La France va-t-elle rester le dernier pays dans l'Union européenne, avec la Suède, à réprimer officiellement la consommation simple de cannabis? La question est posée depuis que Nicolas Sarkozy a proposé le 23 avril 2003 la création d'une «échelle de sanctions adaptées» qui permettent de «punir réellement et rapidement les mineurs qui consomment occasionnellement du cannabis et de l'ecstasy». Tout se passe ces derniers temps comme si l'on cherchait à verrouiller tout véritable débat sur la pénalisation elle-même : ici on se focalise sur les usages excessifs, là on souligne les dangers de l'ivresse cannabique au volant et le risque cancérigène d'un usage immodéré… Si toutes ces questions sont importantes, on aimerait qu'elles ne servent pas à empêcher une réflexion stratégique globale sur les drogues.
Source : Toxico Québec
[src align=left w=115 h=82]https://sophie.typepad.com/sophildeleau/Sarkozy-thumb.jpg[/img]Et pourtant, après 30 ans de politique prohibitionniste et de répression, malgré l'augmentation vertigineuse des interpellations d'usagers, la consommation de cannabis est largement banalisée. Il ressort par exemple de l'étude «ESPAD» (1999) que 47 % des 18-25 ans l'aurait expérimenté en France. Et l'étude «ESCAPAD», qui reposait sur un questionnaire auto-administré proposé à tous les jeunes présents lors des deux journées de "préparation à la défense", montre que plus de la moitié des garçons (et 41% des filles) déclarait avoir déjà fumé du cannabis à l'âge de 17 et 18 ans.
A ce niveau de banalisation, la question peut-elle être de prévoir de «meilleures sanctions» pour réprimer effectivement ou doit-on discuter de nouvelles stratégies des politiques publiques pour prévenir l'usage et réduire les risques?
Au lieu d'envisager une refonte globale de la politique des drogues, on entend confirmer la logique d'hier et procéder à quelques ajustements : la loi de 1970, qui assimile usagers, revendeurs et trafiquants et leur fait encourir les mêmes peines, serait modifiée, mais pour mieux sanctionner. Les propositions concrètes du ministre de l'Intérieur, qui avait notamment évoqué des sanctions du type confiscation du scooter ou du téléphone portable, semblent avoir été mises de côté, mais le gouvernement semble s'orienter désormais vers un système de contravention.
Punir les pauvres
Voilà donc ce qu'on envisage : ponctionner au porte-monnaie les jeunes et leurs parents (quant il s'agit de mineurs), sanction qui pénalisera principalement les moins argentés, les plus riches acquittant leurs amendes comme de simples redevances. L'inégalité actuelle devant les services de police - la répression est déjà tournée principalement vers les jeunes des quartiers populaires - se doublera de l'inégalité de moyens devant la sanction financière. Personne ne peut penser qu'un tel dispositif sera efficace en terme de santé publique : il s'agit donc de faire de l'usager un usager rentable. C'est beau le progrès !
Effets contre productifs assurés
Le ministère de l'Intérieur devrait s'interroger sur l'encouragement à la petite délinquance que constituerait un tel dispositif, pour des milliers de jeunes déjà proches des systèmes d'économie informelle et de débrouille. Et ceux qui, logiquement, estiment préférable que la prison ne soit plus une sanction possible pour l'usage de stupéfiants devraient immédiatement se soucier de l'instauration d'un tel dispositif, monumental par le nombre de personnes qu'il concerne potentiellement.
Autre problème grave : dans la logique d'un système de contravention où la récidive serait pénalisée, un fichage nominatif systématique des infractions à la législation sur les stupéfiants, avec liste des amendes, s'impose. Est-il souhaitable, dans un pays démocratique, de généraliser les systèmes de fichage ?
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