L'ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères, partisan d'une approche pragmatique dans la lutte contre la toxicomanie
REUTERS/Alessandro Bianchi
Dans un livre, l'ancien ministre et quatre autres spécialistes prennent position au nom de la réduction des risques.
Il s'y sont mis à cinq. Cinq experts du sujet, avec Bernard Kouchner comme tête d'affiche, réunis sur le papier afin d'apporter leur tribut aux débats toujours aussi vif autour de la légalisation du cannabis. Ces cinq-là sont clairement pour : aux côtés de l'ex-ministre et cofondateur de Médecins sans frontière et de Médecins du Monde, les addictologues William Lowenstein, Jean-Pierre Daulouède, Bertrand Leibovici, ainsi que le cardiologue et ancien président de Médecins du Monde, Patrick Aeberhard. La petite bande - ils se connaissent tous très bien - raconte dans Toxic (Odile Jacob) son long combat pour une meilleure prise en charge des toxicomanes. Des toxicomanes qui, dans l'esprit de la loi de 1970 - inchangée à ce jour - ont longtemps été considérés comme des délinquants et soumis à l'injonction de se sevrer.
Il aura fallu des décennies, et l'investissement passionné de ces cinq médecins aux côtés d'autres professionnels "engagés", pour que la France adopte une conception moins moralisatrice et plus pragmatique du problème : puisque la drogue est un fléau dont on ne parvient à se défaire ni à coups de grands principes ni au moyen de législations prohibitionnistes, autant prévenir et limiter ses effets létaux en traitant les consommateurs comme des malades dignes de soin. "Nous pensions qu'il fallait avant tout [les] aider à rester en vie, écrit Bernard Kouchner et ses confrères. A échapper au sida, aux hépatites, aux overdoses."
afp.com/ALAIN JOCARD
Si cette stratégie de réduction des risques a fini par s'imposer après bien des résistances, c'est en effet en raison de l'épidémie du VIH, notamment, qui a conduit la ministre de la Santé Michèle Barzach, membre d'un gouvernement de droite (Jacques Chirac) à autoriser la vente libre de seringues dans les pharmacies, en 1987. Il s'agissait de limiter au plus vite les contaminations du virus entre toxicomanes. La méthadone, traitement de substitution aux opiacés - l'héroïne et ses dérivés - a été autorisée en 1995. "Pour les autres drogues, il n'y a pas d'autre solution que le sevrage et les traitements psychothérapeutiques", rappellent les auteurs.
Une régulation protectrice
Près de 80% des usagers d'opiacés reçoivent aujourd'hui un traitement. Avec 343 overdoses en 2015, pour 2500 au Royaume-Uni et plus de 1000 en Allemagne, d'après l'Agence nationale de sécurité du médicament, la France "fait donc mieux que ses voisins", se félicitent les cinq compères. Lesquels alertent, néanmoins, sur le fléau des overdoses aux opioïdes - des molécules contenues dans l'opium, présentes entres autres dans la morphine et la codéine, elles-mêmes à la base de médicaments anti-douleurs auxquels les patients deviennent accros.
C'est toujours en vertu de leur logique de "réduction des risques" que Bernard Kouchner, William Lowenstein et leurs trois autres co-auteurs en appellent à une légalisation du cannabis, tout en prenant soin de préciser qu'ils ne font la promotion d'aucune drogue. Leur argument est connu : le cannabis étant de plus en plus répandu chez les jeunes, et consommé par 3,5 millions de Français à l'échelle du pays, la politique actuelle de prohibition aboutit à une impasse. Il serait plus utile, estiment-ils, de mettre en place un système de régulation permettant de protéger les plus faibles, dont les ados. Le gouvernement n'est pas sourd à toute évolution : il a annoncé l'instauration d'une contravention - le consommateur pris en flagrant délit écoperait d'une amende de 300 euros -, mais pour les auteurs de Toxic, cette mesure n'est qu'un pis-aller, inefficace, de surcroît.
