Cannabis : un discours hallucinogène


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Cannabis : un discours hallucinogène

 

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Et s'offre à nos yeux consternés un texte mal construit, confus, bourré d'approximations et de contradictions, où sont réactivées les vieilles représentations catastrophistes des drogues illicites autres que le cannabis et où sont posées de fausses questions, puisque les réponses en sont connues depuis déjà quelques années.

 

Essayons de suivre le fil de la "réflexion" de M. Vaillant.

 

Il commence par nous dire que « la croissance du nombre de consommateurs de cannabis peut poser un grave problème de santé publique » : cela ressemble à une affirmation mais la précaution verbale (« peut ») la transforme en une sorte d'hypothèse.

 

Quelques lignes plus loin surviennent une question et sa réponse : « la consommation régulière de cannabis est-elle anodine ou dangereuse pour la santé ? (...) On n'en sait rien. Jusqu'à ce jour, aucune étude scientifique fiable ne permet de se faire une idée à ce sujet ». D'où la proposition suivante : « Il est donc urgent que les chercheurs et les médecins éclairent l'opinion et les autorités publiques sur le risque réel pour la santé des consommateurs ». En effet, on ne sait jamais, si « il est avéré que la consommation occasionnelle de cannabis n'est pas plus dangereuse que celle du tabac ou de l'alcool », il faudrait alors « avoir le courage de sortir vraiment du statu quo (...) ».

 

Le plus gros problème de ce pseudo-raisonnement, c'est que... c'est avéré ! On en sait quelque chose ! Les chercheurs et les médecins ont, depuis une dizaine d'années, mis en évidence que la consommation occasionnelle de cannabis n'est pas plus dangereuse que celle du tabac ou de l'alcool.

 

Le rapport Henrion (1), rendu public en février 1995, souligne notamment que : « Aucun décès dû à une consommation excessive de cette drogue (...) n'a été signalé » ; « Il n'existe pas de dépendance physique (...) »; « S'il existe une dépendance psychique plus ou moins marquée selon les individus, elle reste toujours modérée (...) » ; « Cette dépendance ne semble pas plus grave que celle provoquée par le tabac ou l'alcool (...). Elle serait moindre que celle provoquée par la consommation abusive de benzodiazépines ou de psychostimulants souvent prescrits par les médecins » ; « Contrairement à ce qui est souvent avancé, le cannabis ne constitue pas obligatoirement le premier échelon d'un passage aux drogues dures ».

 

Le rapport Roques (2), publié en mai 1998, conclut - entre autres - que : « Le cannabis ne possède aucune neurotoxicité (...). De ce point de vue, le cannabis se différencie complètement de l'alcool, de la cocaïne, de l'ecstasy et des psychostimulants, ainsi que de certains médicaments utilisés à des fins toxicomaniaques » ; « La toxicité du cannabis "fumé" vis-à-vis des systèmes respiratoire et cardiovasculaire ne doit pas être négligée bien qu'elle reste sans doute faible par rapport à celle du tabac pour des raisons simples de quantités consommées, au moins chez les usagers occasionnels, c'est-à-dire 90% de la population [des consommateurs] » ; « Moins de 10% de consommateurs excessifs deviennent dépendants (3) au cannabis, ce qui n'est pas négligeable mais très inférieur au risque induit par les consommations excessives d'alcool ou de tabac ».

 

Par conséquent il n'y a plus à tergiverser, à repousser l'échéance, les conditions nécessaires à la réalisation des quatre dispositions proposées par Daniel Vaillant sont bel et bien requises. Mais de quelles propositions s'agit-il ?

 

« 1- Encadrer et contrôler la production ou l'importation » : où comment parler de légalisation sans prononcer ce mot qui fait peur à bon nombre d'électeurs.

 

« 2- Autoriser la consommation pour tenir compte de la banalisation, à l'exception des mineurs de moins de 16 ans » : c'est en d'autres lieux la définition même de la dépénalisation. Il est pour le moins étrange que cela survienne après la proposition n°1...

 

« 3- Contraventionnaliser et pénaliser la conduite à risque comme pour l'alcool » : Vaillant veut-il parler de la conduite de véhicules sous l'effet du cannabis ?

 

« 4- Durcir la pénalisation et les sanctions pour les trafiquants, du simple deal au gros trafic (...) » : aucune crainte de ce côté-là, cette proposition étant consensuelle. Mais la législation devrait définir clairement ce qu'est le « simple deal ».

 

Au final, il apparaît que ce texte, dans son ensemble, cache mal le risque d'une dérive vers une répression accrue de l'usager de toutes les substances psychoactives qui resteraient illicites...

 

Choisir la confusion face au réalisme répressif sécuritaire de Sarkozy, faire semblant de proposer la légalisation du cannabis tout en rediabolisant les drogues dures, voilà une bien piètre stratégie électoraliste. Et tous ceux et celles qui goberont de tels propos seront les dindons de la farce... Mais avant tout il s'agit pour les sociaux libéraux de se repositionner face au projet sarkozien de contraventionnaliser les usages, tout en concurrençant les Verts pour tenter de rallier les voix des fumeurs de cannabis...

 

Assez de démagogie, de récupération politicienne des usages de drogues ! C'en est trop, l'overdose est proche ! Assez d'utilisation sécuritaire de la lutte contre le fléau du drame de la tragédie de l'horreur de l'abominable drogue quand on est au pouvoir et, une fois qu'on l'a perdu, d'invitation au débat démocratique sur la consommation du cannabis !

