Point barre, essai littéraire.


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Bonjour.

 

Je viens d'écrire un petit texte que j'avais envie de partager. Je précise que je n'ai pas l'habitude d'écrire, mais je viens de découvrir que ca me plaisait bien. Je sais qu'il y a déjà deux ou trois topics sur ce genres de trucs, mais le texte est long et j'y ai passe plusieurs heures.

 

Peut etre ce topic peut passer en textes longs, ou un truc comme ca :bye:

 

Voila, profitez en bien !

 

 

Point barre.

 

 

 

Je passe entre les rangs. J’ai encore cet arrière gout de café qui traine au fond de ma gorge, qui remonte dans mon estomac et que je sens quand j’expire par le nez. J’aime bien ca, c’est agréable. Ce qui n’est pas agréable, C’est-ce petit con qui parle avec son camarade dans le fond de la classe. Ils font frémir mes nerfs. Mais bon, on est vendredi matin et j’ai vraiment pas envie de me prendre la tête avec ca, je vais finir ma journée et rentrer chez moi, boire une bière et me taper ma femme, avec son bide et ses seins qui pendent. Même si c’est moche, c’est toujours ca de pris et un trou c’est un trou. Mais là il y a toujours ces deux élèves qui parlent en même temps que moi. Taisez vous, je dis, et ca sonne creux, et ca résonne, avec de l’écho. Mais ca a marché, ils ne parlent plus et je peux continuer à penser à la fin de ma journée, à ma bière et au trou de me femme. Immonde. Mais toujours mieux qu’ici. C’est marrant comme je peux penser à un tas de trucs et parler de philosophie, de choses que je ne comprend plus depuis longtemps tellement je les ai décrites à des élèves amorphes et dans le même cas que moi : piégés. Ah, ca sonne. J’entend les chaises qui bougent à l’étage du dessus, et déjà mes élèves quittent la salle. C’était la dernière heure, parfait. En sortant, je vois, entend, et sent. La jeunesse, putain, c’était rapide. Et je suis là, à attendre mon week-end, ma bière, le trou de ma femme et ma paye. Tout ca pour essayer de vivre, sans malheur ni bonheur. Juste une lénifiante routine qui va me mener jusqu’à la mort. Et je les vois, ces jeunes, et je les fais chier, je suis même payé pour ca. Huit heures par jour, du lundi au vendredi, avec le mercredi matin et les vacances scolaires. Ca c’est bien. J’oublie des fois pourquoi j’ai choisi ce métier. D’ailleurs, là, impossible de m’en souvenir. Mais déjà, je suis à ma voiture. Grise, comme ma canette de bière, le plafond de ma chambre, le ciel le lundi matin, le cul de ma femme. Comme mon quotidien. Et comme ce putain de pigeon qui as chié sur mon capot. Bordel, j’aimerai bien un peu de couleur moi, je suis prof de philo après tout. J’enseigne la vie et la connaissance, mais finalement, je suis qui pour parler de ca ? J’ai une vie de merde, et je suis là pour faire la leçon. C’est l’hôpital qui se fout de la charité ca, tiens, je viens d’inventer une expression, c’est le prof de philo qui as une vie de merde. Ironique. Ca y est, je suis à la maison. Merde. Femme pas là, frigo vide. Elle doit encore être en train de se faire troncher par le voisin. On va la voir arriver un peu rouge et transpirante. Au moins, y’en a qui s’amusent. Merci voisin, c’est mon tour après. Ah, bien, il me reste de l‘herbe. J’en ai bien besoin après cette semaine de merde. Enfin, c’est un pléonasme, après cette semaine. Après cette merde.