Selon eux, seule la légalisation permettrait d'encadrer la production, la vente et la consommation, comme pour le tabac et l'alcool. Le trafic - estimé à un million d'euros annuel par l'Insee - s'en trouverait lourdement entravé, et la qualité des substances consommées, enfin contrôlée. Dans un monde parfait, la drogue n'existe pas. Dans le nôtre, elle résiste à la prohibition et fait des ravages. On peut vouloir masquer cette réalité parce qu'elle effraie. Mais elle n'en demeure pas moins la réalité. Que l'on opte ou non pour la légalisation, il est grand temps de mettre tous les arguments sur la table. Le livre de Bernard Kouchner et ses confrères incite à le faire.
source : https://www.lexpress.fr/actualite/kouchner-dit-oui-a-la-legalisation-du-cannabis_2013589.html
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• La ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui n’était jusque-là pas très favorable au cannabis médical, a annoncé jeudi qu’elle ouvrait le débat. Quelle est votre position sur le sujet ?
Je suis complètement favorable à l’expérimentation de la culture et de l’exploitation du cannabis à des fins thérapeutiques. C’est clair et net. J’en ai discuté avec la ministre de la Santé, avec le Premier ministre et avec les services du Président. Je soutiens Éric Correia dans son initiative. Et j’essaye de faire en sorte qu’on arrive à le mettre en place assez rapidement au niveau du département.
• Le premier argument pour développer le cannabis thérapeutique, c’est de soulager les malades. Y êtes-vous sensible ?
C’est la base. Si j’y suis favorable, ce n’est pas d’un point de vue purement économique. C’est d’abord pour soulager un certain nombre de patients qui sont aujourd’hui dans une situation d’impasse ou qu’on bourre de médicaments qui sont beaucoup plus nocifs et qui provoquent des dépendances beaucoup plus importantes que pourrait faire le cannabis thérapeutique.
Santé. Agnès Buzyn ouvre la porte au cannabis thérapeutique
• Ce projet pourrait être une piste pour créer de l’emploi en Creuse, pour trouver une nouvelle dynamique ?
Bien sûr. Ça permet aux agriculteurs d’avoir une source de diversification et d’avoir une source de revenus différente de celle qui est aujourd’hui principalement centrée sur l’élevage. D’autre part, ça permet ensuite de créer l’ensemble de la filière, avec des usines de traitement et de fabrication des différents produits.
C’est un des projets qui peut permettre de créer une activité économique dans le département, mais ça n’est pas le seul.
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse
• Concrètement, peut-il y avoir une exception pour que cette culture soit expérimentée en Creuse ? La Constitution le permet ?
Oui, une expérimentation est possible. Aujourd’hui, la culture est déjà possible. Pas en Creuse mais ailleurs, il y a des gens qui le cultivent et qui le vendent à l’étranger, en Suisse notamment, dans des usines qui transforment.
Là, ça serait juste autoriser, en l’encadrant bien évidemment, une filière complète à se mettre en place en France, plutôt que de l’exporter en Suisse et qu’après, derrière, ça revienne de façon plus ou moins légale.
• Vous avez parlé de ce projet aux ministres. Ils vous semblent réceptifs ?
Agnès Buzyn, au départ, était assez défavorable. Aujourd’hui, sa position a considérablement évolué. Oui, les ministres sont réceptifs. Après, c’est à nous d’embrayer et d’aller plus loin. J’aurai une discussion à ce sujet très prochainement avec le président de la République.
• Cette expérimentation pourrait se faire à quelle échéance en Creuse ?
Il faut trouver les investisseurs qui vont venir construire l’usine, car ça ne sera pas une usine d’État. Il faut aussi trouver le cadre juridique. Ça peut se faire d’ici un an. Je pense qu’Éric Correia a rencontré quelques investisseurs. Moi, j’ai eu deux ou trois contacts, je dois les rencontrer dans l’été.
• Le Plan particulier pour la Creuse peut-il donner un coup d’accélérateur ?
Tout à fait. Ça peut en faire partie, avec des allègements de charges éventuels pour une entreprise qui viendrait s’installer dans ce cadre-là, qui viendrait créer des emplois dans le département.
Si nos responsables politiques n’ont jamais de mots assez forts pour évoquer le cannabis en employant des termes aussi graves qu'inappropriés tel que « fléau », comment qualifieraient-ils alors l’alcool ou le tabac, responsables à eux seuls de près de 100000 décès par an en France, sans parler des violences routières, sociales ou familiales générées par le premier ?
