mrpolo 7 743 Posté(e) septembre 27, 2016 Partager Posté(e) septembre 27, 2016 Expogrow est le plus gros rassemblement consacré au cannabis auxquels se rendent les Français. Cette « feria cannabica » a lieu à la mi-septembre, depuis cinq ans, à Irun. La commune d'Irun est située dans la Communauté autonome du Pays basque, c'est-à-dire dans l'État espagnol, pays où la culture de marijuana pour sa propre consommation est autorisée. Un homme d'âge mûr essayant ce qui semble être un masque doublé d'un bang, Irun, 2016. Photo fournie avec l'aimable autorisation d'Expogrow. En France, s'il est besoin de la rappeler, le tableau est opposé. Le cannabis est classé parmi les stupéfiants. La loi de 1970 parle de « substance vénéneuse », dont la détention et la consommation sont interdites, l'infraction relevant du droit pénal. Même punition pour « le fait de présenter ces infractions sous un jour favorable ». Tarif annoncé : cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. On comprend vite qu'une convention comparable à Expogrow est inimaginable dans notre pays. Si on n'y achète pas de l'herbe à proprement parler, on trouve à Expogrow plus de 150 stands faisant le commerce des graines et de tout le matériel nécessaire pour cultiver à domicile – même si pour le besoin de la démonstration, ce sont des plants de persil et de basilic qui poussent dans les bacs hydroponiques. Pas étonnant que de nombreux Français se rendent au rendez-vous. Le plus simple est de prendre un train jusqu'à Hendaye, puis de traverser la frontière à pied, en passant par le vieux pont Saint-Jacques, point de passage historique. En dix minutes de marche, on franchit les portes modernes du parc des expositions Ficoba. Le décor oscille entre un Jardiland ultra-spécialisé et une foire aux accessoires plus ou moins kitsch. Bien entendu, en visitant Expogrow, on est tombés sur beaucoup de jeunes gens ravis d'essayer leurs achats et satisfaits par la perspective de pouvoir moudre de l'herbe et fumer leurs joints en terrasse sans être inquiétés. Et puis, au détour des piles de sacs d'engrais et des assortiments de hashbrownies, loin des jeunes à dreadlocks venus acheter de quoi faire pivoter leur grinder, on a porté notre attention sur ces visiteurs plus âgés, disons de plus de 45 ans – voire bien plus. Pas mal de cheveux blancs, quelques belles calvities. Calmes et ouverts à la conversation, ils m'ont raconté leur vie de darons portés sur la weed dans la France d'aujourd'hui. ARNAUD, 62 ANS VICE : Salut Arnaud. Te considères-tu comme un consommateur impénitent ? Arnaud : En tout cas régulier, oui. « Impénitent », bon... Disons que ce n'est pas parce qu'il y a la prohibition que je vais arrêter de fumer, ça c'est sûr. Pour être plus confortable, je cultive moi-même. Pourquoi préfères-tu faire ça seul ?Ce qui est insupportable, c'est tout ce qui est trafic. Quand on a dépassé la trentaine, on ne va pas s'amuser à aller toper un bout de pneu dans la rue à un gamin qui pourrait être son petit-fils. Si tu as un minimum de conscience, tu as envie de sortir de ce monde de trafic et de violence. C'est dangereux d'aller acheter du haschich dans une cité. On peut se faire braquer à la sortie. C'est un sport, quoi, faut pas croire. Souvent on est attendu à la sortie. Ils ont compris les mecs. Ils sont là pour dépouiller les gens qui viennent d'acheter. Mais bon, il y a des dealers gentils aussi, hein. Tu es pour la sécurité, quoi.Oui. Il y a aussi la sécurité par rapport à la police, bien sûr. Et il y a aussi la question de la sécurité du point de vue de la santé. En achetant des produits de la rue, on ne sait pas du tout ce qu'on achète. Il peut y avoir des produits chimiques dans le haschich, des trucs pour couper. Même dans l'herbe il peut y avoir des microbilles de verre, pour augmenter le poids. La meilleure solution, c'est l'autoproduction. La meilleure solution, est-ce que ça ne serait pas d'arrêter de fumer, tout simplement ? Oui, mais bon... Il faut arrêter si on sent que c'est quelque chose qui nous fait du mal. Je consomme pas mal parce que je suis à la retraite. Je n'ai pas des responsabilités terribles. Dans ma vie, j'ai connu des moments assez critiques. Il a fallu que j'assure, alors, de moi-même, j'ai arrêté de fumer. Une personne raisonnable se stabilise d'elle-même, hein. On fume peut-être plus en vacances que pendant le restant de l'année, par exemple. C'est quoi ta manière de consommer ?Moi, c'est