mrpolo 7 743 Posté(e) juin 20, 2018 Partager Posté(e) juin 20, 2018 La relation qui lie le cannabis à la société est ancienne et profondément controversée. Au cours de l’histoire, le cannabis a pu être associé à la santé, aux loisirs, à la pop culture ou aux comportements criminels et immoraux. Mais au-delà du simple débat sur l'aspect moral, l’étude des marchés du cannabis a besoin d’interdisciplinarité, afin de savoir ce qui est requis pour construire un marché contesté efficace. Un nouveau chapitre de l’histoire sociale du cannabis Depuis peu néanmoins, un nouveau chapitre de l’histoire sociale du cannabis est en train de s’écrire. La « War on Drugs » (guerre contre la drogue) qui dure depuis des décennies aux États-Unis est de plus en plus considérée comme un échec et l’opinion publique évolue en faveur de la dépénalisation. En France par exemple, un sondage réalisé en 2016 a démontré que 85% des personnes interrogées considèrent que les lois actuelles ne sont pas efficaces pour combattre le trafic de drogue et l’usage du cannabis. Ce nouveau chapitre ne porte cependant pas tant sur la dépénalisation que sur la marchandisation. L’élément nouveau est que plusieurs juridictions – des Etats américains comme le Colorado, le Washington ou la Californie, et des pays comme le Canada – cherchent à créer des marchés régulés et sponsorisés par l’Etat pour la production du cannabis, sa vente et sa consommation. La dépénalisation et la légalisation, comme l’a déjà dit Mark Kleiman, sont “des propositions très différentes”. Pour dépénaliser le cannabis, il faut changer les lois ou alléger leur application – un mouvement déjà engagé depuis longtemps à certains endroits, comme Amsterdam. Et pour construire un marché légal dès le début il en faut bien sûr plus, surtout s’il veut rivaliser avec les marchés illégaux existants, tout en augmentant les recettes et en protégeant la santé publique. Que faut-il pour construire un marché contesté efficace ? Cela demande d’abord de penser de façon critique et proactive à ce qui est nécessaire pour construire un marché efficace et qui fonctionne. L’opinion dominante, depuis la Richesse des nations d’Adam Smith (1776), est que les marchés émergent de façon spontanée et naturelle à partir du « penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des échanges d’une chose pour une autre. » Mais la marchandisation du cannabis demande plus que cela. Il faut donc que les législateurs et les régulateurs deviennent des concepteurs de marchés particulièrement compétents, et que les électeurs et les dirigeants politiques deviennent des critiques perspicaces des conceptions (ou design) du marché. Effectivement, toute une série de choix de conception liés à la marchandisation –systèmes d’accréditation, bases fiscales, tests, sources des capitaux, obligations de reporting, … – affectent tous ces marchés qui émergent. Des choix limités et souvent très techniques détermineront qui pourra participer aux marchés du cannabis de demain, où les récompenses financières s’accumuleront, quel type de qualités sera de valeur, et même les types de produits de cannabis disponibles aux consommateurs. Mais aujourd’hui, ces questions de conception de marché sont souvent éclipsées par des débats simplistes sur le cannabis lui-même, pour savoir s’il s’agit de quelque chose de positif ou de négatif. Les marchés du cannabis permettent des « forums hybrides » Ce nouveau chapitre de l’histoire sociale du cannabis nous donne également l’opportunité de questionner et aborder des problèmes plus larges sur la relation entre le business et la politique, et entre l’économie et la société. Ces expériences dans la conception de marchés nous permettent de réfléchir aux limites de l’enseignement selon lequel le business et la politique, et l’économie et la société ne se mélangent pas et ne devraient pas se mélanger. Les marchés de cannabis fournissent ce que Michel Callon a décrit comme « des forums hybrides » : des espaces publics où les problèmes économiques, politiques et sociaux débordent de leurs frontières « traditionnelles » et entrent en contact l’un avec l’autre. Dans des marchés contestés comme ceux liés au cannabis, les valeurs économiques, politiques, et sociales interagiront en effet de manière continue et explicite. Il nous faut apprendre de ces interactions. Des économistes-entrepreneurs (comme Albert Hirschman) et des sociologues (comme Mark Granovetter et Viviana Zelizer) ont attiré l’attention sur ces interactions. Mais trop souvent les questions liées à l’économie sont traitées par des économistes et les questions de sociologie par des sociologues. De bonnes politiques, comme des marchés « efficaces », auront besoin que ces silos traditionnels disparaissent. Au-delà du business : un besoin d’interdisciplinarité Les débats sur une nouvelle approche de la gouvernance du cannabis font rage, et des demandes de changement apparaissent. Alors que la France paraît alléger ses lois contre l’usage du cannabis, il est important de débattre le contenu de ce prochain chapitre de l’histoire sociale du cannabis. Nous pensons que cela nécessite de réfléchir au cannabis dans les deux sens du terme. L’interdisciplinarité sera centrale dans ces deux mouvements. Afin d’apprendre des expériences actuellement en cours et d’enrichir le débat public, des économistes, des politologues, des sociologues, des étudiants en médecine ou en business… devront s’engager profondément. Ces disciplines auront cependant besoin de pousser les limites de leurs domaines respectifs et de les transformer, parfois jusqu’à un stade inconfortable. Les experts des écoles de commerce devront comprendre que le business est bien plus que la simple maximisation de revenus et la construction de valeur pour les parties prenantes : ils doivent donc redéfinir le domaine même du business comme social et politique. Les workshops « Contested Market » à HEC Paris par les professeurs assistants en comptabilité Daniel Martinez et Dane Pflueger, les 18 et 19 juin constituent une première tentative visant à réfléchir au cannabis en France (le 18 juin est une date d’une importance symbolique, rappelant l’Appel du 18 joint, manifeste appelant à la légalisation du cannabis en France, publié le 18 juin 2018). Par Daniel Martinez / Professeur Assistant de Comptabilité à HEC Paris Mes recherches actuelles portent sur l'utilisation et les effets du contrôle de gestion et de la comptabilité au sein des ONG de développement international. J'enseigne la comptabilité et le contrôle de gestion à HEC Paris. Source: startco.lesechos.fr 4 Lien à poster Partager sur d’autres sites
Lamic-Tal 3 278 Posté(e) juin 20, 2018 Partager Posté(e) juin 20, 2018 Salut, oui c'est pas mal du tout dis donc ! mais une chose à ne pas oublier: si on légalise alors tous les consommateurs ne pourront plus conduire de véhicules ... et pour leur travail ça pourrait être embêtant non ? aussi par exemple dans mon ex taf avoir du thc dans le sang c'etait la porte direct (contrôle tous les 6 mois). à HEC ils en parlent ? ... 2 Lien à poster Partager sur d’autres sites
liloutedebordeaux 213 Posté(e) juin 20, 2018 Partager Posté(e) juin 20, 2018 Hello, Je suis assez d'accord avec cet article, même si je n'ai pas tout compris. Mais l'idée selon laquelle il faut réinventer notre manière de penser me paraît être la bonne. Il faut que les acteurs voient la globalité du marché du cannabis car c'est un monde vraiment vaste et complexe. @+ Lien à poster Partager sur d’autres sites
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