La stratégie de la peur adoptée par tous les gouvernements depuis le vote de la loi du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants, n’est pas seulement une erreur mais une énorme duperie, et sans doute la démonstration de leur incompétence.
Depuis plus d’un quart de siècle, le CIRC s’emploie à dénoncer ces vils mensonges et toutes ces contre-vérités enfumant les Français sur la question de la politique des drogues.
Le constat est pourtant sans appel, la prohibition constitue bien l’un des plus terribles échecs du Droit national et international. Il n’est pas une journée sans que des faits viennent nous le rappeler.
Le dernier en date, c’est cette « fusillade » en plein cœur d’une cité marseillaise ce mardi, durant laquelle des policiers ont été mis en joue et intimidés par des individus munis d’armes lourdes alors que probablement se déroulait une transaction « stupéfiantes ».
En persistant à abandonner aux réseaux criminels un juteux marché, l’État et la plupart de nos politiques se rendent toujours plus complices de ceux-ci. À l’insécurité de la population riveraine, s’ajoute celle des usagers pris entre l’étau État/crime organisé, le premier s’apprêtant à institutionnaliser leur racket à l’aide d’amendes forfaitaires, et le second en se réjouissant sans doute des bonnes affaires à venir en l’absence de légalisation du marché.
La France est en marche… sur la tête, alors que l’heure semble bien à une profonde réforme du statut du cannabis. Tandis que la plupart de nos voisins se préparent économiquement à sa régulation récréative et thérapeutique, notre pays prend du retard en criminalisant toujours plus une population – la jeunesse – qu’il prétend par ailleurs vouloir protéger. Retard qu’il aura beaucoup de mal à combler.
Et ça n’est pas le nouveau discours confus dominant emmené par une certaine « addictocratie » toujours plus influente, qui permettra d’apaiser un contexte où l’hystérie côtoie la démagogie.
L’évidence est pourtant là : malgré une répression acharnée et une propagande éhonté, le cannabis est bien la plus populaire des drogues illicites et probablement la moins nocive dès lors qu’on en maîtrise l’usage en adoptant par exemple un mode de consommation à moindre risque tel que la vaporisation.
La vérité réside aussi dans le fait que son usage est désormais parfaitement intégré dans nos mœurs et que sa légalisation, inéluctable, finira bel et bien par s’imposer dans notre pays. L’opinion publique n’y est plus aussi formellement opposée que par le passé, d’autant plus qu’elle est acquise désormais à la prescription thérapeutique du cannabis annoncée voici quatre ans par le gouvernement précédent mais cependant inopérante depuis lors, au grand dame de milliers de patient(e)s que la plante pourrait soulager.
La politique pour les villes « est aussi vieille que moi » déclarait M. Emmanuel Macron hier, à l’occasion de sa récente intervention sur les « quartiers sensibles », ajoutant ensuite : « Pourquoi est-ce qu'on n'essaye pas d'écouter ceux qui savent ? »
Le CIRC prend acte de ces propos en invitant le Président de la République à également reconsidérer la loi du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants de 8 ans son aînée et à effectivement écouter ceux qui savent et qui réclament la tenue d’un vrai débat sur la question, les professionnels de la réduction des risques liés à l’abus de drogues, mais aussi les sociologues, les économistes… et les associations d’usagers ou citoyennes œuvrant pour une décriminalisation du cannabis.
Mais le leader de La République en Marche semble opter, comme ses prédécesseurs, pour un énième « plan de mobilisation générale » contre les trafics internationaux de drogues, soufflé sans doute par son ministre de l’Intérieur, M. Gérard Collomb, auquel la mémoire semble manquer. Ne croisait-il pas il y a quelques temps encore, des ami(e)s cannabinophiles à l’occasion de rencontres de sympathisant(e)s socialistes lyonnais(es) ? Nous n’en dirons pas plus…
Nous attendons donc avec impatience, l’annonce de ces « nouvelles mesures anti-drogues ». S’agira-t-il de répondre aux demandes sécuritaires de certain(e)s élu(e)s appelant à la mobilisation de l’armée dans les quartiers touchés par le trafic ? D’appliquer enfin la loi en incarcérant les usagers ? De « mettre le paquet » en terme de moyens humains et financiers ?
