La survenue d’une psychose apparaît aujourd’hui comme liée à
l’interaction entre des facteurs génétiques et des facteurs
environnementaux. Au-delà de ce lieu commun il est manifeste que
nous ne pouvons agir sur les premiers...
La survenue d’une psychose apparaît aujourd’hui comme liée à
l’interaction entre des facteurs génétiques et des facteurs
environnementaux. Au-delà de ce lieu commun il est manifeste que
nous ne pouvons agir sur les premiers, et que nous connaissons mal
les seconds. Les moyens de prévention de la schizophrénie sont
encore mal définis, et loin d’être efficaces.
La consommation de cannabis est un facteur de risque établi, et dont
il est possible de diminuer l’impact. Cependant le lien entre le
cannabis et la schizophrénie reste mal connu. On sait que tous les
consommateurs de cannabis ne vont pas développer une psychose, mais
on ne connaît pas les modes de consommation les plus à risque.
Un quart des psychotiques dans les quartiers sud de Londres
Marta Di Forti et al présentent dans Lancet Psychiatry une étude
cas-témoin menée au South London and Maudsley NHS Foundation Trust.
Tous les patients entre 18 et 65 ans (606 au total) ayant souffert
d’un premier épisode psychotique entre mai 2005 et mai 2011 devaient
remplir un questionnaire sur leur consommation de cannabis,
précisant la fréquence de consommation mais également le type de
cannabis consommé : « hash » ou « skunk ». La « skunk » est une
variété d’herbe se distinguant par une plus grande concentration de
tétra-hydrocannabinol (THC), le « principe actif » du cannabis,
responsable de ses effets psychotropes (15 % de THC contre 5 % pour
la résine de cannabis, ou « hash »). Les sujets témoins (389)
étaient recrutés par internet, la presse, et la distribution de
prospectus dans le même quartier. L’analyse porte sur 410
questionnaires complets de cas (une proportion particulièrement
élevée), et 370 de contrôles.
La proportion de sujet ayant déjà consommé du cannabis était
identique dans les deux groupes (67 % et 63 % respectivement, p =
0,227), mais les patients consommaient plus fréquemment du cannabis,
avec 30 % de consommation quotidienne contre 11 % dans le groupe
contrôle (p < 0,0001). Mais c’est surtout le mode de consommation
qui différait entre les deux groupes, avec 53 % de consommation de «
skunk » pour les patients, pour seulement 19 % pour les témoins (p <
0,0001). Dans une analyse multivariée, ajustée pour l’âge, le genre,
l’origine ethnique, la consommation d’autres substances, le niveau
d’éducation et l’emploi, les sujets ayant une consommation
quotidienne ou une consommation de « skunk » avaient 3 fois plus de
risque d’avoir un premier épisode psychotique (respectivement odds
ratio [OR] = 3,04 ; intervalle de confiance à 95 % [iC95] 1,91 –
7,76 et OR=2,91 ; IC95 1,52 – 3,60). Le risque de présenter un
premier épisode psychotique était de 5,40 pour les sujets consommant
quotidiennement de la skunk.
En supposant un lien de causalité, les auteurs estiment que 24 % des
cas (17,4 – 30,6 %) de premiers épisodes psychotiques dans cette
population seraient attribuables à la consommation de skunk.
Du cannabidiol oui, du THC, non !
Cette étude souffre bien entendu des nombreux biais inhérents aux
études rétrospectives, et mérite d’être confirmée au cours d’une
étude prospective. Les cas et les contrôles n’étaient pas identiques
en ce qui concerne le genre et l’origine ethnique. De plus la
population étudiée présente une consommation de cannabis et de skunk
supérieure à celle de la population générale.
Cette étude cas-témoin montre cependant ce que l’intuition mais
également des études expérimentales suggèrent : une consommation
importante et fréquente de THC est associée à un risque accru
d’entrée dans la psychose. La conclusion plus étonnante est «
l’innocuité » de la consommation de cannabis de type « hash » qui
n’est pas associée ici la psychose, quelle que soit la fréquence de
consommation. Les auteurs supposent que contrairement au « skunk »,
le « hash » contient du cannabidiol en plus du
tétra-hydrocannabinol, qui pourrait avoir des propriétés
antipsychotiques.
Ces données apportent des précisions intéressantes sur le risque de
psychose associé à la consommation de cannabis, et devraient
permettre de rendre plus efficace les efforts de prévention de la
psychose, en se concentrant sur les populations les plus à risque.
*Dr Alexandre Haroche*
Référence
Di Fiori M et coll. : Proportion of patients in south London with
first-episode psychosis attributable to use of high potency cannabis
: a case-control study. Lancet Psychiatry 2015,2: 233-238.
doi.org/10.1016/S2215-0366(14)00117-5
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