Cannabis thérapeutique


Invité one.two

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salut CW ,

 

 

Des centaines de malades atteints de pathologies lourdes consomment du cannabis pour se soigner. Alors que cette pratique semble leur apporter un réel soulagement, elle demeure illégale en France, où elle souffre de l’amalgame avec le débat sur les drogues. Témoignages.On diagnostique à Nadine une anorexie infantile à l’âge de quatre ans. Quarante ans plus tard, celle que tout le monde appelle Nad souffre toujours de cette maladie. Cette habitante de l’agglomération lyonnaise raconte son parcours, émaillé de tentatives de suicides, de séjours en hôpital psychiatrique et d’antidépresseurs.

 

« Entre 18 et 22 ans, je me baladais avec deux sacs de médocs », se souvient-elle, « j’avais un planning, je devais en prendre toutes les deux heures. »

 

Arrivée à la fac, elle découvre le cannabis, « par des amis ». Très vite, elle note un changement :

 

« Je m’aperçois que je mange, que j’ai de l’appétit et que je dors bien. »

 

Elle arrête alors de prendre ses médicaments. Un arrêt qui entraîne ce qu’elle appelle « une dépendance dure », entraînant crises de tétanie et spasmophilie.

 

« On parle toujours des effets secondaires du cannabis sur le psychisme », dit-elle, mais très rarement de ceux des médicaments sur notre organisme. »

 

D’après elle, fumer lui permet de gagner quatre à cinq kilogrammes, le cannabis stimulant l’appétit. Avec 43 kg pour 1,69 m, Nad reste malgré tout très fragile :

 

« Je ne peux pas me permettre de perdre du poids. Je fume en moyenne un joint par soir, ça me maintient au dessus des quarante kilos. »

 

Une fumée « miraculeuse » ?

 

« A entendre les patients, c’est à la limite du miracle », s’enthousiasme Sébastien Béguerie, co-fondateur de l’Union Francophone pour les Cannabinoïdes en Médecine (UFCM), qui organisait une conférence au Parlement Européen le 19 octobre dernier sur le sujet. Pour lui, pas de doute, les vertus médicales du cannabis sont immenses :

 

« Nous avons le témoignage d’une personne en Italie. Elle était en fauteuil roulant. Après six mois de traitement au Sativex [un médicament à base de cannabinoïde, une substance présente dans le cannabis, ndlr] elle a retrouvé l’usage de ses jambes. Elle a envoyé une lettre au Vatican pour leur faire part de ce « miracle », mais ce dernier lui a répondu qu’il ne s’agissait que de l’effet d’une plante et non d’une intervention divine ! »

 

Bien qu’il n’existe pas de consensus médical sur le sujet, de nombreuses propriétés thérapeutiques sont prêtées au cannabis. Il serait utilisé dans le traitement de maladies comme la sclérose en plaques ou la maladie de Charcot. Il aiderait également à traiter les effets secondaires d’une chimiothérapie ou des traitements contre le sida.

 

Plus généralement, il ferait office de décontractant musculaire, d’anti-douleur ou d’anti vomitif. En juin 2011, le rapport Vaillant attribuait aux cannabinoïdes « un large spectre d’applications thérapeutiques », et regrettait « la criminalisation » de cette pratique en France, rappelant que de nombreux pays comme les Pays Bas, l’Allemagne, Israël ou une quinzaine d’Etats des Etats-Unis autorisaient la prescription de cannabis.

 

Médical ou non, la production l’utilisation ou la vente de cannabis en France demeurent en effet illégales, en vertu de la loi du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants. Une interdiction qui n’empêche pas un grand nombre de malades de se soigner par ce biais.

 

« Je peux faire des mouvements qui m’étaient inaccessibles »

 

Comme Nad, Raph a lui aussi une longue expérience du cannabis thérapeutique. « J’ai fumé dès l’âge de 18 ans, avec des potes », explique cet homme à l’air adolescent, malgré ses 46 ans. A vingt ans, tandis qu’il fête son anniversaire, un jeu qui tourne mal et une chute : la moelle épinière de Raph est touchée, entraînant une tétraplégie.

 

Désormais en fauteuil roulant, il entend parler des propriétés médicales du cannabis au centre de rééducation où il réside les années suivant son accident :

 

« Chez les tétraplégiques, l’énergie s’accumule dans les muscles et provoque des courbatures et des douleurs très gênantes qui réduisent la mobilité. Dès que j’ai fumé, j’ai constaté que j’étais beaucoup plus détendu et que je pouvais faire des mouvements qui m’étaient impossibles autrement ».

 

Véritable encyclopédie du cannabis, de son histoire et de son utilisation, Raph stocke patiemment sur son ordinateur des centaines de données sur le sujet. Avec un objectif : « Permettre au public d’accéder à ces informations, souvent difficiles à trouver ».

 

Via Internet, il recueille également des témoignages d’autres patients. « J’ai même reçu un mail d’une femme de 75 ans qui se soignait par le cannabis », s’amuse-t-il.