La vérité est que jamais les autorités ne pourront rivaliser avec ceux des réseaux criminels. Le budget consacré par l’État à ce phénomène ne pourra jamais atteindre celui des profits considérables que représente le trafic de stupéfiants.
Une fois de plus, nos responsables politiques nous mènent dans une impasse avec au bout un mur, mou, dans lequel toute la société française s’enfonce doucement depuis un demi-siècle.
Et pendant ce temps s’enrichissent les mafias, produisant une économie souterraine s’infiltrant toujours plus dans l’économie réelle, corrompant les institutions bancaires et politiques. Policières aussi, car il faut que des yeux se ferment parfois, pour laisser entrer les marchandises illicites…
Il n’y a de procès d’intention que si l’intention est bonne…
Le constat d’échec de la prohibition ne semble pas cependant émouvoir grand-monde. L’absence de résultats, pire, ses conséquences désastreuses qui susciteraient, sur d’autres sujets, de vives polémiques, n’inquiètent personnes. Qui s’interroge actuellement sur le fait que la montée en puissance des réseaux criminels trouve ses origines dans le dispositif lui-même ? Qui ose alors dénoncer ses partisans comme autant d’alliés objectifs de ces mafias ?
Il ne faudra sans doute pas beaucoup de temps pour juger de l’affligeante médiocrité des mesures à venir, de l’ignorance crasse du gouvernement et de son mépris total vis à vis de plusieurs millions de cannabinophiles que la loi criminalise inutilement, usagers récréatifs, mais aussi et surtout thérapeutiques.
Les mesures les plus à même de répondre à la délicate situation des quartiers populaires sont la sortie du cannabis du tableau des stupéfiants suivie par l’adoption d’une régulation pure et simple de la filière récréative et thérapeutique en intégrant les acteurs actuels, cannabiculteurs, importateurs et revendeurs, en tout cas celles et ceux n’étant pas impliqué(e)s dans des crimes de sang.
Le désordre imputé aux drogues est le fruit de l’interdiction. Contrairement à ce que répandent les prohibitionnistes, nous ne pouvons spéculer sur ce que produirait une légalisation, mais au regard de ce que nous connaissons aujourd’hui, il est certain que ça ne pourrait pas être pire. Cela relève du bon sens.
#AmendeForfaitaireNonMerci #StopLaProhibition
Fédération des CIRC
Il y a eu 9 morts depuis le début de l’année à Marseille. Il y a une mutation entre un banditisme organisé et le banditisme des cités, qui s’organise en ce moment, selon Patrick Mennucci.
L'arrivée de 60 policiers de plus, "ça ne règlera pas la question".
Environ 1.300 personnes ont défilé samedi dans les rues de la capitale pour défendre la dépénalisation du cannabis en France.
Dans le cortège se trouvaient de nombreux jeunes mais aussi
des militants plus âgés.@ Thomas SAMSON / AFP
Quelque 1.300 personnes, selon la police, ont défilé samedi à Paris pour la dépénalisation du cannabis en France, qui "reste bloquée" alors que, pour les organisateurs, "les autres pays n'ont jamais autant avancé" sur ce dossier.
"Un discours abominable qui empêche une vraie prévention".
Dans une ambiance festive, derrière un bus à impériale diffusant rap, reggae et techno, le cortège, dans lequel se trouvaient de nombreux jeunes mais aussi des militants plus âgés, est parti peu après 15 heures de la Bastille pour rallier la place de la République. "On entend en France un discours abominable qui empêche une vraie prévention" des effets néfastes de l'usage du cannabis, "même des policiers en ont marre de cette chasse à la boulette", a déclaré à l'AFP Farid Ghehiouèche, un des organisateurs de la marche et cofondateur de Cannabis sans frontières. "Légaliser, ce n'est pas inciter les gens à prendre plus de drogue, au contraire", a-t-il ajouté.
