En Normandie, la légalisation du cannabis en débat


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À chaud. La légalisation du cannabis est pour la première fois un véritable marqueur de la campagne présidentielle. En Normandie, l’éventualité fait son chemin dans les esprits.
 
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Aujourd’hui passible d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende, rouler un joint pourrait être bientôt autorisé (photo d’illustration Boris Ma )
 

«Le cannabis se trouve aussi facilement que le tabac. » Pour Alexandre Baguet, chef du service d’addictologie du CHU de Rouen, c’est du pareil au même. Pourtant, la consommation de la première de ces drogues est illégale, la seconde ne l’est pas. Difficile de le deviner malgré tout lorsque l’on regarde les chiffres de la consommation. La France pointe au premier rang des pays européens des consommateurs de cannabis avec 1 400 000 utilisateurs réguliers sur le territoire. À Rouen 700 patients sur 2 700 ont parlé de leur consommation de cannabis à leur entrée dans le service d’Alexandre Baguet en 2016.

 

Derrière ces chiffres impressionnants, c’est l’échec de la politique de répression. Partageant ce constat, plusieurs candidats à l’élection présidentielle se positionnent pour sa légalisation, notamment Benoit Hamon (PS) et Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise). Le leader de En Marche !, Emmanuel Macron, se dit favorable à une dépénalisation. De leur côté, François Fillon (LR), et Marine Le Pen (FN) se montrent pour un durcissement de la législation. En Normandie, parmi les professionnels de santé, la question fait débat. « Mais nous sommes au moins pour la dépénalisation », assure Alexandre Baguet.

 

Au CHR de Saint-Étienne-du-Rouvray, le ton est beaucoup plus direct : « Je suis pour la légalisation de toutes les drogues, peu accessibles et sous contrôle de l’État », assure Coralie Hans, psychologue dans le service addictologie. Jean Costentin, président du Centre National de prévention, d’études et de recherches en toxicomanie, bondit de sa chaise à l’écoute d’une telle hypothèse. Pour lui, la légalisation entraînerait une recrudescence des consommateurs et plus particulièrement des jeunes consommateurs. « Lorsque je demande aux jeunes que je rencontre pourquoi ils ne fument pas, 60 % d’entre eux parlent de la peur de l’interdit. » Le cannabis est surtout un danger pour les jeunes. Le cerveau est en pleine évolution jusqu’à 25 ans. Un point sur lequel appuie également Alexandre Baguet.

 

« Si une personne commence à fumer à 45 ans, elle sera juste un peu plus lente dans son travail, mais ça ne va pas fondamentalement changer sa vie. Un jeune, s’il manque de motivation à cause du cannabis dans ses années d’études, ça peut tout changer pour sa vie future. »Si ce risque est réel, la légalisation pourrait aussi avoir le mérite de libérer la parole de ces jeunes. « Comme il y a un jugement, ils se débrouillent entre eux, déplore Romuald Cavelier, infirmier en addictologie au CHR du Rouvray. C’est plus compliqué d’ouvrir le débat. » « Il y a un paradoxe entre la facilité de se procurer du cannabis et la honte de dire que l’on fume », remarque Coralie Hans. Coauteur d’un rapport de l’association Terra Nova sur la légalisation du cannabis, Jean-Michel Costes le déplore également : « C’est monstrueux qu’un problème de santé fasse passer pour un délinquant. »

 

Autre mérite, la légalisation du cannabis pourrait avoir un effet moins nocif sur la santé des fumeurs en leur permettant de consommer un produit de meilleure qualité. « À l’heure actuelle c’est très difficile de connaître la provenance de ce que l’on achète, concède Luc* fumeur de 26 ans aux Andelys dans l’Eure. Très difficile d’avoir de la qualité. » Aujourd’hui, il paye 10 € un gramme de cannabis de ‘bonne qualité’. Demain, il est prêt à mettre jusqu’à 15 € si la provenance et le suivi sont faits par l’État.

 

En revanche, personne n’est candide au point de penser que la légalisation du cannabis stoppera le trafic. « Les dealers trouveront une autre source de revenus ailleurs, mais le trafic de cannabis représente un milliard d’euros par an, on peut déjà les priver de cette ressource », analyse Jean-Michel Costes. « C’est sûr que les dealers ne vont pas être contents », analyse Matthieu*, autre consommateur quotidien de cannabis habitant les Andelys. « Ils pourront ouvrir les premiers coffee-shops », souffle le jeune homme de 26 ans en rigolant. Le contrôle de la qualité du produit et de son réseau de distribution est l’autre enjeu de la légalisation pour Jean-Michel Costes. « Si on légalise maintenant, on peut le faire selon nos propres règles car les lobbys ne sont pas encore puissants. Dans 15 ans ce ne sera pas pareil. »

 

Pourtant la légalisation du cannabis semble encore lointaine dans beaucoup d’esprits. Sollicité, le syndicat des buralistes de Seine-Maritime n’a pas souhaité répondre à nos questions, considérant l’éventualité comme irréaliste. Vraiment ?

 

* Les prénoms ont été changés

 

C’est déjà légal.
Les pays qui ont franchi le pas (dans un espace privé ou dans des coffees-shops) :
- Pays-Bas
- Uruguay
- États-Unis (Alaska, Colorado, Californie, Washington, Oregon, Nevada, Maine, Massachusetts)
 
La dépénalisation est
une solution adoptée par 27 pays dans le monde (ainsi que 37 états américains). Elle limite à une amende la sanction encourue pour les possesseurs de cannabis.

 

 

Boris MA

François VANHOVE

 

Source: paris-normandie.fr



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