 

Ah, ca va mieux, je vais me mettre la race ce week-end, voilà quelque chose de concret. Quel pied, après cinq jours à corriger des copies, je peux enfin fumer une clope et voir. Je revis, enfin, pour deux jours… Je prend mon programme télé et le feuillète, l’épluche et le lance sur mon canapé. Ca sonne creux, avec de l’écho. Et ca a un arrière goût de pisse. Devant le miroir, je contemple mon visage. Des trous, début de la vieillesse, la quarantaine est bien installée et se lit aisément sur mon front, où l’amertume de la routine laisse ses traces peu à peu. Au bout d’un moment, je ne reconnais plus mon visage, l’impression d’avoir quelqu’un d’autre en face de moi. Ironique, toujours, mais fascinant. Est-ce que ca arrive aussi à d’autres ? L’effet de l’herbe se dissipe peu à peu, et j’ai envie d’en refumer. Ca tombe bien, la femme est toujours pas rentrée, et je crois l’entendre à travers la cloison qui sépare l’appartement du voisin du mien. J’hésite à aller frapper à la porte, rien que pour la faire chier. Elle le mériterait bien. Qu’elle me trompe, d’accord, mais qu’elle me prenne pour un con, non. Merci voisin, c’est mon tour après.

 

Je me réveille, en caleçon, la télécommande sur mon ventre et la télé allumée. Le joint à brulé, et fait un trou dans ma veste. Merde. C’est ca mon week end ? Fais chier, où est passée ma jeunesse ? Même les week-ends c’est la routine ? J’ai envie de sortir. Je regarde l’horloge en plastique de la cuisine en plastique. Deux heures du matin. Déjà ? Mais bordel, où est cette femme ? Toujours chez le voisin ? J’y frappe.

 

- Elle est où ?

- Qui ?

- Ma femme.

- Je sais pas, il est deux heures du matin. Casse toi.

- T’es sur qu’elle est pas là ?

- Oui. Dégage.

 

J’entend les verrous cliqueter, et j’y devine l’anxiété du voisin. C’est vrai que venir à cette heure, et dans l’état dans lequel je suis, puant l’herbe et avec un trou fumant dans ma veste, ca fait mauvaise impression. Mais je m’en fout.

 

Dehors, l’air est tiède et les éboueurs ne sont pas passés. Les poubelles sont dans le hall d’entrée et s’accordent assez bien avec l’ambiance générale. La lumière orangée des lampadaires en fer forgé n’écarte pas toute l’obscurité, qui demeure dans certains coins de la rue. Déserte par ailleurs. Direction l’épicerie, petit espace aseptisé dans ce monde nocturne fait d’une vie discrète, ou tapageuse. Ca dépend de l’endroit. J’y suis. C’est toujours le même arabe à la caisse. Bonsoir. Je prend une grosse cannete de bière forte. Parfaite pour un type comme moi. Saoulant, mais pas enivrant.

J’aime bien ma ville, je m’y sens à l’aise. Dans la limite du possible. La brise reste tiède, mais ne sens plus les poubelles. Un autre odeur l’a remplacée. Celle de la nuit. Mélange de peur, d’excitation, d’euphorie, et de vice. J’ai trente cinq euros sur moi. C’est une base. Ca ma rappelle quand j’étais jeune. Ah merde, ca fait vraiment vieux con aigri de dire ca. Mais ca me rappelle quand j ’étais jeune, le soir j’avais des amis, enfin, je croyais, mais sur le moment, je les avais. Je crois que la routine tue l’âme et la joie de vivre, la mienne doit être en cendre à présent. L’alcool m’en ravive les dernières braises, et peut être que je me trompe. Bonsoir. Je reprend la même, mais accompagnée de sa grande sœur. En route vers le centre, des gens passent. Jeunes, vieux, con, cons, plusieurs cons, plein de cons. Moi y compris. Mais qui as compris d’ailleurs ? Y en a-t-il qui vivent vraiment ? En quarant huit ans et demie, je n’ai toujours pas reussi à savoir ca. Peut-être des exceptions. Peut-être que je ne fais pas les bonne rencontres. Peut-être qu’ils n’existent pas. Peut-être que je suis trop con pour le comprendre. Ou pas assez.

