Pour ou contre la dépénalisation du cannabis ? Face à face


Invité cheezo

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ANNE COPPEL, Sociologue, auteur du livre 
Drogues, sortir de l’impasse. Danièle JOURDAIN-MENNINGER, Présidente de la MiSSion interministérielle 
de Luttes contre les drogues et les toxicomanies.

 

Certains intervenants regrettent que le débat sur le cannabis, qui agite la société civile et la communauté scientifique, n’atteigne pas vraiment la sphère politique, qui se cantonne à un « pour ou contre la dépénalisation ». Pourquoi ce sujet est-il aussi épineux ?

 

Anne Coppel. Le débat politique porte sur des positions de principe et non pas sur les résultats obtenus. Il est enfermé dans l’alternative répression ou laxisme. C’est un héritage de la loi de 1970, qui sanctionne l’usage d’une année d’incarcération, une sanction trop sévère 
pour être appliquée de façon systématique. Le seul moyen de l’appliquer sera de créer des millions de places 
de prison, pour appliquer la politique de tolérance zéro sur le modèle américain. C’est ce que Nicolas Sarkozy a voulu faire mais c’est un terrible échec dont il faut tirer les leçons. La violence liée au trafic 
s’est exacerbée et la santé des jeunes s’est aggravée. Il faut donc faire autrement.

 

Danièle Jourdain-Menninger. Il est normal que les citoyens s’interrogent sur ces questions. Le gouvernement est à l’écoute des différentes opinions mais c’est à lui et au Parlement de décider des orientations des politiques publiques. En ce qui concerne la loi et les interdits, la Mildt s’inscrit dans le cadre fixé par le président de la République et le premier 
ministre, qui se sont exprimés très clairement sur cette question. La lettre de mission que m’a adressée ce dernier fixe notamment les orientations du prochain plan 
gouvernemental. Dans ce cadre nous mènerons une réflexion, y compris sur les questions de société, afin de construire des actions fortes pour la prévention, la prise en charge, la 
réduction des risques et la lutte contre les trafics. Le premier ministre demande aussi à la Mildt d’être une force de proposition quant aux évolutions juridiques nécessaires à l’efficacité de la lutte contre la drogue et les conduites addictives.

 

Que nous apprennent les exemples à l’étranger ? Est-ce qu’ils sont transposables en France ?

 

Anne Coppel. En Europe, à Zurich, à Francfort comme à Lisbonne, les villes ont cherché des réponses concrètes pour limiter les nuisances liées au trafic et protéger au mieux la santé. Les traitements médicaux ou les salles de consommation protègent la santé des usagers et limitent leur présence dans la rue et donc les nuisances. La centralisation française est un obstacle à l’expérimentation. Les citoyens ne sont pas associés à la recherche de réponses comme dans les villes allemandes ou suisses.

 

Danièle Jourdain-Menninger. Chaque pays a son histoire, sa culture, ses comportements. Au-delà des législations, il existe des pratiques souvent difficiles à évaluer. Il est par ailleurs délicat de transposer les expériences. Il faut de plus souligner que certains pays vont vers des politiques plus restrictives après évaluation des résultats. Je pense notamment à la Suède, à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.

 

 

 

N’est-ce pas rester au milieu 
du gué que de dépénaliser 
l’usage des drogues, sans 
en légaliser la vente ? 
Quels sont les écueils présentés par ces deux options ?

 

Anne Coppel. La plupart de nos voisins en Europe ont pris des mesures de dépénalisation de l’usage mais nul pays au monde n’a légalisé la vente et la production, parce que la prohibition est un système international. On sait d’expérience que la dépénalisation de l’usage n’a pas d’effets négatifs ni dans la santé ni dans la sécurité, car elle libère les policiers des tâches inutiles. On ne connaît pas avec certitude les conséquences d’une légalisation. Personnellement je suis favorable au développement d’expérimentations comme les cannabis clubs espagnol où des consommateurs s’associent pour cultiver pour leur consommation personnelle. On pourrait aussi expérimenter des canna-bistros où la vente est tolérée en petites quantités.

