Cannabis : quels risques prend-on à consommer du "space cake" ?


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Un médecin a été placé en garde à vue après avoir proposé du gâteau au cannabis à ses confrères, dont 7 ont été intoxiqués. Un spécialiste des addictions fait le point sur les risques imprévisibles générés par la consommation de "space cake".

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Space cake © FREDERIC J. BROWN / AFP

 

La blague fut de courte durée. A Lyon, lors d'une conférence sur l'hypnose organisée dans un grand hôtel, un médecin a proposé à ses collègues un gâteau au cannabis (plus connu sous le nom de "space cake"), qu'il avait lui-même confectionné. Le présent n'a pas réjoui tous les convives : sept personnes ont été intoxiquées, prises de vomissements, et deux d'entre elles ont même eu le droit à un passage aux urgences pour des examens, raconte Le Progrès.

 

"Le médecin a été mis en examen le 13 mai 2016 pour transport de stupéfiants et fera l’objet d’une CRPC (Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Sans doute une amende lui sera prescrite par le procureur", précise le quotidien. Une farce étonnante de la part d'un médecin, qui n'ignore probablement pas les risques encourus par la consommation d'un "space cake". Le Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste de l'Inserm et spécialiste des addictions, fait le point sur les risques générés par cette préparation alimentaire, marginalement consommée en France selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

Sciences et Avenir : Quels sont les effets recherchés par les consommateurs de "space cake" ?

 

Pr Jean-Pol Tassin : Ils sont essentiellement ludiques (bien-être, euphorie, etc.). Du fait que la consommation ne soit pas contrôlée, contrairement à un joint, certains individus peuvent être intoxiqués à leur insu, ce qui peut constituer une source de satisfaction et de fous rires pour les spectateurs.

 

Quels sont les risques liés à la consommation d’un "space cake" ?

Les effets peuvent être comparables à ceux du cannabis fumé : crises d'angoisse, hallucinations, "bad trip" (NDLR : montée d’angoisse rapide et intense accompagnée de symptômes tels que des tremblements ou une accélération du rythme cardiaque). Sauf que les consommateurs ne peuvent pas doser ce qu'ils prennent, et quand la principale molécule active du cannabis, le THC (Δ-9 - tétrahydrocannabinol), fait enfin effet (un processus qui peut prendre plusieurs heures, le temps de la digestion), il est trop tard pour arrêter la consommation puisque le gâteau est déjà ingéré...

Ainsi, les effets du gâteau sont plus intenses et durent plus longtemps que ceux d'un joint : plus d'une heure selon la dose de cannabis incorporé.

 

Comment agit le THC ingéré par voie alimentaire sur le cerveau ?

De la même manière que le cannabis fumé : le THC se lie à des récepteurs présents sur différents types de neurones. L’un des mécanismes les mieux connus est celui qui déclenche la sensation de plaisir, due à une libération de dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le circuit de la récompense et du plaisir, qui est au cœur de l’addiction.

 

La consommation de cannabis a d’autres effets : baisse de la température corporelle, diminution de la douleur, ralentissement des mouvements… Le THC est par ailleurs mauvais pour la mémoire de travail, celle qui nous permet au quotidien et sur des durées courtes d’intégrer différentes informations (sonores, visuelles, etc…).

 

Quels symptômes doivent conduire aux urgences ?

Les maux de ventre, les vomissements mais aussi les crises de panique et de paranoïa doivent inciter à appeler les urgences et à surveiller de près la personne intoxiquée en attendant qu'ils arrivent.

 

Existe-t-il un traitement spécifique ?

Il faudrait donner au patient un médicament agissant comme une sorte d'antidote du cannabis, c'est-à-dire qui bloque les récepteurs cannabinoïdes et donc les effets psychoactifs du THC. C'était le cas du Rimonabant, un médicament qui avait pour traitement principal l'obésité (bloquer les récepteurs cannabinoïdes permet aussi d'agir indirectement sur les réserves de graisse, notamment abdominale) mais qui a été retiré du marché français en 2008 en raison d'effets secondaires graves (syndromes dépressifs et idées suicidaires notamment).

La solution actuelle utilisée par les médecins est donc le lavage d'estomac.

 

Découvrez l'action du cannabis sur le cerveau dans notre infographie animée sur la page source:

(Infographie Damien Hypolite / Sciences et Avenir)

6221396885229.jpgPar Lise Loumé

 

Source: sciencesetavenir.fr

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