"Les autres pays n'ont jamais autant avancé. La France, elle, reste bloquée", déplore Cannabis sans frontières sur son site internet. Comme chaque année, la sénatrice écologiste Esther Benbassa, ceinte de son écharpe tricolore, est venue apporter son soutien à la "Cannaparade", déclinaison parisienne d'une marche organisée dans plusieurs autres grandes villes du monde. "Je n'ai jamais consommé mais je pense qu'aujourd'hui, dans un pays démocratique et moderne, l'usage du cannabis récréatif ne devrait pas être puni", a-t-elle expliqué. "À cause de ce tabou, on ne légalise pas le cannabis thérapeutique dont des milliers de personnes ont besoin", a-t-elle regretté.
L'amende prévue "n'est absolument pas la dépénalisation".
Quant à "l'amende délictuelle" de 300 euros pour usage de stupéfiants que le gouvernement prévoit d'instaurer, "ce n'est absolument pas la dépénalisation", a estimé la sénatrice, qui y voit une "inégalité de traitement" entre "ceux qui pourront payer" et "ceux qui ne le pourront pas et subiront les aléas d'un jugement". Le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé la légalisation du cannabis au cours de l'été prochain au Canada, cinq ans après l'Uruguay, premier pays à l'avoir fait, alors que plusieurs États permettent un usage thérapeutique de ce produit.
Source: europe1.fr
A Lyon, «Collomb, il en connaît pourtant des fumeurs»
Photo Frankie et Nikkie
Pour la 17e édition de la Cannaparade, ce samedi, les fumeurs lyonnais ont grillé l'hypocrisie du ministre de l'Intérieur quant à la pénalisation de l'usage du cannabis.
«Gérard Collomb, hypocrite !», scande un homme dans un micro, devant un petit sound system monté sur un triporteur. Autour de lui, une centaine de personnes brandissent des pancartes ornées de quelques feuilles de cannabis et de slogans appelant à sa légalisation. La play-list enchaîne les classiques un brin surannés : la Main verte de Tryo, la Fille du coupeur de joint de Thiéfaine, Clandestino de Manu Chao, Kaya et Legalize It de Bob Marley...
Amende forfaitaire
Ce samedi, à l’occasion de la 17e édition de la Cannaparade, les manifestants lyonnais n’ont pas manqué d’étriller le ministre de l’Intérieur, ex-maire de la ville, dont le parti au pouvoir ne semble pas prêt à rompre avec des décennies de prohibition. «Collomb, il en connaît pourtant des fumeurs. Dans la petite équipe qui l’a aidé à devenir maire de Lyon, un certain nombre faisait tourner des joints en soirée. Quand il a été élu, il nous a laissé organiser en paix l’appel du 18-Joint. Maintenant qu’il est ministre, on attend de lui autre chose que des contraventions. Cette nouvelle amende, on ne voit vraiment pas à quoi ça va servir», juge Jérôme Expuesto, membre du Collectif d’information et de recherche cannabique (Circ) de Lyon.
Le gouvernement s’est en effet déclaré favorable à la proposition du député LREM Eric Pouillat d’infliger une amende forfaitaire de 300 euros pour punir l’usage de cannabis. «Une mesurette marginale plutôt qu’une réforme véritable et cohérente afin d’éviter tout procès en laxisme», dénonce le communiqué du Circ. «C’est une connerie de plus, considère Christian Tharel, membre du collectif. Encourager la chasse aux fumeurs, ça ne règle rien, la police et la justice s’en voient déjà pour arrêter les petits et les grands trafiquants, ils ont autre chose à faire.» Sebastian, 23 ans, «étudiant travailleur», partage ce constat : «Cette substance est mal gérée en France, alors qu’elle n’est pas dangereuse pour la société, rien à voir avec les problèmes liés à l’alcool. Pourtant, pour consommer, on doit accéder à des marchés illégaux.»