 

Danièle Jourdain-Menninger. À l’heure où les législations sur le tabac et l’alcool sont plus contraignantes, nous nous inscrivons dans une politique générale de santé publique afin de protéger les plus jeunes. Une approche globale et cordonnée de la prévention des conduites addictives implique de définir une politique cohérente qui ne soit pas ciblée sur des produits, mais sur les comportements addictifs qui connaissent des évolutions rapides en matière de tabac, d’alcool et de drogues illicites. Sur ces sujets très polémiques de dépénalisation et de légalisation, chacun utilise les statistiques qui l’arrangent et les rapports qui le confortent. Ainsi le rapport de la Rand Corporation, think tank américain, a estimé qu’une telle évolution aboutirait probablement à une hausse de la consommation, associée à une baisse des prix, mais d’autres rapports indiquent que c’est une des solutions pour enrayer le trafic.

 

 

 

Quelles sont vos préconisations pour résoudre ce problème sanitaire et sécuritaire ?

 

Anne Coppel. Sans prétendre résoudre définitivement le problème, il faut s’efforcer de répondre au mieux aux problèmes qui se posent sur le terrain. Dans la santé, on sait du moins dans quelle direction aller pour prévenir les usages nocifs et limiter les risques et dommages liés aux consommations. Il faudrait dans la sécurité faire évoluer les pratiques policières en fonction de leurs résultats : interpeller massivement les usagers et même les petits trafiquants ne fait que renforcer l’organisation clandestine. Il faut connaître avant d’agir et se donner des objectifs précis : garantir la sécurité de tous et lutter contre le processus mafieux. Mais il n’y a pas de solution miracle. La légalisation est sans doute une politique plus rationnelle, mais il est aussi difficile de réformer cette politique que de lutter contre le trafic d’armes et les paradis fiscaux. À défaut d’une solution définitive, il faut enclencher une stratégie de changement.

 

Danièle Jourdain-Menninger. Le prochain plan gouvernemental, fondé sur une conception élargie de la prévention des conduites addictives, s’inscrira dans une approche scientifique avec une sensibilisation à l’ensemble des risques. Il s’agira de trouver le bon équilibre entre prévention, soins et application de la loi dans toutes ses composantes, et de ne privilégier aucun de ces champs, sachant qu’ils sont complémentaires dès lors que l’on sait où mettre le curseur.

 

 

 

 

Source: https://www.humanite.fr/societe/pour-ou-contre-la-depenalisation-du-cannabis-face-face-506671

 

 

 

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Salut!

 

Danièle Jourdain-Menninger. Le prochain plan gouvernemental, fondé sur une conception élargie de la prévention des conduites addictives, s’inscrira dans une approche scientifique avec une sensibilisation à l’ensemble des risques. Il s’agira de trouver le bon équilibre entre prévention, soins et application de la loi dans toutes ses composantes, et de ne privilégier aucun de ces champs, sachant qu’ils sont complémentaires dès lors que l’on sait où mettre le curseur.

 

Ça serait interressant de connaitre la nature exacte de ce plan gouvernemental puisque nous sommes en démocratie, non?

 

Prévention des conduites addictives... Vont-ils inclure les jeux-vidéos, internet, les drogues licites, la bouffe sucrée ou le café? Oseront-ils aborder l'addiction à des pratiques comme le sport où le sexe ?

 

Y'a-t-il eu des étude sur l'additivité de l'huile de moteur que l'UE tolère à hauteur de 10% dans l'huile alimentaire?

 

Elle ne parle pas d'addapter les lois, mais de trouver un équilibre entre prévention, soins, et leur application bien qu'elles soient largement dépassées et doivent absolument être révisées.

 

Bref, maintenant on connais le discours de la présidence de la Mildt pour les 5 prochaines années... :(

 

:dejadehors:

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