 

« La plupart des patients fument seuls »

 

S’ils se soignent avec le même produit, Nad et Raph n’ont pas les mêmes habitudes. La première fume essentiellement chez elle, seule ou avec son compagnon atteint de la maladie de Crohn. Celui-ci fume aussi, pour apaiser les douleurs causées par cette maladie inflammatoire touchant les intestins. En moyenne, le couple consomme « environ 40g de cannabis » par mois, estime Nad.

 

De sa jeunesse, Raph a conservé le côté festif du joint. « Je préfère fumer peu, environ 2 grammes par mois, mais avec d’autres personnes », précise-t-il. Presque une exception car, selon lui, « la plupart des patients fument seuls, par peur de la loi ».

 

« Du coup, certaines personnes qui pourraient bénéficier de ce genre de traitement n’en entendent même pas parler. »

 

Lui-même s’est longtemps heurté à l’incompréhension de sa famille :

 

«Mes parents ont dû accepter ma manière de me soigner, cela demande du temps et surtout beaucoup de dialogue ».

 

Nad aussi a eu du mal à expliquer qu’elle ne fumait pas que par plaisir :

 

« Ma mère pensait que le cannabis était hautement hallucinogène, quelque chose comme le LSD. Il a fallu que je lui explique tout en détails ».

 

Des autorisations délivrées au compte-goutte

 

Deux usages du cannabis, mais un même constat pour ces deux personnes : « l’absurdité de la loi ». Le système français est l’un des plus stricts en la matière. Plusieurs médicaments à base de cannabinoïdes existent et sont produits et commercialisés hors de France, aux Pays-Bas, ou en Suisse par exemple. Se présentant sous forme de spray (Sativex), de pilule (Marinol) ou de fleur sèche à consommer par vaporisation afin d’éviter la combustion du joint (Bedrocan), chacun d’entre eux possède des propriétés différentes.

 

« Le Marinol est composé de THC de synthèse (molécule présente dans le cannabis, ndlr), ce qui le rapproche plus d’un psychotrope», détaille ainsi Sébastien Béguerie. Le Bedrocan ou le Sativex n’auraient, à l’inverse, beaucoup moins d’effets sur le psychisme.

 

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Autant de substances accessibles sous certaines conditions chez nos voisins mais considérées comme des drogues sur le territoire français. La seule solution possible pour un malade français : obtenir une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) auprès de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), afin d’utiliser un médicament n’ayant pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché.

 

En pratique l’ANSM ne délivre ces autorisations qu’au compte-gouttes, la plupart du temps pour des patients en phase terminale. Ainsi, selon l’ANSM, seulement 100 ATU sur le Marinol avaient été accordées en 2011, contre 45 refusées.

 

La peur d’un « cheval de Troie »

 

Pour la majeure partie des utilisateurs de cannabis thérapeutique, la consommation est donc illégale. Certains médecins délivrent néanmoins des ordonnances sur ces médicaments, afin que les malades aillent les chercher à l’étranger. « En Hollande, un malade français peut se procurer un médicament à base de cannabinoïde dans une pharmacie, avant de se le faire confisquer ou de recevoir une amende en rentrant en France », déplore Sébastien Béguerie.

 

D’après le coordinateur de l’UFCM, la méfiance hexagonale à l’égard du cannabis thérapeutique s’explique en partie par la crainte que cette pratique ne soit en réalité qu’un « cheval de Troie », masquant en réalité une consommation récréative de cannabis. Pour dissocier le cannabis médicinal de son « cousin festif », les laboratoires pharmaceutiques s’efforcent donc de réduire au maximum ses effets secondaires hallucinogènes ou euphorisants :

 

« Moins les médicaments posséderons d’effets psychiques, moins ils seront rattachés aux drogues et plus leur usage sera autorisé. »

 

Les médecins « très fermés sur cette question »

 

En juin dernier, quelques jours après les propos de Cécile Duflot sur la dépénalisation, le député PS Daniel Vaillant affirmait vouloir relancer le débat en faveur du cannabis thérapeutique. Un pas dans la bonne direction de l’avis des associations. Puis la pagaille engendrée par Vincent Peillon qui a tenté de remettre le débat sur le tapis, avant d’être rappelé à l’ordre, a semblé clore la discussion.

 

Mais en réalité, les associations attendent beaucoup plus du corps médical que des hommes politiques.

 

« Les médecins sont très fermés sur cette question », regrette Sébastien Béguerie :

 

« Quand j’entends certains pharmaciens déclarer qu’ils
de cannabis, je suis sidéré. Ils ne sont pas du tout informés sur le sujet. Il faudrait une remise en question globale de la pratique médicale pour avancer dans ce domaine ».

 

Mais pour rendre ce changement effectif, les propositions diffèrent. Nad et Raph opteraient ainsi pour la mise en place de sortes de « cannabis social clubs », sur le modèle espagnol. Des associations dans lesquelles les malades pourraient produire de quoi répondre à leurs besoins.

 

A l’inverse, Sébastien Béguerie souhaiterait que des départements de thérapies par cannabinoïdes soient créés au sein des CHU, afin que les patients soient suivis au quotidien par les hôpitaux, « comme pour les traitements à base d’opiacés comme la morphine ».

Quelles que soient leurs attentes, tous espèrent un changement de législation dans les prochaines années, ce à quoi François Hollande semble déjà avoir répondu par non.

 

 

 

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