des petits sticks à la californienne. Purs. Discrets. Et je vapote aussi un peu. Je pense qu'un jour je passerai entièrement à la vaporisation. –––– « Les trucs pour fumer, alors là, j'ai l'attirail complet. Aucun souci. J'ai même des bangs en inox fabriqués par mon mari. »––Josiane, 46 ans. FARID, 45 ANS Bonjour Farid. Pourquoi es-tu venu à Expogrow ?Farid : Je viens à chaque édition, depuis l'Essonne. J'aime l'ambiance. C'est bien plus qu'une grande foire commerciale, c'est un lieu, de l'autre côté de la frontière, où l'on se retrouve avec les langues déliées et la possibilité de vivre de manière libre. Tu es un partisan de l'autoculture ?Oh oui, mais je suis très peiné. Il y a encore quelqu'un qui m'a volé cette année. Je ne vais pas pouvoir récolter. Il m'a pris des fruits qui n'étaient pas mûrs. C'est un crétin. Je suis dégoûté, parce que je passe beaucoup d'énergie et de temps à planter du chanvre et à le cultiver le plus à l'abri possible. Le fait qu'en France les langues soient « liées », comme tu le sous-entends, serait-ce une partie du problème ? On peut faire ce constat, oui. En France, on vit dans une énorme hypocrisie, avec un niveau de consommation très élevé et des formes de consommation tout à fait à risque, dommageables pour la santé. Mais on préfère ignorer tout cela, en faisant l'autruche... On est muets parce que la loi interdit de présenter le cannabis sous un jour favorable. Un T-shirt avec un rasta ou un punk qui se marre en arborant un gros pétard, c'est interdit en principe, alors ? En effet, des petits jeunes qui sortent en boîte un soir ou dans le centre-ville avec une feuille de cannabis représentée sur la casquette vont se faire emmerder par la maréchaussée, parce que ça serait « présenter l'usage du cannabis sous un jour favorable ». Que penses-tu de ceux qui commencent à fumer jeune ?C'est très grave ! On n'a pas forcément les bonnes relations, ni les bonnes informations. On devrait faire quoi, alors ?Comme la consommation de tabac ou d'alcool, il faudrait pouvoir réguler. Pour pouvoir réguler, il faut pouvoir éduquer. Pour pouvoir éduquer, il faut pouvoir informer. Et pour pouvoir informer, il faut au moins pouvoir présenter les choses de manière non tronquée. Malheureusement, depuis 40 ans en France, on vit dans une atmosphère où dès que l'on prononce le mot « cannabis », c'est le mal, c'est le diable. Eh bien, voilà une profession de foi politique.Ah mais oui, on peut le dire. Je suis un militant politique engagé. Je milite pour le Cannabis sans frontières. J'ai fait partie d'une liste pour les élections européennes, à deux reprises. Et aussi pour les élections législatives. JOSIANE, 46 ANS Josiane, je peux te demander ton avis sur la légalisation ?Josiane : Ah, eh bien je suis pour que ce soit légal. Carrément. Quand tu as passé la quarantaine, c'est bon, c'est devenu une galère, c'est vraiment chiant. Et en plus tu n'es pas sûr du produit que tu trouves dans la rue. Si tu fais ta propre beuh, c'est beaucoup mieux. Le mot d'ordre, c'est l'autoculture ?Ah non, chez nous l'autoculture, c'est râpé. Ça serait plutôt l'autochoure chez nous. Il y a trop de voleurs dans notre coin. Beaucoup de voleurs qui chourent ce que tu essaies de faire pousser. Ça m'est arrivé plusieurs fois d'en retrouver jusque dans le jardin. Tu habites quel coin ?En Midi-Pyrénées. Alors ici tu viens faire quel genre de courses ?Oh, je prends surtout des pubs, des autocollants, des posters gratuits pour faire de la déco, et pour filer à des potes. Bon, et des catalogues, aussi, pour voir plus tard. Disons que pour le moment je vais réfléchir, puis plus tard je ferai quelques emplettes. Du matos pour fumer ?Des graines plutôt. Les trucs pour fumer, alors là, j'ai déjà l'attirail complet. Aucun souci. J'ai même des bangs en inox fabriqués par mon mari. Mais bon, en ce moment on abandonne un peu les bangs. Ah, vous fumez comment alors ?Des joints. Des spliffs, quoi. Comme 90 % des personnes. –––– JEAN-LOUIS, 56 ANS Comment te sens-tu, en France, en tant que fumeur de cannabis ? Jean-Louis : En France, il y a une dictature. Ah. Tu veux dire, au niveau de la liberté d'expression ?De tout ! Voilà. Au niveau de la liberté d'être. Moi, quand je fume un joint, ça emmerde qui ? Franchement ? J'ai mal au dos, ça me soulage. Peut-on vraiment te condamner à des lourdes amendes ?Oui. C'est une manière de faire taire les gens, et ça commence à m'énerver au plus haut point. Et