mrpolo 7 743 Posté(e) mars 8, 2017 Partager Posté(e) mars 8, 2017 Depuis novembre 2016, la loi a inclus son usage récréatif dans huit Etats américains où la plante était seulement autorisée pour un usage thérapeutique. Notre reporter est allé enquêter du côté de San Francisco et des montagnes de l'Oregon afin de humer l'ambiance. Tantôt studieuse, tantôt «high», mais toujours fructueuse. Dans l’Ouest américain, des plantations de chanvre de variétés diverses. Alena Paulus A San Francisco, comme dans toute la Californie, le cannabis à usage thérapeutique était déjà légal depuis 1996. Mais ce 8 novembre 2016, jour de l'élection présidentielle, le «Golden State» s'est prononcé pour une légalisation totale, c'est-à-dire l'autorisation aux majeurs de plus de 21 ans de produire, consommer et vendre (avec une licence) la fleur de cannabis. Malgré le coup de massue que provoque l'arrivée d'un président populiste et de son administration ultraconservatrice, les anti-prohibition ont pu crier victoire. Car la fumette pour le plaisir est maintenant légale; plus besoin de se cacher. La Californie est le cinquième Etat à autoriser la pleine légalisation du cannabis, après le Colorado, l'Oregon, l'Alaska et l'Etat de Washington. Même vote favorable en Arizona, au Nevada et au Massachusetts. D'autres ont approuvé son usage thérapeutique (Arkansas, Floride,Montana et Dakota du Nord). Que l'on ait voté démocrate ou non, il semble que le pays tout entier puisse se voir sous peu doté d'une loi fédérale, c'est-à-dire une légalisation totale sur l'intégralité du territoire des Etats-Unis. La Californie était un enjeu majeur: il s'agit de l'Etat le plus peuplé, dont le PIB est supérieur à celui de la France. C'est en effet dans la région de San Francisco que sont concentrées toutes les grandes entreprises des nouvelles technologies. Une des conséquences néfastes de cette arrivée massive des «tech people», pourtant rapidement adaptés à la «positive attitude», est que leur nombre (100000 en seulement trois ans!) fait grimper les loyers. La population bohème doit quitter la ville, direction Oakland, de l'autre côté de la baie, ou migrer à la campagne. Amy est une survivante de cet esprit hippie freaky à la californienne. La quarantaine avenante, le regard clair, les cheveux blonds en dreadlocks ramassés dans un chignon, sans maquillage, le teint hâlé et une vivacité de baroudeuse, elle exerce dans son domaine de prédilection : le cannabis. Elle sait le planter, le récolter, le trier («trimming»), le cuisiner et le vendre. La vie à San Francisco n'a pas été facile ces dernières années, mais Amy va enfin pouvoir mettre ses projets à exécution: gérer sa propre plantation. Le «weed business» est en route, et son marché est estimé à plusieurs milliards de dollars. En Oregon, la culture du cannabis est légale depuis 2014. Avec Amy, nous allons donc observer de plus près une véritable plantation. Mieux: nous allons nous y intégrer et travailler parmi les «trimmigrants», ces saisonniers dévolus au tri. Entre les mains des trimmers, la plante passera du stade d'arbuste sec et feuillu à celui de fleur de cannabis, verte, orangée ou violette suivant l'espèce, bien lissée et compacte, prête à être empaquetée. Le travail dans ces fermes-plantations est réputé dur, mais lucratif. Des "hippies with machines guns" Nous quittons la baie de San Francisco dans un van qu'auraient approuvé les Freak Brothers, célèbres personnages de BD. Passé le mont Shasta et ses neiges éternelles, nous arrivons le soir dans les montagnes sauvages de l'Oregon. La ferme est isolée, loin des regards malveillants ou envieux, plantée au milieu d'un cirque de sommets. On y entend à la nuit tombante les hurlements des coyotes. Amy et moi sommes accueillis chaleureusement par Jeff, le propriétaire, âgé d'une quarantaine d'années. En fils de la génération Nirvana, il affiche une immuable «cool attitude» et écoute toujours du gros son. Ses guitares de collection sont accrochées aux murs. Mais il nous montrera aussi un autre arsenal: celui de ses revolvers de poing, fusil à lunette et fusils M16. De quoi dissuader les visiteurs importuns. Question sécurité, on peut aussi faire confiance à Max, un bulldog américain de 50 kilos, tous muscles saillants, qui ne quitte pas son maître. Jeff touchera des recettes confortables cette saison car la récolte est abondante. © Getty Images Rapidement, la vie chez ces «hippies with machine guns» s'organise