Désobéissance civile
Les fumeurs en pétard souhaitent promouvoir une chaîne économique viable : «Il faut autoriser l’autoproduction et faciliter la production et la revente, en faisant payer aux producteurs une espèce de patente pour qu’ils puissent fournir une coopérative, avec une certification bio ou garantissant un taux de THC convenable, explique Christian Tharel. C’est ça qui permettra la revente aux particuliers avec un maximum d’informations, de prévention, de réduction des risques. La prohibition empêche de se pencher réellement sur les enjeux de santé publique. »
«Nous, on est prêts à payer des taxes, à donner de l’argent à des institutions pour qu’elles gèrent cet accompagnement», affirme en écho Jérôme Expuesto. Une prise en charge devenue plus qu’urgente en matière d’usage thérapeutique, souligne Dominique Loumachi, militant emblématique de cette cause, présent dans la manifestation lyonnaise. «Pour nous les malades, dit l’homme atteint d’une myopathie, la désobéissance civile est un devoir, le devoir de vivre et de lutter contre les associations de malfaiteurs que sont les pharmacopées légales.» Le cortège progresse vers l’hôtel de ville, son terminus. Suite du programme ? «Dispersion, tranquillement», dit un habitué de cette marche annuelle. Sourire : «On n’est pas des délinquants.»
Par Maïté Darnault, Correspondante à Lyon
Source: liberation.fr
C'est un sujet sensible, pour ne pas dire tabou en France : le cannabis thérapeutique. Cette fois, c'est la Creuse qui demande à l'État de pouvoir faire pousser ce type de plantes, comme cela se fait dans une quarantaine de pays. "Il est intéressant de pouvoir bénéficier du cannabis thérapeutique et médicinal", explique le professeur Michel Raynaud, chef du service addictologie à l'hôpital Paul Brousse de Villejuif près de Paris.
Professeur Michel Reynaud, psychiatre, addictologue président du Fonds Actions Addictions
"Le cannabis médicinal est censé être tout à fait encadré", précise-t-il toutefois. Pour Michel Raynaud, il faut effectivement "voir qu'est-ce qu'il peut y avoir d'utile" et "de positif" à la plantation de cannabis en Creuse, mais aussi "quels sont les méfaits et "les dommages" de cette plante.
Une "réflexion complexe" explique le professeur, qui "devrait être abordée sereinement". Toutefois, il est scientifiquement prouvé que l'une des molécules du cannabis est utile pour soulager certains patients. "Il n'y a aucun doute, le cannabis, au-delà de ses effets psychotropes qui peuvent poser des problèmes, amener une dépendance (...), a d'autres molécules et ces autres molécules peuvent avoir des effets thérapeutiques", confirme Michel Raynaud.
Ces molécules peuvent notamment être "utiles dans les contractures de la sclérose en plaques, dans les amaigrissements du Sida ou du cancer, comme antalgique dans les douleurs terminales, mais aussi plus banalement dans les douleurs de l'arthrose, qu'il peut ouvrir l'appétit. On a montré qu'il était efficace dans certaines formes d'épilepsie", détaille le professeur. Et de conclure : "c'est souvent un produit qui accompagne, qui est utile et qui soulage un certain nombre de symptômes".
Source: rtl.fr
Sans attendre les autorisations, des agriculteurs de la Creuse se sont lancés dans la production de chanvre pour un usage médicinal.
Photo: Marien, agriculteur à Evaux-les-Bains dans la Creuse, plante
du chanvre depuis plusieurs années. LP/Olivier Corsan
Un champ qui s’étire en contrebas d’une ferme, jusqu’à une prairie bordée de chênes, d’aubépines et de frênes. C’est là, sur un hectare, au milieu de la Creuse, que pourrait voir le jour la première production de cannabis thérapeutique en France. « S’il pleut, dans quelques jours, les pousses sortiront, j’ai hâte », sourit Marien, solide gaillard de 30 ans au regard bleu transparent.
La variété qu’il vient de semer est la même que celle qu’il cultive d’habitude. Elle est quasiment sans THC, son principe actif du cannabis. D’ordinaire, il transforme les tiges en isolant thermique, les graines en huile alimentaire bio. Cette fois, il gardera seulement les fleurs, qui écloront cet été. Elles contiennent du CBD, substance utilisée dans la fabrication de médicaments vendus à l’étranger. Marien compte les vendre sous forme de tisane aux propriétés calmantes.
