mrpolo 7 743 Posté(e) mai 5, 2017 Partager Posté(e) mai 5, 2017 Khalid Tinasti, est secrétaire exécutif de la Global Commission on Drug Policy. Il est également chargé de recherche honoraire à l’Université de Swansea. Dans cette tribune, il explique comment le Maroc pourrait franchir le pas et légaliser sous condition le cannabis. Khalid Tinasti, Secrétaire exécutif de la Global Commission on Drug Policy. Depuis la nomination du Premier ministre Saâdeddine El Othmani, il est écrit ici et là qu’il est favorable à la légalisation sous conditions du cannabis au Maroc. Les conditions sous lesquelles une telle légalisation serait éventuellement considérée par le Premier ministre et le nouveau gouvernement ne sont pas publiques à ce stade. Par ailleurs, aucun calendrier de réforme ne l’est non plus. Toutefois, l’inclusion de cette information dans les divers portraits du Premier ministre permet de poser un diagnostic sur les défis que doit relever le Maroc afin de réguler de manière stricte, efficace et juste sa production de cannabis. Il s’agit de répondre à la fois à des défis internes au Maroc, à savoir la mise en place d’une réelle stratégie de réduction de l’usage du cannabis à travers sa légalisation, mais surtout de répondre de manière équitable à la problématique urgente des cultivateurs dans le Rif. Il s’agit également tenir compte des défis externes au pays qui influenceront directement ce débat. Quelle sera notre interprétation nationale des traités internationaux sur les drogues et notre conformité à la loi internationale ? Quelles seront les réactions des pays voisins qui y verront une menace, certes exagérée, à leurs modèles prohibitionnistes ? Le Maroc est le premier producteur de cannabis dans le monde, et sa production est largement destinée à l’export. La prohibition de cette substance, qui est cultivée depuis des siècles dans le Rif occidental, a produit plusieurs méfaits qui sont difficiles à ignorer : la mise en péril quotidienne des cultivateurs qui sont criminalisés par la loi et mis sous pression par le crime organisé ; le manque d’alternatives économiques dans les zones montagneuses éloignées ; et le règlement, par les trafiquants, des livraisons de résine de cannabis par d’autres stupéfiants et non par de l’argent, augmentant ainsi la consommation et le trafic dans cette même région. Ces effets ne sont pas seulement liés au fait de produire du cannabis, mais en grande partie au fait de le produire dans un cadre illicite. Cette criminalisation renie aux cultivateurs et aux usagers leurs droits les plus basiques, ceux de pouvoir être protégés du pouvoir coercitif des criminels, de même que de pouvoir compter sur des recours légaux dans les cas d’abus par les forces de l’ordre. La régulation légale permettra dans ce sens d’habiliter ces personnes actuellement vulnérables à demander leurs droits, et de se protéger contre l’arbitraire qui est souvent le résultat de la prohibition. Cela permet, et c’est l’essentiel en termes de politiques publiques, de pouvoir contrôler cette substance bien trop souvent dépeinte, sans lien avec l’évidence scientifique, comme une drogue destructrice. En effet, une régulation étatique stricte peut décider des quantités à produire, des zones où la production peut être autorisée (afin de la contenir aux zones historiques et de substituer ces revenus au marché illicite qui répond aujourd’hui à l’urgence sociale dans le Rif occidental), de la qualité et de la teneur des substances actives (en limitant la puissance du THC), et de l’âge et du profil des consommateurs, court-circuitant ainsi les trafiquants. Mais si la régulation légale, ou légalisation sous conditions strictes, sonne comme une bonne solution, elle est tout sauf facile ou évidente à mettre en place. L’exemple le plus illustratif de ces difficultés est le Canada qui met en place actuellement une légalisation fédérale du cannabis. Mais nos problématiques sont différentes. Elles sont liées en premier lieu au pouvoir de nos institutions à exercer un réel contrôle pour que la production légale ne soit pas détournée vers le marché noir, à pouvoir contrer la corruption à tous les niveaux pour sécuriser les circuits de production et de revente, et à pouvoir concentrer les efforts sur le crime organisé si résilient face aux politiques publiques même les plus novatrices. Débattre de la place du cannabis Notre second problème est le contrecoup régional et mondial. En effet les trois conventions internationales sur les drogues interdisent la légalisation des drogues illicites. Les Etats-Unis clament dans les arènes multilatérales que les légalisations du cannabis dans neuf de leurs Etats dépendent des lois de ces mêmes Etats, et que la loi fédérale continue à prohiber le cannabis. L’Uruguay profite de cette situation américaine pour passer sous les radars, et le Canada doit présenter ses arguments bientôt. Mais que pourrait plaider le Maroc ? Certainement que lesdites conventions permettent de la flexibilité lorsque leurs articles ne correspondent pas aux Constitutions nationales. Surtout, il doit rappeler que si le combat contre le crime organisé est de nature transnationale, la santé, le bien-être et la sécurité des citoyens sont une responsabilité nationale. Et ces éléments sont, de manière documentée, mis en péril par la prohibition et la criminalisation du cannabis, par le simple fait de le laisser ainsi que ses cultivateurs ou autres usagers sous contrôle criminel. Finalement, la régulation légale changera la nature même du marché du cannabis au Maroc, le faisant passer de produit illicite destiné à l’export à un produit licite et contrôlé destiné au marché local uniquement. La régulation du cannabis est un saut dans l’inconnu car les résultats des expériences aux Amériques ne seront connus que dans quelques années, mais il est certain qu’elle ne peut produire plus de méfaits que la prohibition actuelle. Toutefois, il est nécessaire d’être réaliste et de mesurer les difficultés de sa mise en place : il faut débattre de la réelle place du cannabis dans notre société loin des dogmes et des idéologies basées sur des idées fausses propagées par 50 ans de prohibition, et surtout de la capacité de nos institutions à mener une telle réforme de manière efficace avec tous les garde-fous nécessaires au contrôle stricte du cannabis légal. Source: telquel.ma Ce message a été promu en article 1 Lien à poster Partager sur d’autres sites
Baron Vert 584 Posté(e) mai 6, 2017 Partager Posté(e) mai 6, 2017 Salut, vraiment intéressant cet article. Si un pays comme le Maroc venait à retirer la prohibition, ça risque de faire bouger les choses un peu partout. Finalement, la régulation légale changera la nature même du marché du cannabis au Maroc, le faisant passer de produit illicite destiné à l’export à un produit licite et contrôlé destiné au marché local uniquement. Sur ce point, je suis pas sûr. Vu les quantités actuellement produites au Maroc, je doute que seul le marché local suffise à écouler la production nationale. Je vois deux possibilités pour permettre l'écoulement des stocks. Soit les producteurs remplacent une partie du cannabis récréatif par du chanvre textile qui a de nombreux usages et offre de multiples opportunités profitable à terme à l'économie nationale. Soit en légiférant pour permettre aux touristes étrangers qui le désirent de consommer dans un cadre adapté ce qui sera également profitable à l'économie nationale. Pour le moment, rien n'est encore fait et tout n'est encore que spéculations. Ceci dit, il semble y avoir un changement de ton dans la politique marocaine, ce qui plutôt positif. Une affaire à suivre donc. ++ 1 Lien à poster Partager sur d’autres sites
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