Cannabis thérapeutique : « Pour me soigner, je dois être un délinquant »


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« Jako » est séropositif depuis 1985, et ne supporte les effets secondaires de sa quadrithérapie qu'avec le cannabis. Son médecin l'autorise à prendre ce « traitement » et le juge l'a relaxé. Maintenant, il veut faire changer la loi.

 

Jean-Jacques Simon de son vrai nom est un cas : ce grand gaillard abîmé par la vie pète la forme pour ses 52 ans, dont une moitié avec le sida. Il interpelle tous ceux qui posent un regard sur lui et commence à débiter son incroyable parcours : premier joint fumé en CM2, l'héroïne à la vingtaine, six années en prison, l'AZT et dix autres traitements depuis, le sevrage et puis la lente renaissance...

 

Depuis qu'il a rompu avec la came, il s'est mis à raconter son histoire, dans un livre, à la télé, auprès des jeunes. Maintenant, il a quelque chose à dire aux politiques.

 

 

« Je n'ai pas interdit médicalement cette utilisation »​

Le 10 janvier dernier, au péage de Vierzon, la douane volante arrête la voiture où il se trouve avec un ami qui l'aide à remonter sa plantation d'herbe. La quantité de cannabis contenue dans sa trousse de toilette est conséquente : 415 grammes, soit environ six mois de consommation personnelle.

 

Jako vit dans le logement d'une association près de Versailles et n'a pas de jardin. Il fait donc pousser son cannabis dans le jardin de ses nombreux amis disséminés à travers la France.

 

Il a bien connu les commissariats mais n'a plus l'habitude :

 

« Normalement, avec cette quantité, tu risques vingt ans. Quand la fliquette me signifie ma garde à vue, je lui signifie que j'arrête tous mes traitements. Ils m'envoient à l'hôpital avec les menottes. Le médecin voit bien que mon état est incompatible avec la garde à vue, et ils me relâchent... mais le pire c'est qu'ils gardent mes 400 grammes ! »

 

Jako demande alors à son médecin, Dr Jacques Doll, chef de service d'hépato-gastroentérologie, qui suit Jako depuis 22 ans, un certificat. Sans difficulté, Le médecin reconnaît noir sur blanc les « vertus thérapeutiques » connues du cannabis thérapeutique, et ajoute :

 

« Je n'ai pas interdit médicalement cette utilisation dans la mesure où elle est efficace, bien tolérée et améliorant sa qualité de vie. Une ATU (autorisation temporaire d'utilisation) individuelle serait souhaitable afin de l'autoriser légalement à poursuivre ce traitement. »

 

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Relaxé par le tribunal au nom de sa « contrainte »

Le 13 avril, le tribunal correctionnel de Bourges prononce sa relaxe. Une « révolution » pour les avocats. Que dit le jugement ?

 

« M. Simon a agi sous l'empire d'une contrainte à laquelle il n'a pu résister. De ce fait, sa responsabilité pénale doit être écartée. »

 

Depuis, Jako s'est fait faire un T-shirt avec cet article 122-2 du code pénal qui stipule qu'il n'est « pas responsable », donc innocent.

 

 

 

 

Fort de cette relaxe, dont il espère qu'elle fera jurisprudence, et devenu sage après ses années de délinquance, il justifie son droit à consommer du cannabis :

 

« Je ne veux pas être un délinquant pour me soigner. C'est la double peine. Je ne suis un risque pour personne à consommer mon cannabis, je n'ai même pas le permis ! Mais je me retrouve à troubler l'ordre public pour atteindre mon traitement, car je dois fréquenter des dealers, fumer une herbe où plein de trucs chimiques ont été ajoutés, et ça me coûte beaucoup plus cher que si je cultive moi-même. »

 

Ce jugement lui a fait réaliser qu'il y a « quelque chose de pas logique dans la loi » : étrange de le relaxer alors qu'il a commis un acte puni par la loi.

 

Est-ce un premier pas vers un changement de la loi ? Le problème est qu'en France, les partisans de la légalisation du cannabis demandent la légalisation pour tous et pas spécifiquement pour les malades. Jako ne veut pas attendre que la France soit mûre pour ce débat : avec l'élection présidentielle qui approche, il considère qu'il faut séparer les deux sujets car la légalisation du cannabis thérapeutique est, elle, « urgente ».

 

 

Pas une consommation récréative

Il ne faut pas compter sur les médecins pour se mouiller sur ce sujet. Même si certains, comme le médecin de Jako, certifient que le cannabis fait du bien à leurs patients, même si d'autres font des ordonnances pour que leurs patients aillent se fournir dans les pharmacies hollandaises. C'est le cas de Bertrand, également malade du sida :

 

« J'habite à Strasbourg et je dois faire 900 km aller-retour pour chercher mon traitement. Il y a un problème d'accès au soin. On m'autorise à le consommer mais dans l'illégalité ! »

 

Ce malade, comme d'autres atteints de sclérose en plaque ou de cancer, de fibromyalgie, de la maladie de Crohn ou d'Alzheimer, ne fume pas parce que c'est « rigolo » mais parce que dans le cannabis, il y a des cannabinoïdes, qui agissent entre autres sur la douleur. Comme Nicolas, dispensé de peine pour sa consommation de cannabis et dont Libération a fait le portrait cette semaine.

 

D'ailleurs Bertrand ne fume pas, il inhale avec un Volcano, un vaporisateur à utilisation thérapeutique. Le cannabis ne le fait pas planer, mais agit sur son sommeil, ses nausées, son appétit...

 

Depuis dix ans qu'il se bat sur ce sujet, Bertrand pense aujourd'hui que les mentalités sont mûres pour une légalisation. Mais il pronostique :

 

« Ça ne bougera pas par les médecins, ni par les associations, mais par les tribunaux, les médias, et le mouvement citoyen. »

 

 

 

 

Photo: Jako à la rédaction de Rue89, en octobre 2011 (Audrey Cerdan/Rue89)

 

Par Sophie Verney-Caillat

 

Source: Rue89

 

 

 

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Je salue le courage et la volonté de Jako que j'ai eu l'honneur de rencontrer lors de l'appel du 18 joint.

 

Grâce à lui, la voie est ouverte vers la reconnaissance du cannabis médical en France.

Cette première avancée en appellera d'autres si son combat est soutenu. Nous y avons tous notre part à donner.

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