Pas question de louper le nouveau marché du «pétrole vert»
Est-ce bien légal alors que la Creuse n’a pas encore reçu l’autorisation de mener l’expérimentation ? Le garçon fait la moue, hésite. « La loi n’interdit pas le CBD, pour autant elle ne l’autorise pas, c’est flou. Ce qui serait bien, c’est qu’on obtienne vite cette dérogation. Le gouvernement devrait se bouger, le département attend, faisons sauter les barrières. » Lui a préféré lever la première. Pas question de louper le nouveau marché du « pétrole vert ». La demande est là. Il y a deux jours, des entrepreneurs suisses, intéressés, l’ont même contacté pour savoir s’il vendait des fleurs.
« Avec un hectare, on pourrait faire vivre une famille », calcule-t-il. Bien loin de la triste réalité actuelle. En 2012, l’agriculteur, dessinateur industriel de formation, a racheté ce corps de ferme au bout d’un chemin verdoyant. Quatre-vingts hectares de blé, tournesol, sarrasin et vingt-trois hectares de chanvre. Il en plante tous les ans depuis cinq ans. « Tu te tires un smic, toi ? », lance-t-il à Mathieu, son copain agriculteur et éleveur de volailles bio. « Pas encore », rétorque-t-il. « Moi non plus. »
Il reprend : « Aujourd’hui, nos cultures ne nous permettent pas de nous payer. » Plus frileux, Mathieu, lui, préfère avoir le feu vert de l’Etat avant de se lancer. « L’idée de remplacer des traitements lourds par du chanvre thérapeutique m’emballe aussi. » Alors il patientera, comme Théodore. C’est à une cinquantaine de kilomètres plus loin que l’on retrouve ce biochimiste de formation, 38 ans, devenu agriculteur et producteur de fromage de chèvres à Chavanat, sur ses terres natales.
Théodore, agriculteur et producteur de fromage de chèvres à Chavanat, a déjà planté du chanvre alimentaire il y a quatre ans. LP/Olivier Corsan
En contrebas d’une route, comme oubliée des hommes, plusieurs granges surgissent au milieu de la végétation. Cet écologiste à la barbichette et cheveux ébouriffés a déjà planté du chanvre alimentaire il y a quatre ans. L’idée de faire du CBD le botte. « Le chanvre fait partie de la pharmacopée ancestrale, on a sûrement un savoir-faire à retrouver. » Mais à certaines conditions.
«Le chanvre fait partie de la pharmacopée ancestrale»
Théodore voudrait vendre ses fleurs sur un stand d’herboristerie au marché. Un plus avec le fromage de chèvres. Car pour lui, pas question d’enrichir les labos. « Si c’est pour qu’ils en fassent des médocs, ça ne me dit rien. »
Son voisin Johann, à dizaines de kilomètres de là, a moins de scrupules. Produire du CBD, cet ingénieur en technique végétale en rêve jour et nuit. « Il y a un hangar là-bas de 2000 m² que la mairie veut vendre. Je veux le louer et faire pousser à l’intérieur du cannabis thérapeutique si on a la dérogation ! Ça veut dire une production à l’année », s’enthousiasme le trentenaire, casquette noire vissée sur la tête, tatouage le long des bras. Dans son salon, entouré de ses deux chiens, il parle fort. S’en excuse : « Désolé, je suis à fond. Je veux que la Creuse devienne la vitrine du savoir faire français sur le chanvre thérapeutique. On est prêt. »
Par Elsa Mari, envoyée spéciale à Evaux-les-Bains (Creuse)
Source: leparisien.fr
IL EST TEMPS DE VIVRE NATURELLEMENT…
Vous êtes nombreux ces derniers temps à nous poser des questions sur ce qui se passe : comment faire sa boutique chanvre ? Peut-on vendre de la fleur de chanvre ? C’est l’arnaque le CBD ?
Il est donc temps d’y voir un peu plus clair.
Mettons les choses à plat. Première certitude : nous n’avons pas de certitude ! Nous avançons à tâtons, explorons de nouvelles failles et qui vivra verra !
Notre deuxième et dernière certitude : Si on ne bouge pas et bien on peut encore attendre longtemps ! Donc n’hésitez plus, lancez-vous ! On retiendra de vous que vous étiez parmi les précurseurs.
