Dourééé 37 Posté(e) mars 2, 2014 Partager Posté(e) mars 2, 2014 (modifié) L’autre jour, on a reçu chez Asud un e-mail qui nous enjoint de protester contre un article paru dans Charlie, signé Charb et intitulé « Cannabis je te hais ». Making of Fabrice Olivet est directeur d’Autosupport des usagers de drogues (Asud). Rue89 Le papier n’est pas un brûlot anti-drogues comme on en lit tant. Mais il est finalement peut-être plus toxique, caractéristique d’un malentendu qui continue de faire des ravages dans une certaine gauche populaire ou populiste (au choix), dès qu’il est question du bon vieux chichon. Le cannabis, un combat pour bobos mous ? De quoi s’agit-il ? Le nouveau truc, quand on est de gauche, la vraie, celle du peuple, c’est de renvoyer dos à dos les militants pro-légalisation et des néo-cons type Eric Ciotti, qui veulent scanneriser tous les enfants des écoles pour détecter les amateurs précoces de fumette. L’argument ? La lutte pour la légalisation du cannabis n’est pas un vrai combat prolétarien, c’est un amuse-gueule pour bobos désœuvrés, ou un prétexte facile pour cador de la réaction en mal d’aboiements. On peut y ajouter un troisième thème sous-jacent : si les riches s’amusent à faire des rails de coke dans des soirées branchées, les pauvres, eux, vont morfler avec l’héroïne, le crack, etc. La drogue est donc un truc de bourges, qui sert à détourner le bon peuple des vrais combats que sont le chômage et le coût de la vie. Je résume, mais je ne crois pas me tromper beaucoup. Et ça donne ce papier de Charb. Prurit anti-dope de Charlie Hebdo En vrai, Charlie a toujours été marqué par un prurit anti-dope. Un espèce de truc franchouillard, peut-être hérité de ce pauvre Cavanna, qui avait hélas des raisons familiales de prendre le sujet au sérieux… Mais du coup, la drogue y est depuis longtemps rangée au rayon « articles bobo pas sérieux » ou « piège machiavélique tendu aux masses ». Chez la vraie gauche, celle qui sent fort des aisselles, on connait la vie. Pour s’éclater, on boit des coups avec les potes… Cette rhétorique neuneu fait non seulement le jeu du pire dispositif répressif mis en place par nos démocraties, mais elle donne raison à... Richard Nixon. Lequel avait prévu, il y a quarante ans, que le monstre de carton pâte baptisé « drogue », « toxicomanie » ou « addiction », serait un ectoplasme efficace chez les gogos de droite, mais aussi chez les électeurs démocrates. Charb s’arrête là où ça devient intéressant Ce qui énerve, c’est le déni de sérieux du sujet « cannabis ». Charb et consort font la moitié du chemin : il ont compris qu’au fond, cannabis or not cannabis, la société n’en est pas bouleversée. Seulement voilà, ils s’arrêtent pile là où cela devient intéressant. Au lieu de laisser croire que seuls les tarlouzes de la rive gauche et les démagogues en mal de notoriété s’intéressent au sujet, il ferait bien de se demander pourquoi ce non-sujet est l’outil parfait pour massacrer des paysans, lâcher des policiers sur les quartiers pauvres et stigmatiser des minorités ethniques. Avec une certaine naïveté, Charb découvre qu’en fait, tout le monde s’en cogne de savoir si Dudule ou Martine s’envoient en l’air avec du houblon ou bien prennent leur pied avec du chanvre. S’il s’agissait de cela et seulement de cela, il y a longtemps que les experts ont rendu leur verdict : l’interdiction, ça marche moins bien que l’encadrement et la prévention. Circulez. Mais, en vrai, c’est pas le sujet. C’est facile d’embobiner le prolo Avec les drogues, il est facile d’embobiner le prolo, le bobo et même les consommateurs, rebaptisés victimes de la drogue, condamnées à la