Canada - Légalisation du cannabis et drogue au volant : sommes-nous prêts?


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Bien des promesses sont lancées à gauche et à droite lors des campagnes électorales et ce, plus qu’on ne pourrait le penser. Contre toute attente, l’une des promesses électorales émises par le Parti libéral du Canada lors de la dernière élection fut celle de légaliser la possession simple de marijuana en retirant cette infraction du Code criminel1.

 

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Ayant fait couler bien de l’encre lors des élections fédérales de novembre dernier, cette promesse sera tenue par un projet de loi qui sera déposé au printemps 2017, selon la ministre fédérale de la Santé, l’honorable Jane Philpott2.

 

À l’aube d’un possible bouleversement historique de notre droit criminel, plusieurs enjeux émergent. Du côté de l’Association canadienne des policiers, on éprouve déjà bien des maux de tête. Celle-ci estime que le pays n’est actuellement pas suffisamment équipé pour y faire face, plus précisément dans le contexte de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue3.En effet, lorsqu’un agent de la paix intercepte un automobiliste et qu’il a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci a les facultés affaiblies par l’alcool, il peut lui ordonner de fournir un échantillon d’haleine recueilli grâce à un appareil de détection approuvé (ci-après, « ADA »)4.

 

Le résultat du test fait avec cet appareil, dans l’éventualité où l’individu l’échoue, confère au policier les motifs raisonnables de croire à une conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool et lui permet d’arrêter le contrevenant pour l’emmener au poste de police afin de lui faire passer l’alcootest. Le but étant d’obtenir le taux exact de la substance dans le sang, l’information recueillie pourra éventuellement constituer la preuve nécessaire à une poursuite criminelle5.

 

Or, cette procédure n’est pas applicable lorsqu’il s’agit d’un cas où un policier a des motifs raisonnables de soupçonner une conduite avec les facultés affaiblies par la drogue.

 

Pour détecter si un conducteur est sous l’effet d’une drogue, les agents de police ne disposent d’aucun dispositif comparable au fameux « ADA ». En fait, ils doivent faire passer les bonnes vieilles épreuves de coordination des mouvements (ECM), un test de sobriété normalisé prévu par l’article 2 du Règlement sur l’évaluation des facultés de conduite (drogues et alcool)6. Ces épreuves se composent du test du nystagmus du regard horizontal, du test consistant à marcher et à se retourner et celui consistant à se tenir sur un pied7.


 

 

Les ECM se font sur le bord de la route, été comme hiver, le jour comme la nuit. Cette procédure peut ainsi parfois s’avérer difficile à mettre en œuvre, notamment lorsque le thermomètre indique -30 °C ou encore lorsque l’interception d’un véhicule se fait sur une route achalandée. La sécurité du policier tout comme celle du conducteur intercepté sont alors mises à risque.

 

De nouveaux moyens de détection à l’horizon

 

Déjà en novembre 2014, des rumeurs couraient selon lesquelles le gouvernement Trudeau considérait l’éventualité de moderniser cette procédure par l’utilisation d’un dispositif prélevant un échantillon de salive dans le but de détecter la drogue tout comme l’ADA prélève un échantillon d’haleine pour détecter l’alcool8. En l’adoptant, le Canada emboiterait le pas à plusieurs pays d’Europe comme la France et l’Australie, qui eux, utilisent déjà cette technologie sur leurs routes9. Une pareille évolution paraît plutôt intéressante alors que, de 2008 à 2013, on a pu détecter de la drogue dans le sang de 30% des conducteurs décédés dans un accident automobile10.

 

Que ce prélèvement se fasse avec le DrugWipe ou le DrugTest 5000, son résultat promet d’être obtenu entre trois et huit minutes11. Les ECM peuvent, quant à elles, prendre une quinzaine de minutes sans compter le temps perdu à chercher un endroit sécuritaire pour les effectuer, suffisamment éclairer ou encore là où la chaussée n’est pas trop enneigée12. Ce petit gadget pourrait donc accélérer la procédure et faciliter la vie aux policiers qui doivent respecter l’exigence d’immédiateté qu’on retrouve à l’article 254(2) du Code criminel, qui oblige un policier à faire passer le test des ECM au conducteur dès qu’il soupçonne une conduite avec les facultés affaiblies par la drogue13.

 

Cette exigence, bien qu’interprétée par la Cour comme étant d’abord reliée à l’alcool au volant, s’applique aussi bien à une situation de facultés affaiblies par la drogue, telle que décidée dans l’arrêt R. c. Tremblay14. De plus, le temps est précieux lors d’une enquête sur les facultés affaiblies. Le réduire grâce à l’application de cette méthode permettrait d’assurer une meilleure intégrité de la preuve recueillie.

 

Un appareil dont la légitimité est contestable

 

Bien entendu, pour que cet appareil puisse être utilisé au Québec, il faudra s’assurer de sa fiabilité. L’entreprise allemande Securetec qui fabrique le DrugWipe promet une fiabilité à 95%15. À l’heure actuelle, une étude financée par la Gendarmerie royale du Canada (ci-après, « GRC ») permettrait à un comité de la Canadian Society of Forensic Science de se pencher sur le sujet16. Bien que le résultat de cet appareil ne constitue pas une preuve en soi menant à une poursuite criminelle, il confère aux policiers des motifs raisonnables de croire à une situation de conduite avec les facultés affaiblies par la drogue. Ainsi, les policiers auraient le pouvoir de faire passer au conducteur le test, qui se déroule en douze étapes, par un agent évaluateur certifié.

 

Un résultat positif permettrait au policier d’ordonner au contrevenant de fournir un échantillon d’urine ou de sang17. Advenant que le résultat du dispositif se situe dans le 5 % de non-fiabilité, le contrevenant pourrait contester la légitimité de la preuve recueillie par la suite. Il est à prévoir que, si cet appareil fait son apparition sur nos routes, plusieurs contesteront sa légitimité malgré tout et une jurisprudence volumineuse pourrait s’établir sur le sujet.

 

Une question demeure : le Québec a-t-il les moyens de se doter de cet outil?

 

Son prix au détail étant de 35$ l’unité, il faudra s’attendre à des oppositions vis-à-vis du coût social que cet achat pourrait engendrer18. Pour l’instant, plusieurs questions restent sans réponses. Quels seraient les amendements au Code criminel légitimant l’utilisation du fameux appareil dans la procédure? Advenant la légalisation de la marijuana, à quel taux d’intoxication un individu sera-t-il considéré en infraction alors qu’il est au volant? C’est avec impatience que se font attendre les réponses.


 

Sources:

Ce billet a été écrit par Vanessa Bradette

 

Source: journalobiter.com

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