autour du travail.Le «trim» est une tâche minutieuse qui se joue au cheveu près. Dans un garage exigu plein de bacs, de gros sacs en plastique, de bocaux et de sachets en papier, les quelques personnes assises, munies de ciseaux, découpent d'un geste rapide et précis tout ce qui pourrait parasiter l'éclat et la rondeur d'une fleur de cannabis. On m'initie à la technique particulière appliquée à la Kush It, qui doit être débarrassée de ses feuilles vert foncé, pour bien laisser apparaître la fleur au vert moussu constellé de taches rouillées. Le coup de ciseaux doit être précis et rapide. Les heures de travail sont au choix de chacun, car c'est au poids que l'on est payé. Une journée normale de trimming est de douze heures... Le tarif standard est de 150 dollars le demi-kilo mais chacun sait qu'il peut gagner jusqu'à 400 dollars par jour s'il est véloce et endurant. Pour les meilleurs, rompus à l'exercice, un tel job saisonnier, qui peut s'étaler sur trois mois, leur permettra de voyager tout le reste de l'année. Autour de moi, une poignée de personnes «trimment» assidûment. Amy commence à bien remplir son sac de têtes impeccablement taillées... Il y a aussi deux «freaks» itinérants arrivés de l'Etat de Washington, d'autres de La Nouvelle-Orléans pour la «weed season» dans l'Ouest, et deux Canadiens venus en Oregon pour apprendre le fonctionnement d'une ferme, afin d'en monter une chez eux dans l'Alberta où la légalisation est aussi en marche. Une cueillette entièrement effectuée à la main. © Getty Images J'ai de la chance, Amy nous a introduits dans une ferme familiale où l'on est nourris et où l'on peut se doucher dans une vraie salle de bains. Car, un peu partout dans l'Ouest, des «guerilla farms», des fermes tenues par des propriétaires sans scrupules, attirent des saisonniers contraints de vivre dans une plantation sans eau chaude ni électricité, et qui doivent apporter leur propre nourriture. On y «trimme» paraît-il toute la journée à trente personnes sous une tente géante, les pieds dans la boue. Chez Jeff, sous les néons du garage, l'atmosphère est détendue et bon enfant. Ça discute fort et la musique est bonne. C'est le jour de Halloween, et la station de radio WWOZ programme des séries de blues à tomber par terre... C'est juste à ce moment-là que je commence à me demander combien de temps on peut tenir ainsi, à sept personnes qui ne se connaissent pas ou peu, dans ce garage de 12 mètres carrés, douze heures par jour, où les seuls instants de détente consistent à fumer des «spliffs» sous les rayons automnaux du soleil de l'Oregon! Le deuxième matin, à mon réveil, encore sous l'influence de mon dernier joint, je me vois «trimmer» la montagne avec mes ciseaux endiablés... Elle m'apparaît comme une fleur de cannabis géante! On en arrive à perdre un peu certaines notions. Comme celle du temps, par exemple. Un subtil phénomène d'hypnose commence à opérer. Le «trim» est minutieux, répétitif et l'atmosphère chargée en cannabis! Une adaptation est nécessaire, mais, passé les premières 24 heures, plutôt «stupéfiantes», on est amené à réaliser qu'il ne reste d'autre choix que de ranger ses vieilles habitudes, faire confiance au groupe et se laisser aller au «mood» collectif. Bon esprit. «No bullshit!» Le travail doit être pris très au sérieux mais ne jamais oublier d'être relax. Et alors tout roule... Malgré les gants en plastique, la poussière de cannabis est partout Pour ces Américains, mais aussi ces Canadiens, la musique n'est pas qu'un fond sonore, elle est dans les gènes. L'incroyable collection de rock, blues, jazz et autres sons du patrimoine rythme nos journées. Malgré les gants en plastique, la poussière de cannabis est partout: sur les tables, le sol, sous les ongles, à l'état de poudre ou de résine. Les doigts sont tellement collants qu'il devient impossible d'allumer son spliff de détente: le briquet ne répond plus! Les poignées de porte sont protégées par des manchons en plastique, et le protocole vestimentaire est strict: dans la maison se trouvent des tout-petits, alors pas d'herbe ni de poussière de cannabis à l'intérieur. Pour entrer il faut se déchausser et changer de vêtements. Kathy, la femme de Jeff, qui gère également le lieu, déambule dans le «garden» un bébé posé sur une hanche, un petit à la main. Dans ce grand potager exotique sont plantés (sous surveillance vidéo) la cinquantaine de pieds de cannabis de la ferme, devenus de véritables