 

Assez d'hypocrisie au nom même du refus de l'hypocrisie : « Cependant, devant l'hypocrisie ambiante face à ce sujet, je souhaite intervenir dans le débat » ose déclarer l'ancien ministre de l'Intérieur !

 

Et dans trente ou quarante ans, quand il ne sera plus au pouvoir, Sarkozy viendra nous parler, en toute sincérité, de la légalisation du cannabis ? Please, stop the farce !

 

Alors, encore un peu de soupe publicitaire électoraliste ? Non merci, cela ne peut rien pour ma vie...

 

Par Jean-Luc Guilhem

Source: https://www.combatenligne.fr/article/?id=490

 

(1) Pr. Roger Henrion, Rapport de la commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie, 1995.

 

(2) Pr. Bernard Roques, Problèmes posés par la dangerosité des "drogues". Rapport du Pr. Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la Santé, 1998.

 

(3) Il s'agit là d'une dépendance psychique (Ndlr).

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Salut,

merci encore pour l'apport de documents.

 

Concernant ce texte de JL Guilhem, je suis tout à fait d'accord sur le fait que Mr Vaillant a une méconnaissance totale des réels dangers du cannabis.

Je suis complètement d'accord sur le fait qu'il a participé à la répression des utilisateurs de canna, sans se soucier de leur santé ni de leur liberté.

 

Mais je ne suis pas d'accord sur le fait de critiquer sans admettre que le débat jusqu'à présent ne se faisait pas.

J'ai aussi observé, qu'il prenait acte de ce que les intervenants lui indiquaient sur la nocivité et l'apport du cannabis dans la vie des personnes l'utilisant.

 

Je suis prêt à accepter les erreurs si la réflexion amène une progression. J'ai d'ailleurs été surpris lors du débat sur lcpan que personne ne rebondisse au propos de l'intervenant qui disait :

- la politique que nous menons face à l'alcool commence à avoir des résultats .... bla bla bla ... vente interdite au mineur, ....blabla

moins de consommateur....

Pourquoi personne n'a dit, oui c'est ce que nous voulons. interdiction au mineur, pas de canna au volant (avec des cannatest valable)...

Demandons nous vraiment autre chose ?

 

N'oublions pas aussi notre mauvaise manie de FUMER et de n'employer que ce terme pratiquement et alors que les alternatives existent (vapo, ingestion, medico).

Je ne dis pas que fumer et mal, je dis simplement que fumer occasionne une augmentation des risques pour la santé, pour soi et pour les autres.

Est-ce que le symbole que nous véhiculons n'est pas fumeur de cloppe avec une substance illicite supplémentaire.

 

Bref, ceci est un peu en bordel, mais je voudrais réellement progresser sur ce débat. Alors pourquoi ne pas poser les questions directement à l'intéressé et les offrir au public.

 

Est-ce que la méconnaissance est une tare ?

Est-ce qu'avoir un double intérêt l'est ?

Oui, le débat est politique, oui la plupart de nos élus n'y connaissent rien et n'ont pas le temps d'approfondir leurs connaissances tant que le débat n'est pas sur la place, mais ce n'est pas nouveau, Hadopi en est un bon exemple, mais il a soulevé le débat et permis que nombre de personne apprenne.

 

Moi aussi j'en ai marre de voir que des personnes sont en périls par notre faute, nous qui ne sommes pas capable de défendre nos semblables, même nos malades.

Mais le canna n'est que le haut de l'iceberg.

 

Pour critiquer il faut que ce soit juste, ici je n'ai qu'un texte plein de partialité.

 

S.

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salut

 

merci pour l'article.

 

Cependant j'ai juste envie de faire remarquer que la question de la légalisation, il me semble, ne tourne presque qu'autour de la dangerosité de la substance. Ils l'ont très bien dit dans le texte, on a su évaluer "relativement bien" les méfaits du cannabis il y a plusieurs années; pourtant ça reste des paroles vides dans les débats, j'en ai même fait expérience avec des personnes à qui j'en parlais, ou encore comme on peut le voir à la télévision... J'ai l'impression que les arguments ne changent pas, rien de nouveau.

 

(Loin de moi l'idée de remettre en question cette lutte, elle est légitime.)

 

Personnellement j'irais même plus loin: la question n'est (presque) pas du tout là. C'est mon avis et ça n'engage que moi. Je pense que la question de la liberté individuelle devrait être beaucoup plus débattue. Effectivement l'argument du principe de la liberté des droits des hommes ressort tout aussi souvent; mais celui-ci est beaucoup plus fort et concerne des sujets bien plus importants que le cannabis, tout en l'incluant.

 

Déjà, il concerne les usagers de toutes les drogues, ce qui n'est pas le cas si on ne parle que de la dangerosité du cannabis. Mais aussi, c'est un principe qui se base sur la tolérance et le respect de son prochain; c'est, à mon goût, ce qui manque le plus aujourd'hui chez les hommes.

 

Finalement, simple réflexion, une démocratie proprement dite peut ne pas respecter les droits de l'homme. Le peuple de la démocratie, qui s'est donc engagé à respecter l'opinion de la majorité, doit pouvoir voter n'importe quoi, y-compris les droits de l'homme ou le droit de tuer (je vais à l'extrême). Pourquoi pas l'interdiction de fumer de l'herbe alors? Si telle est la volonté de la majorité... pourtant la france dit respecter les droits de l'homme, mais ne le fait pas. Ici en suisse la constitution affirme respecter les droits de l'homme; la loi sur les stupéfiants est donc anticonstitutionelle. On "aurait du" (on l'a!) avoir le droit de fumer depuis que nous sommes nés... mais ce n'est pas le cas.

 

Voilà, à mon sens, le problème majeur.

++

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