Organiser des tests de dépistage salivaire de consommation de cannabis dans les 470 lycées franciliens : à peine énoncée par la tête de liste des Républicains aux régionales en Ile-de-France, Valérie Pécresse, la proposition suscite l’opposition ou le scepticisme des représentants de lycéens et d’enseignants.
« La consommation de drogue a pour conséquence la démotivation, le décrochage et l’échec scolaire » fait valoir la candidate et ancienne ministre de l’enseignement supérieur, dans un entretien au Parisien. Partisane d’un « lycée sans drogue », elle propose la nomination, dans chaque établissement, d’un « référent addiction » qui aura pour mission d’alerter les élèves et leurs parents sur les dangers des psychotropes.
Mais la mesure phare est ce test de dépistage : il deviendrait obligatoire dans tous les établissements, une fois obtenu un vote positif du conseil d’administration. « Si un lycéen refuse, il sera considéré comme positif », prévient Valérie Pécresse, en direction de probables réfractaires. Seuls les élèves et leurs parents seraient informés des résultats des dépistages. Les chefs d’établissements n’auraient pour leur part accès qu’à des données statistiques. Si la proportion de consommateurs est considérée comme élevée par l’exécutif régional, un système de vidéosurveillance serait mis en place et la présence des forces de l’ordre renforcée aux abords des établissements.
« Surenchère populiste »
La méthode imaginée sied peu aux représentants des lycéens. « Lutter contre toute forme d’addiction est une priorité, nous sommes d’accord sur ce point », assure en préambule Naïm Shili, vice-président de l’Union nationale lycéenne. Mais le plan de Valérie Pécresse ne comprend que des éléments répressifs et sécuritaires. Cette opération tend à stigmatiser les lycéens, à créer des fractures entre les jeunes, les professeurs et le personnel administratif », critique-t-il.
Le plan antidrogue au lycée ne convainc pas les enseignants, et pas davantage les proviseurs franciliens. Laurent Escure, secrétaire général de l’Unsa éducation, y voit « une surenchère populiste et, qui plus est, irréaliste quant à sa mise en œuvre. » Du côté des proviseurs, le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), principal syndicat de la profession, refuse de commenter les programmes des candidats. En « off », les patrons d’établissement sont plus prolixes et soulignent un plan déconnecté de la réalité du terrain. Quant à la faisabilité juridique, elle apparaît également incertaine : « Actuellement, rien dans la loi ne permet ce type de dépistage sur des mineurs », fait valoir l’avocate de l’association La Voix de l’enfant, Me Isabelle Thieuleux, dans les colonnes du Parisien.
En direction des lycées, le programme de la candidate contient toutefois d’autres points, comme l’accès de 10 000 logements sociaux aux enseignants afin de leur permettre de s’établir sur le territoire, la mise en place de soutiens scolaires le soir et durant les vacances pour les lycéens et le rapprochement des entreprises et des lycées à travers des rencontres et des stages.
Quant au plan de dépistage salivaire, Mme Pécresse l’a emprunté à son collègue Eric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes, signataire, en 2014, d’une proposition de loi allant dans ce sens. Celle-ci n’avait pas été retenue.
Par Eric Nunès