arbres de 2,50 mètres de hauteur et qui produiront plusieurs kilos de fleurs chacun. Kathy s'inquiète des récentes pluies tombées massivement après une floraison tardive due à la sécheresse. Elle vérifie le séchage des pieds déjà coupés, décortique le travail des trimmers et les conseille. Elle et Jeff, qui n'ont monté cette ferme qu'au printemps dernier, prévoient déjà d'en créer une nouvelle dans les prochains mois, plus au nord. Jeff promène son bulldog de concours. Il m'explique que bientôt les banques vont accepter l'argent de la production du cannabis: la ferme pourra enfin fonctionner comme une vraie entreprise. Car, en attendant une loi à l'échelle fédérale, les banques n'ont pas pris de risques. Jeff n'a pas le choix: il s'en tient au cash, de grosses quantités de cash. Et, bien sûr, il faut pouvoir le protéger. Les taxes de l'Etat destinées à la recherche et à la prévention des drogues dures Le business est bon. Depuis le 8 novembre, il est possible et légal en Californie d'acheter 28,5 grammes de marijuana pour des activités récréatives. On peut aussi faire pousser six plants, dont la revente est autorisée (avec une licence et une taxation plus douce qu'ailleurs, à 15%). Pour l'Etat de Californie uniquement, on estime à 1 milliard de dollars la recette fiscale annuelle. Une somme destinée à la recherche et à la prévention des drogues dures. Au final, l'herbe vendue dans les magasins officiels coûtera plus cher que celle de la rue, mais elle sera le produit d'un circuit «vertueux», avec des contrôles sanitaires rigoureux et des impératifs légaux qui généreront des bénéfices pour la communauté et créeront des milliers d'emplois. Amy, comme beaucoup d'autres issus du monde alternatif - militants prolégalisation, écologistes, pacifistes, anciens producteurs plus ou moins légaux -, a bien l'intention de prendre sa part du gâteau, tout en continuant de pratiquer un mode de vie tourné vers le naturel. Ce lifestyle issu de la culture hippie, à contre-courant de la consommation industrielle, faisait partie de ce que l'on appelait jadis « la contreculture » ! Alors, peut-on parler d'un renouveau de cet esprit des sixties et des seventies ? Oui, avec cette nuance que les babas cool d'aujourd'hui ont des armes à feu et le sens des affaires ! Il est curieux, d'ailleurs, de remarquer que c'est dans la région de San Francisco, autrefois haut lieu de cette culture hippie, que s'est installé le bastion des entreprises de haute technologie, la Silicon Valley, dont certains des grands noms se sont revendiqués de cette mouvance des années 1960 ! Aujourd'hui, la Californie de la réalité virtuelle, celle de Facebook, Google, Apple, Uber et autres qui continuent de révolutionner nos modes de vie, ne voit aucun inconvénient à soutenir la légalisation du cannabis. Au contraire, Sean Parker, président de Facebook, un des hommes les plus puissants du secteur, aura été l'un des plus gros contributeurs de la promotion de la légalisation. Dans la ferme, les blagues fusent, la cool attitude règne Alors, le cannabis pourrait-il être la plante du futur ? Certains tirent le signal d'alarme : des études sanitaires montrent que son abus peut aggraver des cas de psychose ou de paranoïa. Dans la ferme, rien de tout ça, pas la moindre trace d'irrationalité. Tout est fait pour que le travail soit performant et la vie commune, agréable. Bizarrement, les journées passent vite. On se concentre sur le travail du tri et de la coupe, stimulé par le gros son soul et rock. Les blagues fusent, la cool attitude règne... On nage dans l'euphorie! Bientôt, ces dizaines de kilos de cannabis de variétés diverses - Kush It, Blueberry, Royal Hawaiian ou Black Bull - seront exposées sur des étagères de boutiques-officines garantissant la qualité du produit, et des spécialistes conseilleront leurs clients sur les vertus des différentes espèces. Ça fait rêver... ou ça inquiète, au choix. Dans le même temps, on s'apprête à libérer des milliers de prisonniers autrefois jugés pour des délits liés à la consommation.Une bonne nouvelle pour le système pénitentiaire américain saturé par le surpeuplement carcéral. De plus, la levée de la prohibition renvoie les organisations mafieuses, de type cartels mexicains, dans les cordes; de ceux-là, on ne comptait plus les victimes. Tant que la Californie était limitée à l'usage thérapeutique, elle restait dans un flou juridique qui laissait les producteurs en situation de