Invité cheezo Posté(e) novembre 20, 2012 Partager Posté(e) novembre 20, 2012 Making of L’auteure de cet article est étudiante en sciences politiques à l’université libre de Bruxelles. Dans le cadre d’un voyage d’étude effectué au Canada, elle a passé du temps avec le personnel d’un site d’injection de drogue supervisée à Vancouver. Le sujet étant hautement polémique en France, cette approche du travail d’une association qui a neuf ans d’expérience peut nourrir utilement le débat. Rue89 (De Vancouver, Canada) Vancouver, un matin d’automne. Une belle journée ensoleillée commence. Les rues se remplissent doucement. Devant un café, une femme âgée en chaise roulante discute avec une jeune fille. Elle a la vingtaine. Les cheveux rasés d’un côté, teints en rose de l’autre. Elle tient dans ses mains deux rats. En donne un à la vieille dame, qui le caresse. Un homme passe devant elles. Il zigzague dans la rue, en criant sur quelqu’un qui n’est pas là. Son engueulade imaginaire ne semble pas perturber la foule. Ni le sommeil des quelques autochtones encore emmitouflés dans leurs sacs de couchage et sur lesquels il manque de trébucher. Ici c’est Downtown Eastside, un quartier surnommé « le code postal le plus pauvre du Canada ». Aussi connu comme le centre d’une « épidémie » d’injections de drogue. En 2003, une association s’y est installée, avec comme objectif de remédier à ce problème. Insite est le premier et unique site d’injection de drogue supervisée en Amérique du Nord. La tâche est énorme – l’association décompte environ 5 000 toxicomanes à Downtown Eastside – et les moyens, limités. 1 300 visites par jour et pas de vigile En pénétrant dans le centre, première constatation : ici, pas vigile. Le contrôle ne fait pas partie de la philosophie d’Insite, qui préfère fonder son approche sur la confiance. Russ Maynard, coordinateur du programme : « II n’y a pas de garde de sécurité ou de plexiglas. Tout simplement parce que les gens qui viennent ici ont une histoire de conflit avec ça : ils sont allés en prison, en hôpital psychiatrique. Il faut garder ça en tête quand on travaille à Insite. » Tout a été soigneusement pensé : « On tente de trouver un juste milieu entre ce que les gens veulent – un endroit confortable – et ce dont ils ont besoin – assez de lumière pour voir sa veine, par exemple. » Norman, qui accueille les usagers, nous fait remarquer qu’il n’y a pas non plus de règles affichées sur le mur : « D’habitude, quand vous entrez dans n’importe quel service social, vous voyez un tableau “ A faire, à ne pas faire ”, placardé à l’entrée. Ici, il y a évidemment des règles. Mais elles sont communiquées oralement. On explique en quoi elles consistent et pourquoi elles ont été décidées. C’est important que les gens participent et utilisent ce centre dans de bonnes conditions car on reçoit 1 300 visites par jour, et on est seulement huit à y travailler. » Du savon et de l’eau courante Le staff est limité, la salle d’injection n’est pas très grande : douze box séparés, bien éclairés, en face de larges miroirs. Un bureau où l’on accueille les nouveaux venus. A côté, une petite salle de réanimation gérée par des infirmières. Après avoir expliqué les règles en vigueur, l’accueillant demande à la personne un nom de code afin de l’enregistrer dans la banque de données. Salle d’injections d’Insite, à Vancouver Lorsque Batman75 arrive et demande à avoir une injection, il l’accueille, lui demande comment il va. Puis le dirige vers l’évier : « Quand les gens prennent de la drogue dans une allée, ils sont marginalisés. C’est réellement le Quart-Monde. Et le plus rare, dans le Quart-Monde, c’est le savon et l’eau courante. Alors c’est la première chose que je leur enseigne. Se laver les mains et les avant-bras. Ensuite, je leur montre l’équipement, à usage unique. Enfin, je leur demande s’ils veulent de l’aide, et je les laisse. » Ne faudrait-il pas une infirmière présente pendant l’injection ? « Si je place une infirmière à côté de l’usager, il y a peu de chances qu’il revienne. Il va penser que c’est trop compliqué, que ce serait plus simple de retourner dans l’allée, où personne ne viendra le déranger. Rétablir la confiance est un élément-clé de notre action. On discute de tout et de rien. De musique, d’art, de politique… On essaie de construire une relation avant même la prise en charge médicale. » Une prostituée qui n’a pas envie de repartir Il reste un problème : l’attente. La demande est grande ; et les places, limitées. Difficile de patienter quand on ressent physiquement le manque. Comment gérer toutes ces visites ? Norman répond : « Une injection, pour être “safe”, nécessite du temps. On ne va pas forcer les gens à partir. On n’a pas établi des liens de confiance pour ruiner tous ces efforts en une seconde en criant “ mais dégage !”