’aider à développer une ligne de produits au CBD pour les être humains et les animaux. Aux Etats-Unis, la chaîne de magasins Sephora vend depuis 2018 des produits infusés au CBD et Ulta Beauty a développé des produits à base de chanvre, et depuis récemment des produits contenant du CBD. Le courtier Jefferies estime que le marché de la beauté lié au cannabidiol pourrait atteindre 25 milliards de dollars d’ici dix ans, représentant 10 à 15% des ventes globales de produits de beauté.

Le secteur de la beauté n’est pas le seul à voir arriver une telle transformation. Le secteur de l’alimentation voit aussi se développer les produits liés au cannabis. AB InBev veut lancer des boissons infusées, tout comme Constellation Brands, déjà sur le marché.

 

Potentiel

BDS Analytics souligne que les dépenses globales pour les produits liés au cannabis légal pourraient grimper de 22% par an d’ici 2022. Le marché global du cannabis est estimé à 150 milliards de dollars, mais seulement 13 milliards de dollars se trouvent actuellement dans les canaux légaux. De plus, aux Etats-Unis, le sentiment négatif envers les opïoïdes, qui ont provoqué une vague de décès importante, pourrait tourner en faveur du cannabis thérapeutique. Une étude a démontré que le CBD permet de calmer les tremblements et les désagréments liés au sevrage des opïoïdes. "Si vous étiez dans l’industrie du cannabis il y a dix ans, vous étiez clairement dans l’illégalité. Mais l’industrie est arrivée à maturité très rapidement", constate Dan Daviau, PDG de Cannacord Genuity Group, une banque canadienne. Mais l’industrie est aussi composée de sociétés au stade de start-up. Certaines sociétés se démarquent en s’entourant de conseillers stratégiques. "Je ne dis pas que vous ne verrez pas de compagnies bizarres qui vont se prendre les pieds dans le tapis, mais la propension à une telle tendance disparaît rapidement", nuance Dan Daviau.

 

Bourse | Des valeurs très chères, très risquées

Miser sur le cannabis comme investissement du futur ne signifie pas acheter les sociétés productrices de cannabis. En effet, la grande majorité des entreprises actives dans ce secteur ne génèrent pas de bénéfices, et pourtant, leur cours en Bourse est élevé. L’exemple de Tilray a lui seul résume la situation avec les valeurs liées au cannabis. Introduit en Bourse au mois de juillet 2018, le titre a vu son cours s’envoler rapidement, touchant même un record de 100,15 dollars en janvier de cette année, alors qu’il avait débuté à 17 dollars. Mais depuis le sommet de janvier, le titre a rétrogradé à 43 dollars. En cause, une marge bénéficiaire en recul en 2018 et encore cette année. Le bénéfice par action de Tilray en 2018 s’élevait à -0,82 dollar et est attendu pour cette année à -0,98 dollar. La société espère dégager du bénéfice d’ici deux ans. Une société sort toutefois du lot chez les analystes. Il s’agit du producteur américain de cannabis Charlotte’s Web.

 

Pour cette année, la société a dégagé un bénéfice par action de 0,05 dollar au deuxième trimestre et de 0,08 dollar attendu au troisième trimestre. Tilray rencontre en outre des problèmes de production depuis que le Canada a autorisé l’usage du cannabis, et se retrouve à devoir dépenser pour augmenter ses lignes de production. Toutefois, la société séduit les analystes en raison de son positionnement sur le cannabis médical et de ses partenariats avec les sociétés pharmaceutiques, les groupes brassicoles et d’autres marques. Chez Alliance Global Partners, l’analyste Aaron Grey estime cependant qu’à 43 dollars, le titre Tilray est correctement valorisé. Mais il souligne un risque pour le producteur, celui de la concurrence. Car de multiples producteurs de cannabis existent. Aux côtés de Tilray, d’autres noms se démarquent comme Canopy Growth et Aurora Cannabis, ou Cronos, qui a signé récemment un partenariat avec Altria, le producteur de cigarettes. Mais le marché est fort concurrentiel. Et seules quelques sociétés sortiront du lot d’ici quelques années. Un peu comme Amazon après la bulle internet.

 

Jennifer Nille,

Source: lecho.be

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