vulnérabilité. Un scénario idéal pour les vendettas: on a fini par compter quelques meurtres dans certaines fermes californiennes. Les autorités se devaient d'adopter une attitude plus pragmatique. Le cannabis aux Etats-Unis était autrefois un problème moral, puis il est devenu un problème sociétal. Aujourd'hui, c'est un investissement, tout simplement. Bientôt la légalisation au Canada Au Canada, où l'on s'attend à une légalisation totale au printemps 2017, l'Etat forme à l'avance des apprentis à la production et au commerce du cannabis. L'argument principal du gouvernement Trudeau étant qu'ainsi les profits échapperont aux mains des criminels. Pour un pays peu peuplé comme le Canada, on estime le marché à plusieurs milliards de dollars par an avec des milliers d'emplois à la clé. Le rêve américain a beau être plus ou moins désenchanté, il va quand même virer un peu psychédélique... Lire aussi.Cannabis: la ruée vers l'or vert Dans mon bunker cannabique, nulle angoisse si ce n'est celle, furtive, de voir surgir sur le terrain, un gros chat type lynx ou cougar ou, pire, un ours affamé. Les craintes de Kathy concernant la mauvaise météo sont infondées : la récolte sera excellente cette année pour une petite exploitation comme celle du couple. Une production parfaitement bio et de très bonne qualité. J'essaie de me débarrasser du pollen qui a envahi mes vêtements, ma peau et mes cheveux. Rien qu'en me curant les ongles j'aurais de quoi invoquer quelques éléphants roses. La vie d'un trimmer n'est pas désagréable, s'il se trouve dans les bons circuits. Jeff me demande si je reviendrai l'année prochaine. N'est-ce pas une expérience qu'on ne fait qu'une fois dans une vie, un peu comme les catacombes de Paris ? Sur les plateaux boisés de l'Oregon, on vit dans l'harmonie, entre réalités pratiques et babas cool... with machine guns ! A quand des fermes à cannabis en France ? L'usage thérapeutique du cannabis : règles précises Il est légal dans 28 Etats américains, plus la capitale, Washington D.C. L'obtention de son autorisation est plus ou moins aisée selon les différentes législations. Mais, quel que soit l'Etat concerné, un médecin n'est pas habilité à en prescrire. Il ne peut qu'en recommander la consommation. Le patient fera alors la demande d'une carte d'identité de malade traité au cannabis (Medical Marijuana Identification Card). Celle-ci obtenue, il peut alors acheter légalement le produit dans une des officines de sa ville.Dans certains Etats, comme le Kentucky ou le Tennessee, l'usage est limité au traitement de l'épilepsie ou de la sclérose en plaques. La teneur en THC de ce cannabis (l'élément qui fait «planer») y sera très réduite ou inexistante.Dans l'Illinois, le Nouveau-Mexique ou la Californie, par exemple, la tolérance est plus grande quant aux symptômes à traiter: douleurs musculaires, nausées, anxiété ou stress, sans limitation de teneur en THC. Une fois muni de sa carte médicale et de papiers d'identité (car il faut impérativement être majeur pour en bénéficier), on se voit proposer une gamme entière de produits cannabiques. Les maladies souvent réactives à un traitement au cannabis sont le cancer, les douleurs chroniques, articulaires, musculaires, la dépression, le glaucome, les migraines, l'insomnie, les scléroses et les nausées. Chaque malade se voit recommander une espèce adaptée à son cas. Il a toutefois le choix de son produit, mais ne peut acheter que quelques grammes à chaque visite. Lire aussi.Interdire le cannabis freine-t-il son usage? Attention c'est une drogue! Même pour un usage thérapeutique, le cannabis reste interdit aux mineurs car on connaît ses effets délétères sur un cerveau en formation. Les autorités américaines et canadiennes précisent qu'il contient des substances qui peuvent « altérer le fonctionnement du cerveau et du système nerveux, et perturber la concentration, la prise de décision ou le temps de réaction de l'individu ». Conséquence : les capacités motrices sont réduites, notamment dans le cas de conduite d'un véhicule. De plus, le cannabis est aussi susceptible d'accroître l'anxiété, de causer des crises de panique et, dans certains cas, de provoquer hallucinations et paranoïa. Sa consommation ne doit surtout pas avoir lieu en présence d'enfants. Par Gilles Riberolles Source: parismatch.com Ce message a été promu en article 5 Lien à poster Partager sur d’autres sites
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