repentance ostentatoire et à l’hypocrisie par un système néo-hygiéniste qui répète que les-drogues-c’est-terrible-quand-on-commence-on-peut-plus-s’en-passer.... La drogue, en vrai, ça n’existe pas. C’est une invention. Ce qui existe, c’est la guerre livrée à cet ectoplasme, qui draine des milliers de gens derrière les barreaux, entraine des centaines de milliers de contrôles au faciès, fait régner la terreur dans les banlieues. Et qui réussit, c’est un comble, à passer pour un non-sujet chez les militants de gauche vraiment à gauche. Et si on remplaçait « Noir » par « Arabe », que se passe-t-il ? Il faut traduire en français Michèle Alexander, une tête chercheuse afro-américaine, qui démontre qu’aux Etats-Unis, la guerre à la drogue est depuis quarante ans le principal véhicule du racisme anti-Noirs, chiffres à la clé. Bien sûr, rien à voir avec notre pays de France, où il fait si bon vivre en buvant du bon pinard ! Et si on remplaçait le substantif « Noir » par celui d’« Arabe », que se passerait-il ? La drogue est un mistigri qui permet, au sein d’une démocratie, de suspendre les libertés individuelles avec l’accord, voire la complicité de la population. Demandez à Samia Ghali, la député marseillaise beurette qui réclame les paras pour refaire la bataille d’Alger… contre les dealers, dit-elle. Comment ne pas se rendre compte que grâce à la drogue, nous avons mis en place un appareil militaro-policier braqué en plein sur les banlieues et qui sert à contrôler, incarcérer, matraquer, terroriser... Et qui en est la cible ? Principalement des Arabes et des Noirs. Merci pour eux. Et comment on les reconnait dans la rue ? Devine. Oui, certains sont des fétichistes de la beuh Puisqu’on y est, parlons de ces contrôles au faciès qui n’existent plus, selon notre ministre de l’Intérieur. C’est le pivot de l’affaire : la recherche de drogues permet de les foutre à poil dans la rue, de les interroger pendant 72 heures, et de les coller en zonzon. Point. C’est qui, « ils » ? Devine. Alors oui, il existe, parmi les militants du cannabis, quelques allumés du pétard qui prétendent tout guérir avec de l’herbe qui fait rire bêtement. Oui, certains sont des fétichistes de la beuh, notamment dans la frange écolo-libertaire, tentée de diaboliser à son tour toutes les autres drogues, à commencer par l’alcool… La drogue, en vrai, ça n’existe pas ! Est-ce une raison pour ne pas prendre au sérieux une affaire à l’origine du second flux de capitaux dans le monde ? Qui représente la pire des escroqueries intellectuelles contemporaines, depuis l’anticommunisme de la Guerre froide ? L’invention de la drogue comme ennemi public numéro 1 permet aux forts de régner sur les faibles en toute impunité Réfléchis, Charb ! Y a le pinard, le chichon, la coke, l’héro, enfin plein de trucs que si tu en veux pas c’est pas une raison pour en en dégoûter les autres. Et pour ça, y a des docteurs en blues blanche (si si). Mais la drogue, en vrai, ça n’existe pas, on l’a l’inventée. Encore une fois, c’est toi qui te fait avoir, Charb ! Quand on est le directeur de Charlie, on peut pas renvoyer dos à dos les adorateurs de la petite feuille à 5 branches et les dangers publics comme Ciotti, tout en dénonçant l’inanité du débat. C’est précisément parce que la drogue, ça n’existe pas qu’il faut prendre au sérieux les fous qui prétendent lui faire la guerre. https://blogs.rue89.nouvelobs.com/drogues-et-addictions/2014/03/02/reflechis-charb-y-le-pinard-le-chichon-la-coke-lhero-enfin-plein-de-trucs-232427 Modifié mars 2, 2014 par Dourééé 2 Lien à poster Partager sur d’autres sites
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