Culture de cannabis. Le grand boom


Messages recommandés

Dans un placard, une pièce ou à l'échelle d'une maison, les cultures clandestines de cannabis poussent désormais comme des champignons. La criminalité organisée lorgne depuis plusieurs années sur ce marché en plein boom. Enquête sur l'herbe, ses graines miracles et ses mauvais plants.

de-la-jardiniere-de-balcon-aux-veritable

De la jardinière de balcon aux véritables « fermes » de cannabis, les saisies d'« herbe sur pied » n'ont jamais été aussi nombreuses, ni la cannabiculture aussi lucrative...

 

Ils avaient appelé les pompiers pour un feu qui menaçait leur maison, au nord de Rennes. Ces trois colocataires d'une vingtaine d'années sont repartis encadrés par des policiers. Dans le bâtiment noirci par les fumées, les secours avaient trouvé quatre cabines de culture de cannabis et 900 grammes d'herbe. « Des pieds de cannabis, nous en découvrons de plus en plus, souvent à l'occasion d'affaires distinctes : troubles du voisinage, cambriolages, etc. », rapporte, à Brest, Thierry Le Floch, commissaire et chef de la sûreté départementale.

 

En hausse de 309 % en huit ans

La tendance est générale. « Ces deux dernières années, jamais autant de pieds de cannabis n'ont été saisis », souligne Michel Gandilhon, chargé d'études à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Leur nombre a été multiplié par 2,5 entre 2009 et 2015 (154.000 plants), et par quatre depuis 2007 ! Quant au nombre de « cannabiculteurs », ce chiffre était estimé, il y a quelques années, entre 80.000 et 200.000 en France.

 

« C'est très répandu », assure Benoît, fin connaisseur ayant accepté de témoigner sous un faux prénom. Ce Breton rapporte cette anecdote récente : « J'étais à une soirée, chez des amis d'amis. Il y avait une quarantaine de personnes, beaucoup de quadras avec leurs enfants, et beaucoup issues du monde agricole. Au moins dix d'entre elles avaient leur propre production.

 

À la fin du barbecue, c'était "goûte la mienne, elle est comme ci, goûte la mienne, elle est comme ça" ! » Pourquoi un tel engouement pour l'herbe ? « Les consommateurs pensent que c'est naturel, écolo, avance Christian Ben Lakhdar, professeur d'économie à l'Université de Lille 2, spécialiste de l'économie des drogues. Il y a aussi le refus de se mêler aux réseaux criminels et de les financer. » Faire pousser de l'herbe est surtout devenu extrêmement facile (lire ci-dessous).

 
Bénéfice annuel : 40.000 euros pour dix mètres carrés

 

Pour l'OFDT, le rôle de ces « cultivateurs en placard » reste cependant « marginal ». Depuis 2011, en France, la criminalité organisée a pris les choses en main. Il s'agissait tout d'abord de groupes criminels d'origine vietnamienne spécialisés dans ce segment, notamment en Grande-Bretagne. « Désormais, on trouve aussi les trafiquants de résine de cannabis issus des cités », rapporte une source policière.

 

Avantages : c'est local, moins risqué et moins coûteux qu'un go-fast. Quant aux gains financiers, une note policière confidentielle estimait en 2010 qu'une surface de dix mètres carrés permettait de dégager, dès la première année, un bénéfice net à la revente au détail de plus de 40.000 euros.

 

« On voit même de plus en plus de particuliers, sans aucun lien avec la délinquance organisée, se lancer dans cette lucrative activité », témoignent plusieurs enquêteurs. « Au-delà de 20 pieds, on passe clairement sur du trafic », estime Guillaume Pavic, coordinateur du site TREND/SINTES de Rennes pour l'OFDT. Les cas à plusieurs centaines de pieds ne sont plus exceptionnels.


En février dernier, la sûreté départementale du commissariat de Brest découvrait 211 plants répartis sur plusieurs sites de l'agglomération. Une petite coopérative très organisée regroupant des profils très différents : des délinquants investis dans le trafic de véhicules, un baba cool passionné de culture de cannabis, un consommateur festif inconnu de la police et de la justice, et un dealer de résine de cannabis...

 

À Lanrelas, petit bourg de 800 âmes dans les Côtes-d'Armor, en avril dernier, 901 pieds couvrant 250 mètres carrés étaient découverts dans une grande bâtisse. Le propriétaire, un Franco-Canadien de 59 ans, avait investi dans cette activité sur les conseils d'un dealer déjà connu de la justice.

 

Record national près de Nantes

La plus importante saisie française a eu lieu aux portes de la Bretagne, à 30 km à l'ouest de Nantes : 4.500 pieds dans une habitation isolée de Malville. Huit prévenus comparaissaient, en novembre dernier, devant la Juridiction interrégionale spécialisée de Rennes. À la barre, le « fermier » a raconté la spirale qui l'a conduit à travailler, « jour et nuit » depuis 2013, dans cette usine à cannabis pouvant théoriquement générer jusqu'à sept millions d'euros par an.

 

Du deal pour payer ses loyers en retard. Puis, une dette consécutive à un cambriolage. « Pour rembourser, c'était ça ou braquer un commerce. » Au procès, le trentenaire a dénoncé les têtes du réseau, deux frères connus pour organiser le trafic de stupéfiants dans un quartier de Nantes. Ceux-ci ont été condamnés à trois et sept ans de prison.

 

Par Hervé Chambonnière

Source: letelegramme.fr

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites