Claude Jacob, ancien psychiatre à Jury : « Je suis pour la libéralisation des drogues »


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Claude Jacob, ancien psychiatre de Jury, addictologue, poursuit son combat pour la légalisation du cannabis en France. Un sujet pour lequel il publie toujours dans les revues médicales spécialisées. Il jette un pavé dans la mare.
 

claude-jacob-l-interdiction-du-cannabis-Claude Jacob : « L’interdiction du cannabis, c’est une connerie, ça empoisonne la jeunesse. Il suffirait que ce soit accessible et plus personne ne s’y intéresserait ». Photo Maury GOLINI
 

 

Claude Jacob est, « avec Élisabeth Oury », le créateur du centre de soins en addictologies de Jury. Aujourd’hui à la retraite, le psychiatre, ancien chef de pôle, est partisan de la libéralisation de toutes les drogues. Il poursuit des publications dans des revues scientifiques. Explications.

 

Pourquoi le sujet cannabis vous intéresse-t-il toujours ?

 

Claude JACOB : « Parce qu’on a toujours cherché des poux sur la tête au cannabis. Et parce que les toxicos, quand j’ai commencé ma carrière, on les mélangeait aux malades mentaux. Ça ne me plaisait pas. »

 

Vous avez créé le centre de soins aux addictions à Jury en 1978…

 

« Simone Veil a permis la création de ce service spécialisé. C’était important , car j’ai rencontré beaucoup de toxicomanes et j’ai entendu leurs histoires. 40 % des femmes qui se droguent ont une histoire incestueuse. Les hommes aussi, mais le sujet est beaucoup plus tabou. Il y a des traumatismes infantiles de nature sexuelle ou non, très importante. Il y a du déterminisme dans ce contexte. »

 

Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui de plus en plus de personnes se droguent ?

 

« On est passé des peace and flower à une banalisation totale. On est dans une société dans laquelle il est conseillé de consommer. La drogue est la caricature même de la consommation, c’est le toxicomane qui est consommé par les produits qu’il consomme. »

 

Et la société laisse faire ?

 

« Parce qu’elle y gagne. L’illégalisme est toléré pour donner du pouvoir aux institutions. Pour que la police puisse remonter les réseaux. »

 

Et le cannabis comme thérapeutique ?

 

« Des études convergent. Le cannabis possède des vertus décontractantes, diminue l’utilisation d’opiacés dans les douleurs chroniques. Dans ma pratique, le seul inconvénient de la consommation de haschich est qu’à un moment il y a perturbation de la conscience. Mais la douleur aussi perturbe la conscience. Le problème est que ce produit n’est pas utilisé dans la culture globale, ce qui implique une transgression. »

 

Vous signez un édito dans la revue scientifique spécialisée Le Flyer, dans laquelle vous évoquez l’impact du cannabis sur la prescription de médicaments et des lobbyings des industriels contre le cannabis…

 

« Vingt-deux états américains se sont prononcés pour la libéralisation du cannabis. Ce qui est intéressant, c’est qu’à présent on peut disposer d’études significatives, puisqu’on peut solliciter des témoignages de gens qui pratiquent. Une de ces études montre la baisse significative de la consommation de médicaments prescrits par les médecins là où le cannabis a été légalisé. Pour les antalgiques, cette baisse est spectaculaire. Une publication démontre encore que l’utilisation de cannabis thérapeutique engendre une baisse de 40 % de l’usage des opiacés pour obtenir des résultats identiques. Si je suis fabricant d’opiacé, je ne suis pas content. »

 

Vous êtes pour la légalisation ou la dépénalisation du cannabis ?

 

« Je suis partisan de la libéralisation complète de toutes les drogues. L’alcool est bien en vente libre. Cela permettrait de court-circuiter les trafics. Cela permettrait d’éviter les conduites à risque. L’interdiction du cannabis, c’est une connerie, ça empoisonne la jeunesse. Il suffirait que ce soit accessible et plus personne ne s’y intéresserait. »

 

La dépénalisation ?

 

« C’est ce qu’on peut faire de pire pour entretenir le trafic. Dans les états américains qui ont légalisé, la vente est réglementée. Aux Pays-Bas, la dépénalisation implique une augmentation de consommation du haschich, mais pas par les Hollandais. »

Pour quelle raison ne légalise-t-on pas en France ?

« À cause d’arguments politiques. Celui qui tire le premier est perdu. Le pouvoir économique suffit à maintenir le pouvoir. »

 

Le chiffre : 1996
Le cannabis est autorisé à la prescription depuis 1996 en Californie. Depuis, 22 états américains l’ont autorisé. « Ces autorisations permettent donc de commencer à effectuer des études cliniques sérieuses sur son efficacité et sa tolérance en fonction des indications et des profils des patients », analyse Claude Jacob. Cette légalisation permet aussi de libérer la parole des patients, ce qui ouvre la porte à des analyses qui reposent sur des faits plus scientifiques.

 

Propos recueillis par Anne RIMLINGER-PIGNON.

 

Source: republicain-lorrain.fr

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