Le cannabis thérapeutique doit encore faire ses preuves


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Alors que de nombreux Etats américains légalisent le cannabis médical, les résultats scientifiques demeurent peu concluants.

 

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Fin mars, l’actrice Whoopi Goldberg présentait une ligne de produits au cannabis destinés à lutter contre les douleurs liées aux règles.
Image: DR

 

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De quoi on parle
Fin mars, l’actrice Whoopi Goldberg présentait une ligne de produits au cannabis destinés à lutter contre les douleurs liées aux règles. Au menu, des sels de bain, une pâte, une pommade et une teinture.

Aucune preuve scientifique ne soutient l’utilisation du cannabis contre les douleurs menstruelles. La question n’a en réalité pas été étudiée. Ce lancement en fanfare est symptomatique de l’effervescence économique qui règne
outre-Atlantique sur ce marché.

En Suisse, l’usage médical est encadré
Le cannabis médical en Suisse? On n’en fumera pas, c’est clair. «Le cannabis sous sa forme naturelle n’est pas autorisé en tant que médicament», précise l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Mais d’autres préparations existent et sont légales depuis 2011. D’un côté, le nabiximol, un médicament autorisé par Swissmedic qui contient à parts égales THC et CBD, les deux substances actives du cannabis. De l’autre, des préparations magistrales que peuvent produire certaines pharmacies propriétaires d’une autorisation de l’OFSP. A Langnau (BE), une pharmacie prépare ainsi des huiles contenant du THC, du CBD ou un mélange des deux, de même qu’une teinture contenant THC et CBD. Les produits à haute teneur en CBD sont généralement mieux supportés par les patients, relate le Dr Manfred Fankhauser, son responsable.

Un médecin qui voudrait prescrire l’un de ces remèdes doit en faire la demande motivée à l’OFSP. Sauf pour soulager des tensions musculaires liées à la sclérose en plaques ou si le produit prescrit contient uniquement du CBD. Dans ces cas, il n’a pas besoin d’une telle autorisation.

Quels effets sur la santé mentale des ados?
Quel lien entre consommation de cannabis et développement d’une maladie psychique comme la schizophrénie? La question fait débat tant sur le plan scientifique que politique, explique Philippe Stefan, pédopsychiatre à l’Hôpital de l’Enfance de Lausanne. Toutefois les observations cliniques ne paraissent pas montrer qu’une consommation puisse causer à elle seule une maladie psychique. «Nous avons un recul d’une vingtaine d’années sur l’usage de cannabis chez les jeunes, explique le spécialiste. Celui-ci est très commun: on trouve jusqu’à 30% de consommateurs réguliers parmi eux. Mais, en parallèle, nous n’avons pas observé d’augmentation phénoménale du nombre de psychoses déclarées. Donc si le cannabis pose un problème sur ce plan, il doit être très faible.»

En revanche, poursuit le médecin, «l’usage de cannabis précipite l’entrée dans la schizophrénie. Par exemple, un individu qui n’aurait montré ses premiers signes qu’à 22 ans déclarera la maladie plus tôt s’il fume du cannabis. On sait par ailleurs que les patients schizophrènes consomment plus souvent du cannabis que la population générale. Pour nombre d’entre eux, la substance les calme et apaise leurs pensées fuyantes.»

Pour tous les adolescents néanmoins, «le rappel à la loi est important: fumer du cannabis est interdit et il faut le leur dire, recommande le spécialiste. Et les prévenir que consommer du cannabis ou de l’alcool n’est pas anodin et a des effets à plus moins long terme sur le comportement.»

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La ruée vers l’herbe. Aux Etats-Unis, vingt-trois Etats autorisent désormais le cannabis sur prescription médicale. Autant dire que les entrepreneurs rivalisent pour se tailler une part du gâteau, à l’instar de l’actrice Whoopi Goldberg qui présentait, fin mars, des produits contre les douleurs menstruelles. Un gros gâteau d’ailleurs: le secteur représenterait déjà plusieurs milliards de dollars par an dans l’économie américaine. Mais ces remèdes sont-ils réellement efficaces?

