Le principal composé actif du cannabis pourrait prévenir l’accumulation de dépôts graisseux dans les artères. Appelé athérosclérose, ce phénomène peut conduire à l’infarctus ou aux attaques cérébrales. Pas question pour autant de faire l’apologie du joint, il s’agit-là de très faibles doses !
Malgré ses propriétés anti-douleur, le cannabis reste peu étudié et peu utilisé par les médecins. Mais une nouvelle découverte pourrait définitivement couper l’herbe sous le pied des détracteurs de son usage thérapeutique. De très faibles doses pourraient en effet prévenir les maladies cardiovasculaires.
Source: doctissimo
Réduire les méfaits de l’athérosclérose
L’athérosclérose se caractérise par l’accumulation sur les parois des artères de dépôts de graisses (dépôts lipidiques) qui forment des plaques d’athérome, principalement composées de cholestérol. Ces plaques s’accumulent le plus souvent dans les grosses artères (artères coronaires, cérébrales…). Ce processus est également marqué par l’intervention des cellules du système immunitaire. Venues réparer les vaisseaux endommagés1, elles provoquent une inflammation. Résultat : cette cascade d’événements entraîne une perte d’élasticité et un rétrécissement des vaisseaux. La circulation sanguine est rendue difficile et peut favoriser la formation d’un caillot (thrombose), se traduisant parfois par un infarctus ou un accident vasculaire cérébral (AVC).
Pour prévenir ces terribles issues, certains traitements comme les statines permettent de réduire le taux de cholestérol. De plus, elles peuvent calmer l’inflammation et l’intensité de la réaction immunitaires2. Mais des scientifiques suisses pourraient bien avoir trouvé un composé singulier ayant les mêmes atouts…
Un mécanisme à élucider
L’équipe de chercheurs dirigée par le Dr François March de l’hôpital universitaire de Genève3 a testé les effets d’un produit assez singulier : le THC (ou delta-9-tetracannabinol), le principal composé psycho-actif du cannabis ! Bien que connu pour avoir des propriétés anti-inflammatoires, aucune étude n’avait cherché à élucider ces propriétés face à l’athérosclérose.
Pendant 11 semaines, les chercheurs ont donné une alimentation très riche en cholestérol à des souris modifiées pour développer l’athérosclérose. La moitié des rongeurs recevait en plus de ce régime de faibles doses quotidiennes de THC pendant les six dernières semaines. Des doses insuffisantes pour créer la moindre dépendance. Au terme de l’étude, les souris ayant reçu ce petit plus présentaient nettement moins de dépôts graisseux dans les artères que les autres.
Les composés actifs de la marijuana agissent sur les cellules via deux portes d’entrée : les récepteurs CB1 et CB2. Au niveau du cerveau, les cellules présentent en grande quantité le premier récepteur. C’est lui qui est à l’origine des propriétés psycho-actives du cannabis. Au niveau des cellules immunitaires, c’est le deuxième récepteur (CB2) qui est majoritaire et c’est par cette porte d’entrée que le THC réduirait donc les dépôts graisseux. L’idéal serait alors de disposer de composés cannabinoïdes qui n’agiraient que sur ce dernier récepteur.
Pas question de plébisciter le joint !
Des composés hérités du THC ne devraient pas demain remplacer les statines, mais ils pourraient constituer une nouvelle arme contre l’athérosclérose, à utiliser en complément par exemple. Attention cependant à ne pas en faire l’apologie de la fumette !
L’action bénéfique du THC ne fonctionne qu’à un dosage faible très précis (1 mg par kilogramme et par jour). Des concentrations plus élevées ou plus faibles se révèlent inefficaces. Ces doses sont bien moins importantes que celle d’un joint ! Ce que s’empressent de souligner les chercheurs. Rappelons enfin que la fumée de cannabis contient de nombreux produits toxiques qui peuvent favoriser la survenue de plusieurs complications, parmi lesquelles des maladies cardiovasculaires. Ces problèmes ont été récemment soulignés par une campagne nationale de sensibilisation.
Néanmoins, cette découverte permet de relancer le débat sur les usages thérapeutiques du cannabis. Outre ces vertus analgésiques, des médicaments à base de chanvre sont déjà utilisés dans certains pays comme stimulateur d’appétit et anti-nauséeux pour des patients sous chimiothérapie. En France, le cannabis est avant tout considéré comme une mauvaise herbe : aucune étude clinique et aucun médicament à base de cannabis n’y est commercialisé. Seules quelques autorisations temporaires d’utilisation ont jusqu’alors été accordées à titre individuel chez une poignée de patients souffrant de douleurs résistantes aux traitements.
David Bême - Mai 2005
1 - Nature. 2002 Dec 19-26;420(6917):868-74.
2 - Circulation. 2004 Jun 1;109(21 Suppl 1):II15-7.
3 - Nature. 2005 Apr 7;434(7034):782-6.