Le Sativex pourra-il un jour arriver dans les pharmacies françaises ? « à ce stade, tout semble bloqué », indique Christophe Vandeputte, directeur général de la branche française du laboratoire pharmaceutique espagnol Almirall, qui fabrique ce médicament à base de cannabis, le tout premier autorisé en France.
Quand on parle de cannabis thérapeutique, on fait souvent la confusion entre deux situations. La première concerne des personnes atteintes de certaines maladies (cancer, sida, myopathie…) qui revendiquent le droit de pouvoir fumer du cannabis, en affirmant que cela soulage certains de leurs symptômes. Une revendication à laquelle s’opposent toujours les pouvoirs publics en France.
La deuxième situation concerne les médicaments fabriqués à partir de dérivés de cannabis. « Cela n’a rien à voir avec la “fumette”. » Notre médicament est un produit pharmaceutique comme les autres qui a fait l’objet d’études pharmacologiques, toxicologiques, de tolérance et d’efficacité », explique Christophe Vandeputte.
Autorisation sous contrôle médical
En France, la porte est restée longtemps fermée à ces médicaments, autorisés dans plusieurs pays d’Europe. Elle a commencé à s’entrouvrir au début des années 2000. Alors ministre de la santé, Bernard Kouchner avait autorisé, dans le cadre d’un plan antidouleur, les médecins à prescrire des dérivés de cannabis, mais de manière très encadrée.
C’est ainsi qu’un produit, le Marinol, a été rendu accessible pour des patients souffrant de douleurs neuropathiques. Mais le médecin doit faire une demande spéciale à l’Agence nationale de sécurité du médicament des produits de santé (ANSM). « Cette procédure est très complexe et prend du temps. Ce qui explique que les demandes à l’ANSM restent très limitées », indique le docteur Bertrand Lebeau, addictologue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) et à l’hôpital de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Depuis 2005, seulement 350 patients ont pu bénéficier du Marinol, médicament fabriqué à partir de cannabis de synthèse.
Le vrai tournant s’est produit début 2014 quand le ministère a annoncé l’autorisation de mise sur le marché du Sativex. Une première pour un médicament fabriqué à partir de la plante « cannabis sativa ». Délivré sous la forme d’un spray buccal, ce produit a été autorisé pour des patients atteints de sclérose en plaques et souffrant de spasticité modérée à sévère : un symptôme assez fréquent se traduisant par des contractures musculaires, parfois très douloureuses, des spasmes et des raideurs.
« La concentration en THC est très faible et ne provoque pas d’effets euphorisants ni de dépendance »
Le Sativex contient deux dérivés du cannabis : le cannabidiol (CBD) et le tétrahydrocannabinol (THC). Cette substance, le THC, agit sur le système nerveux, modifie les sensations, les perceptions et le comportement. Mais cet effet n’est pas possible avec Sativex. « La concentration en THC est très faible et ne provoque pas d’effets euphorisants ni de dépendance », souligne Christophe Vandeputte. Bref, le Sativex ne peut pas remplacer un « joint ».
Si sa commercialisation est aujourd’hui bloquée, c’est qu’aucun accord n’a encore été trouvé entre la firme et les autorités sur son prix et son remboursement. La Haute Autorité de santé (HAS) a jugé « faible » le service médical rendu (SMR) du médicament. En conséquence, le ministère ne veut pas payer le prix fort.
« On s’est mis d’accord sur un prix de 300 € pour un mois de traitement. Mais le ministère veut autoriser le remboursement pour seulement 350 patients par an. Alors que, potentiellement, on pense qu’il serait utile à environ 5 000 personnes », estime Christophe Vandeputte.
Pierre Bienvault
Source: La-croix.com
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