Le cannabis agit sur le corps avec deux substances d’intérêt: le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Or «nous savons qu’elles peuvent avoir un effet antidouleur variable selon les individus et les affections», explique le professeur Barbara Broers, de l’unité des dépendances des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Cette vertu pourrait être exploitée pour traiter les douleurs chroniques que causent les cancers, certaines lésions nerveuses et d’autres maladies.

 

Production personnelle
Le corps fabrique lui-même des molécules semblables, précise sa collègue Marie Besson, responsable de l’unité de psychopharmacologie des HUG. De nombreux récepteurs de ces composés se trouvent dans le cerveau, les nerfs, de même que dans certains tissus. «Ce système dit endocannabinoïde est impliqué dans de très nombreux processus normaux du corps, ce qui explique son intérêt thérapeutique», détaille la spécialiste. Mais, revers de la médaille, poursuit-elle, «on s’expose à de nombreux effets indésirables – angoisses, somnolence ou augmentation non désirée de l’appétit, notamment – si l’on prescrit du cannabis ou ses dérivés car il est difficile de choisir précisément quels récepteurs on active».

 

Voilà pour le principe. Quant à ce que montre la science médicale au sujet de la prescription de cannabis, «la plupart des études sont de qualité moyenne ou médiocre», résume le Dr Besson. Une situation pas si étonnante puisque le produit concerné a longtemps été illégal. Des chercheurs britanniques ont analysé les données disponibles dans un article du Journal of the American Medical Association. Leurs conclusions? Il existe des preuves modestes d’un effet positif du cannabis sur le traitement des douleurs, qu’elles soient liées au cancer ou dues à des lésions du système nerveux (neuropathiques) ou encore aux tensions musculaires de la sclérose en plaques. Pour ses autres effets, en particulier sur les nausées dues à la chimiothérapie ou encore sur le gain de poids de patients atteints par le VIH, les preuves étaient faibles.

 

«Sur la douleur, l’effet du cannabis paraît d’une intensité similaire à celle de la codéine, un opiacé faible, analyse la pharmacologue. Mais on voit beaucoup de participants à ces recherches qui abandonnent le traitement au cannabis car ils n’en supportent pas les effets secondaires. Par comparaison, un médicament comme le paracétamol fonctionne modestement, certes, mais est très bien supporté. Pour l’instant, même si les tests réalisés précédemment chez l’animal sont prometteurs, il faut reconnaître que les résultats du cannabis thérapeutique chez l’homme restent décevants.»

 

Réflexion prolongée
Autre problème: les données scientifiques sur le cannabis ne sont pas faciles à comparer entre elles. Certaines recherches utilisent des produits analogues au THC, d’autres du THC proprement dit, d’autres encore des préparations contenant un mélange de CBD et de THC à parts égales. Par ailleurs, fumer de la marijuana expose à plus d’une centaine de composés différents, ce qui est différent du fait de consommer une seule substance purifiée. On rassemble donc sous l’appellation «cannabis médical» des produits en réalité distincts.

 

Pour en avoir le cœur net, il faut «davantage d’études et des recherches de meilleure qualité à ce sujet, conclut le professeur Broers. Le cannabis doit être testé comme les autres médicaments et ne surtout pas être promu à toute la population par des messages scientifiquement douteux. Le modèle de légalisation américain, qui semble principalement basé sur des motifs économiques, me choque.»

La spécialiste des addictions n’exclut pourtant pas que le cannabis thérapeutique ait d’ores et déjà une utilité. «C’est une option de plus à la disposition des médecins et des patients, spécialement dans des cas de maladies graves ou des situations de douleurs chroniques où l’on a essayé tous les autres traitements sans succès. Mais, pour l’instant, c’est un médicament à utiliser en dernier recours.»

(Le Matin)

 

Par Benoît Perrier

Source: lematin.ch

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