. » Une prostituée s’assoit avec sa petite jupe. Elle a enfin chaud. Elle prend sa dose. Elle est en sécurité. Elle voit le miroir, se maquille et se sent bien. Elle n’a pas envie de repartir. « Il faut gérer ça avec autant de douceur que possible. Il faut comprendre ce que la personne vit. Ce n’est pas seulement la drogue, mais aussi l’endroit. Elle est enfin au calme, au chaud, en sécurité. Elle respire. » Moins d’injections dans la rue Les infirmières, le staff non-médical et les pairs travaillent ensemble aux objectifs du centre. D’abord, il s’agit de prévenir les morts par overdose. Les injections sont supervisées et le personnel est équipé pour agir en cas de problème. Le second objectif est de prévenir la propagation de maladies, notamment de l’hépatite C, qui touche énormément cette population. C’est pourquoi de strictes normes d’hygiène sont respectées : le matériel d’injection est à usage unique, le centre est régulièrement nettoyé. Une personne vient effectuer son injection, à Insite, Vancouver Insite permet aussi d’établir un lien entre une population marginalisée et les services de santé. C’est souvent le premier pas vers la désintoxication. Enfin, le centre apporte une certaine stabilité à la communauté. Il y a moins d’injections en rue. Le personnel connaît bien les habitants du quartier et interagit régulièrement avec eux. Ils ne forment plus un ensemble nébuleux d’anonymes pour les pouvoirs publics. De l’argent public pour se droguer L’ouverture du centre a fait l’objet de polémiques. La prise de stupéfiants est souvent considérée comme un choix dont il faut assumer la responsabilité. Et l’idée d’utiliser l’argent public pour offrir un accès à la drogue n’est pas très populaire. Pourtant, neuf ans plus tard, cette politique semble porter ses fruits selon des rapports scientifiques indépendants. Dehors, une vingtaine de personnes attendent. Norman les salue par leurs prénoms, prend de leurs nouvelles. Pour les « étrangers », comme moi, le contact est plus difficile. Un homme, la trentaine, accepte de me parler. Il m’explique qu’il vient ici parce que c’est « propre et gratuit ». Il poursuit : « Dans l’allée, il y a des déchets, pas beaucoup de lumière. Tu te caches comme tu peux. Ça pue la pisse. Tu dois toujours vérifier qu’il n’y a pas de flic dans les parages. Si t’es trop concentré sur ta veine, tu risques de te faire embarquer. » Selon Norman, les gens viennent par pragmatisme. « Ici, c’est propre et gratuit. L’appel au secours a été fait il y a bien longtemps, et il n’a pas été entendu. Mais si on établit une relation, il y aura de nouveau de la place pour cet appel. Un homme racontera à l’infirmière qu’il est sans-abri depuis deux ans et qu’il ne sait pas comment trouver un logement. Ou alors il demandera à aller en désintox’. Et là, tout ce travail aura ouvert la voie. Et on pourra construire quelque chose. » Source: https://www.rue89.com/2012/11/20/une-salle-de-shoot-au-canada-enfin-au-calme-au-chaud-en-securite-237195 Lien à poster Partager sur d’autres sites
lozee 325 Posté(e) novembre 20, 2012 Partager Posté(e) novembre 20, 2012 Yep cheezo merci pour la new Je l'avais lu sur rue89 aussi et les com sont un peu aberrant pour certains. Ils parlent que d'argent direct, alors que ces salles de shoot éviteraient pas mal de débordements. Donc éviteraient une perte plus considérable que l'investissement. Par contre faudrait juste pas que ça parte en couille dans un centre . Lozee Lien à poster Partager sur d’autres sites
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