Aux Pays-Bas, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en Finlande… les vertus médicales du cannabis sont peu à peu reconnues, les malades le réclament, les scientifiques s'y intéressent et les pouvoirs publics permettent à des expérimentations de se mettre en place. Mais en France, rien. Comme celui de Tchernobyl, le nuage de fumée cannabique semble s'être arrêté à nos frontières.
Source: Rue89
Le chanvre est pourtant l'une des plus anciennes plantes médicinales connues. Stimulant de l'appétit, il a été redécouvert comme thérapie dans les années 80 pour les malades du sida qui perdaient trop de poids. Ses vertus antinauséeuses seront ensuite utilisées pour les malades du cancer en chimiothérapie. On l'utilise également pour le glaucome, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson…
Mais en France, plus gros consommateur de médicaments, le cannabis médical reste uniquement considéré comme le cheval de Troie de la légalisation du cannabis récréatif. Et ses contempteurs tombent toujours sous le coup de la loi.
https://asset.rue89.com/files/imagecache/asset_wizard_vignette/files/ArnaudAubron/2009_08_09_Michka_cannabis.jpg[/img]Journaliste, auteure, éditrice, fondatrice du Musée du fumeur, grande connaisseuse des plantes en général et des plantes psychotropes en particulier, Michka a publié depuis 1978 une demi-douzaine d'ouvrages sur le cannabis, dont elle est probablement l'une des meilleures spécialistes.
Elle a publié ce printemps, avec des médecins et des spécialistes internationaux de cette plante, « Cannabis médical - Du chanvre indien au THC de synthèse » (Mama éditions) et sera, mardi à 16h00, l'invitée du tchat vidéo de Rue89. Vous pouvez d'ores et déjà lui poser vos questions dans les commentaires ci-dessous.
En attendant, et pour faire avancer le débat, nous publions le témoignage de vinczec, riverain de Rue89, atteint d'une affection aux nerfs crâniens qui a choisi, pour lutter contre sa douleur, d'utiliser du cannabis. Il en explique les raisons.
Malade, j'ai préféré le cannabis aux opiacés
Depuis plus d'un an je passe une bonne partie de ma vie dans des hôpitaux pour tenter de soigner une atteinte des nerfs crâniens. Cette atteinte génère une paralyse oculaire douloureuse, une diplopie (je vois double), une aphonie, de grosses difficultés pour avaler et des douleurs violentes.
Au début pour traiter la douleur, le staff médical m'a prescrit du di-antalvic. Ce mélange provoquait des vertiges et était inefficace pour combattre les douleurs oculaires.
Je suis alors passé au stade supérieur, le chlorhydrate de tramadol, un opiacé synthétique à libération prolongée. Ce médicament peut poser quelques soucis. Il ne provoquait chez moi que des problèmes de constipation, de bouche sèche et de sueurs.
Les douleurs continuant à augmenter, je suis passé à des antalgiques plus puissants, un mélange d'opium, de paracétamol et de caféine qui ont aggravé les effets secondaires décrits plus haut. De plus je me suis retrouvé dépendant et continuellement endormi, la caféine et les excellents articles de Rue89 n'y faisaient rien, je n'étais plus que l'ombre de mon ombre. Les douleurs étaient toujours là même si elles semblaient plus distantes, comme ma vie.
Aucune idée préconçue contre le fait de fumer un joint
Je me suis alors souvenu d'un article sur le cannabis et ses effets anti-douleurs. Des amis se sont proposés de m'en fournir en allant aux Pays-Bas, solution qui me plaisait plus que le petit fournisseur du coin. J'avais fumé dans ma jeunesse et je n'avais aucune idée préconçue contre le fait de fumer un joint de temps en temps.
Après mon premier joint, les douleurs ont diminué notablement. De plus le lendemain le soulagement continuait et me permettait même de récupérer un peu de mobilité oculaire. En toute discrétion, un des médecins qui me suivait a constaté l'amélioration, il en a été stupéfait.
La prise de cannabis m'a permis non seulement de diminuer grandement les douleurs et d'améliorer ma situation, mais a aussi réglé mon problème de dépendance à l'opium, a diminué fortement la constipation et me permet de dormir sans prendre de somnifère.
Seul problème : juste après avoir fumé j'ai des soucis de mémoire immédiate, je peux très bien avoir oublié le début de ma phrase quand j'en arrive à la fin. Pour éviter ce désagrément, je vais dormir après avoir fumé.
Depuis, je navigue entre les joints qui me soulagent grandement et les opiacés qui n'ont que peu d'effets sur les douleurs quand je ne peux pas me fournir en cannabis, ou lorsque je fais des examens médicaux pour éviter de fausser les symptômes (la méconnaissance des effets thérapeutiques du cannabis en France est telle qu'il vaut mieux prendre cette précaution).
Donc, messieurs et mesdames nos gouvernants : à quand la légalisation de cette plante nettement moins néfaste que l'opium et autres opiacés ?
► Cannabis médical - Du chanvre indien au THC de synthèse, de Michka (Mama éditions 2009, 272 pp., 15,5€)
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► Conversation (vidéo) avec Michka, sur le site de Cannabis sans frontière