je pense qu'il y a un noyau dur de six à sept millions de personnes qui sont prêtes à descendre dans la rue pour gueuler parce que, basta, y'en a marre ! Halte à l'oppression ! La déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, celle à laquelle il est fait référence dans la Constitution, est une escroquerie. C'est une manœuvre des bourgeois. Il faudrait appliquer celle de 1793, celle qui fait figurer le droit de résister à l'oppression, autrement dit le devoir de révolte. Si tu me permets le jeu de mot, tu es également pour le devoir de récolte. Je suis d'accord à 1 000 % pour ceux qui veulent se soigner. Pour les autres consommateurs, il faut quand même être un peu sérieux dans la vie. Trop se défoncer, ce n'est peut-être pas bien bon. Alors, devoir de récolte, oui, mais dans la mesure où ça n'aurait jamais dû être interdit. Tu dis qu'il faut être sérieux et ne pas trop se défoncer, mais tu dis ça surtout parce que tu es un daron à présent, non ? Ah, à 20 ans j'aimais bien fumer des cônes pour me mettre la tête à l'envers ! Mais aujourd'hui je me sentirais trop sur le côté de la route si je me mettais dans un état défoncé. Je fumerais plutôt une weed riche en CBD, une weed qui te met ce qu'on appelle « high » : tu restes toi-même, tu n'as pas les yeux rouges, tu es réactif quand les gens te parlent. Tu fumes beaucoup pour lutter contre tes maux de dos ?Comme les autres : le cannabis est une plante de vieux. Les plus gros cultivateurs sont dans le sud-est de la France, dans les villes de vieux. C'est très hypocrite, un vieux : il va dire « ah non, je suis contre la drogue ! » et va vite aller fumer un pétard parce qu'il a mal au dos. –––– JACQUES, 69 ANS Salut Jacques, pourquoi êtes-vous venu à Expogrow ?Jacques : J'aime bien me plonger dans cette atmosphère. Plutôt douce, calme. Je fais le tour des stands. Je regarde un peu ce qu'il y a mais je n'achète pas. Je ne suis pas un consommateur effréné. Quand on voit les codes employés ici, vous êtes d'accord pour dire que ça s'adresse plutôt à des jeunes ? C'est clair que c'était une histoire assez différente pour ma génération. C'était la même plante, mais c'était vécu d'une façon très différente. Moins marketing ?Oui. Je pense que si un fumeur du début des années 1970 revenait ici, ce serait un trip pour lui. Je pense qu'il reconnaîtrait que l'esprit de la plante est toujours à l'œuvre. Après, les générations ont chacune leur imaginaire et leur façon de vivre. Certaines choses se sont perdues... On les retrouvera, peut-être. Qu'est-ce qui s'est perdu ?Cet esprit communautaire. La première fois que j'ai vu des gens fumer seuls dans leur coin, je me suis dit : « mais qu'est-ce qu'il se passe ? » Où est l'esprit de passa comme on dit en portugais ? Le « joint », c'est ce qui « joint » les gens. On en profitait aussi pour avoir de grandes discussions, à l'époque. Cela dit, l'esprit est toujours là : je le sens. Si le fameux hippie de votre exemple revenait des années 1970 pour fumer ici en 2016, il serait surpris par le taux de THC actuel du cannabis et complètement défoncé en quelques lattes, non ? Vous savez, c'est une plante mystérieuse. Il n'y a pas que son niveau de THC qui compte. Il y a aussi l'esprit de celui qui l'a plantée, il y a comment elle vous a été passée... On voit bien que la mode est à la puissance des cannabinoïdes tout de même, genre, autour de nous ? C'est sûr qu'il y a une tendance à produire des choses plus denses. Je ne me rends plus vraiment compte, dans la mesure où j'ai fumé de façon continue au fil des années. Peut-être que cette recherche de puissance est là pour compenser cette absence d'esprit communautaire ; lui permettait d'élever le niveau des effets de plantes qui n'étaient pas si fortes que cela. C'est une *****mie, vous savez. Une *****mie dont vous pensez être un avocat ?Ah, ce n'est pas une plante pour tout le monde, forcément ! Elle convient à certaines personnes. Pas à d'autres. Le dosage. Le moment. Tout cela doit rentrer en ligne de compte. En tout cas je suppose que, dans le débat actuel, vous êtes partisan de la légalisation ? Oh le débat, je m'en fous. Ce que je réclame, c'est la liberté de cultiver. Et la liberté d'information, aussi. Merci beaucoup, Jacques. Par Guillaume Gwardeath Guillaume possède un site rien qu'à lui, et il est sur Twitter. Source: vice.com Ce message a été promu en article 8 Lien à poster Partager sur d’autres sites
Messages recommandés