 

Voilà la place. Centre le la ville, c’est là qu’il y a le plus de vivants. Enfin, s’ils vivent. Surtout des jeunes ceux qui ont encore de la vie, brute, non pervertie, mais ils sont cons. Ils ont de la vie, de la vie, mais ils n’en on rien à foutre. C’est pour ca que je suis prof de philo. Mais avec moi, ils en ont encore rien à foutre, croyant que tout leurs est dû parce qu’ils sont jeunes. Les pauvres.

 

Je me trouve un banc à l’écart, il est froid et dur. Et mort. Ca fait du bien, je ne suis pas jaloux. J’ouvre la grande sœur. Ma sœur. Petite ou grande, selon les moments. Et je la bois d’un coup. C’est âcre et écoeurant. Le goût de l’oubli ? Celui de l’illusion, au mieux. L’illusion d’être encore vivant. D’exister. Conneries, et ca coûte cher en plus. Ca ne m’étonne pas qu’il y ai autant d’alcooliques. Quoi qu’il en soit, ca fait de l’effet. Et savoir que je peux encore ressentir ce genre de choses, ou juste ressentir quoi que ce soit me rassure. Même si je n’y suis pas responsable. Au moins quelque chose l’est. J’ai envie de parler maintenant, et de pleurer, et de rire. Ca faisait longtemps.

 

Je me lève, et commence à marcher, sans but. Les trois coups d’une cloche lointaine me rappellent l’heure. Je passe devant de la viande ivre. Vivants ou morts, aucune différence, ils sont en cendres. Je me demande si ils sont passés par mes état d’âmes avant d’en arriver où ils sont. Ou alors auraient ils trouvés le moyen de se sentir vivant ? Lâcher prise. Au moins, leur routine doit les concerner. La survie doit les combler plus que la mort. Au royaume des aveugles, le borgne est roi. J’en réveille un, et lui pose cette question. Il ne parle pas Français. Mais je comprend tout de même ce qu’il veut me dire : on ne parle pas au roi. Surtout quand il dort. Tant pis pour lui, il se réveilleras sans sa bouteille. La lumière me parait plus vive. Mais son vin est mauvais. Normal.

 

Je cours maintenant. Pour aller loin. Ca y est, c’est fini. Moi aussi je veux revivre. Vu de l’éxtérieur, ca doit être intriguant un homme avec une veste de costume trouée, courant et transpirant a 4 heures du matin, une bouteille de vin en plastique à la main. Mais de l’intérieur, c’est bon. Ca me rafraichis le visage et me réchauffe le corps. Je ne sais pas si je vais vite. Je m’arrête reprendre mon souffle et boire, mais tout me reviens à la figure. Si je ne continue pas à courir, c’est vraiment fini. Plus jamais je ne verrais le monde comme je le vois maintenant. Et c’est quelque chose que je ne veux pas rater. Je continue donc ma course effrénée, saccadée, et surement titubante, tout en essayant d’orienter mes pensées qui s’emballent aussi vite que je mes pas. L’horloge de la gare indique 5 heures. Déjà je vois les premiers morts sortir de leur boites, l’attaché case à la main. Pendant une seconde, je pense au mien, mais il est déjà loin maintenant. Plus loin que n’importe quoi.

 

Un bruit aigu me tire du sommeil en sursaut. Horrible. Mes tympans se vrillent dans un mécanisme de défense provoqué par la panique et l’incompréhension. Il fait déjà jour et la première odeur que je perçois est celle de l’urine. Rejoint par celle du vin qui est incrustée sur ma veste. La bouteille est posée à coté de moi, et quelqu’un m’as mis dans un coin de la gare. D’où l’odeur de pisse. Le train est là. Mais il ne veut plus rien dire. Je me rend compte que j’ai été roi pendant une nuit. Il est temps de rentrer maintenant. Il faudra que j’aille m’acheter une corde.

 

 

 

 

 

 

 

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Ps; je précise que je ne suis ni quadragénaire, ni prof de philo, ni dépréssif. :roll:

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