Cannabis et psychose: ce que nous savons


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De nombreuses études ont montré que la consommation du cannabis est associée à une augmentation du risque de développer une psychose. Amine Benyamina, psychiatre, hôpital Paul Brousse, Villejuif, président de la Fédération française d’addictologie, a fait le point pour nous lors de la journée sur la légalisation du cannabis au sénat.

 

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Une méta-analyse de l’ensemble des observations au sein des populations sélectionnées a montré que la consommation du cannabis est associée à une augmentation du risque de psychose (OR = 1,41), doublé chez les plus gros consommateurs (OR = 2,09)1. L’association entre les deux événements n’est pas une preuve de causalité. Pour cela, il faut d’autres études et d’autres recherches. 

 

À partir des preuves existantes, nous avons acquis un certain nombre de certitudes quant à la relation entre le cannabis et la psychose2.

Grâce à un nombre important d’études qui se concordent (niveau A), nous savons actuellement que:

  • l’utilisation précoce du cannabis est associée à un risque augmenté de psychose. Plus l’âge du début des consommations est jeune, plus le risque de psychose augmente;
  • le taux des différents cannabinoïdes est associé aux différents risques. Plus le taux du delta-9 tétrahydrocannabinol augmente, plus le risque de psychose augmente. Plus le taux de cannabidiol augmente, plus le risque de psychose diminue3;
  • le cannabis modifie la régulation de la plasticité cérébrale. La plasticité cérébrale est impliquée dans l’apprentissage et la consolidation de la mémoire;
  • le cannabis modifie les processus cognitifs sur le court terme;
  • les personnes ayant des antécédents familiaux de troubles psychotiques sont plus sensibles aux effets du cannabis qui miment la psychose.

La majorité des preuves sont en faveur (niveau b )  d’une interaction entre les traumatismes dans l’enfance (violences verbales, physiques et sévices sexuels), la consommation du cannabis et l’augmentation du risque de psychose. Il existe également des arguments en faveur d’une association entre un polymorphisme spécifique du gène AKT1 (rs2494732) et les troubles psychotiques induits par le cannabis. L’AKT1 est impliqué dans de nombreuses fonctions cellulaires dont la régulation des récepteurs dopaminergiques. Cela, associé au risque augmenté familial, renforce l’hypothèse d’un composant génétique important dans la genèse de la psychose suite à la consommation du cannabis.

 

D’autres questions restent fortement débattues face aux preuves contradictoires dans la littérature. D’abord, il n’est pas certain que l’utilisation du cannabis provoque une perte neuronale chez les personnes ayant ou non des antécédents familiaux de psychose. La neurotoxicité du cannabis est fortement débattue puisque la plupart des études ont été effectuées chez les personnes utilisant d’autres substances comme l’alcool, qui est une neurotoxine avérée. Si nous savons que le cannabis a un impact sur les fonctions cognitives à court terme, la réversibilité des troubles suite au sevrage n’est pas certaine, d’où la nécessité d’éclaircir la question de la neurotoxicité du cannabis.

 

Un autre gène a fait l’objet de nombreuses études, le COMT, qui régule les taux de dopamine cérébrale en l’inactivant. Les études sont contradictoires quant à son implication dans la psychose chez les consommateurs du cannabis. Il n’y a pas de preuves que le cannabis modifie la disponibilité des récepteurs dopaminergiques striatales ni qu’il augmente les taux de la dopamine au niveau du striatum. L’augmentation de la dopamine striatale est importante pour deux raisons. Premièrement, les substances qui engendrent des addictions provoquent clairement une augmentation des taux de dopamine au niveau des structures cérébrales centrales, dont le striatum. Deuxièmement, cette augmentation a été observée clairement chez les patients atteints de psychose, d’où l’utilisation des antipsychotiques qui bloquent la dopamine au niveau cérébral.

 

Certes, il n’y a pas de lien de cause à effet prouvé entre la consommation du cannabis et le développement d’une psychose. Si on considère que ce lien existe, et, selon l’observation de méta-analyses, si on se fonde sur l’association entre consommation intensive et précoce et survenue de schizophrénie, il faudrait empêcher entre 2800 et 4700 personnes de fumer pour prévenir un cas de psychose4. C’est peu, mais c’est la seule hypothèse sérieuse aujourd’hui.

  • 1. Moore TH, Zammit S, Lingford-Hughes A, Barnes TR, Jones PB, Burke M, et al. Cannabis use and risk of psychotic or affective mental health outcomes: a systematic review. Lancet 2007;370(9584):319-28.
  • 2. van Winkel R, Kuepper R. Epidemiological, neurobiological, and genetic clues to the mechanisms linking cannabis use to risk for nonaffective psychosis. Annu Rev Clin Psychol 2014;10:767-91.
  • 3. Leweke FM, Piomelli D, Pahlisch F, Muhl D, Gerth CW, Hoyer C, et al. Cannabidiol enhances anandamide signaling and alleviates psychotic symptoms of schizophrenia. Transl Psychiatry 2012;2:e94.
  • 4. Hickman M, Vickerman P, Macleod J, Lewis G, Zammit S, Kirkbride J, et al. If cannabis caused schizophrenia - how many cannabis users may need to be prevented in order to prevent one case of schizophrenia? England and Wales calculations. Addiction 2009;104:1856-61.

Source : vih.org
 

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