Pour prétendre faire partie de l’aventure, il faut d’abord s’assurer avoir suffisamment de connaissances sur le cannabis, chanvre indien en vrai français. Il sera ensuite très facile de comprendre ce qui va suivre.
Chanvre en stock
Pendant longtemps, on a cru que le changement de législation pour le cannabis interviendrait grâce à son utilisation thérapeutique. Et c’est certainement vrai ! Mais il ne faut pas oublier non plus le chanvre global, qui nous ouvre aujourd’hui de nouvelles portes.
Tout commence par une astuce trouvée par nos amis et voisins européens : L’Europe, et la France en particulier, autorise un chanvre ne dépassant pas 0.20 % de THC. D’autre part, il apparait que certaines variétés de cannabis produisent peu de THC mais pas mal de CBD. Or, cette molécule du cannabis est susceptible d’être utilisée sur un plan paramédical.
Bingo ! Il n’en fallait pas plus pour se dire qu’on allait faire pousser du cannabis légal ne dépassant pas 0.20 % de THC mais dans l’objectif déclaré de produire du CBD. Alors certes, notre pays est toujours très incertain, mais il a bien été obligé de reconnaître que les produits à base de CBD, les e-liquides en particulier, ne sont pas des stupéfiants !
Attention cependant ! Certaines variétés de cannabis dîtes à CBD proposées par nos voisins ne sont pas toutes autorisées sur le sol français. En effet, certaines législations (comme en Suisse) sont plus souples et il n’est pas rare de trouver des variétés qui dépassent 0.20 % de THC. Il faut donc faire très attention lorsqu’on souhaite se procurer ce type de variétés.
Alors quel rapport entre les variétés de cannabis à CBD et le chanvre tel qu’il est cultivé en France de manière légale et industrielle ? Et bien tout simplement que parmi les variétés de chanvre autorisées en France, il y en a avec un potentiel de CBD non négligeable ! La Fédora 17 ou la Futura 75 sont des exemples… Précisons au passage qu’après la Chine, la France est le plus gros producteur mondial de chanvre !
Il n’y a donc aucune tare à devenir un agriculteur chanvrier français…
Voilà une représentation graphique des variétés Fédora 17 et Futura 75 :
Faire sa boutique
Alors beaucoup se disent : « Cool, j’ouvre ma boutique, on va fumer du CBD ! » Attention, les choses ne sont pas si simples. En théorie, la fleur de chanvre ou autres produits dérivés (pollen par exemple) à moins de 0.20 % de THC étant « légal », rien ne vous empêcherait de vous procurer ces produits pour les revendre selon les règles de commerce les plus classiques. Mais en théorie seulement, car même si ce genre de boutique commence à ouvrir, rien ne garantie leur pérennité. On peut même dire qu’il est possible de les accuser de faire la promotion du cannabis à l’instar des Grow Shop dont les ennuis judiciaires récents nous rappellent que la prohibition française à plusieurs cordes à son arc. Car même si on ne trouve pas de cannabis ou de THC dans les Grow Shop, il devient facile, en France, de les accuser de faire l’apologie de la production de drogue. Et puis, quelle légitimité ont-ils à vendre des produits destinés aux professionnels agricoles ?
Selon notre point de vue, il est donc trop risqué et même inapproprié au début de vouloir créer sa boutique selon le régime classique des auto-entrepreneurs via la Chambre de commerce et d’industrie. Mais rien ne vous empêche d’essayer… Nous vous conseillons alors de vous blinder juridiquement parlant. Une autre approche, plus originale, consiste à devenir agriculteur, producteur d’épices et de plantes aromatiques et thérapeutiques. Avec ce statut, vous avez la possibilité d’ouvrir une vraie boutique commerçante sous certaines conditions. Nous y reviendrons. Mais avant, vous devez être capable de répondre favorablement à la question suivante : Suis-je prêt et compétent pour devenir chanvrier et planter mon chanvre ?
L’aventure peut sembler compliquée et hasardeuse, mais elle est assez simple en réalité. Une solution très facile consiste en un arrangement avec un chanvrier déjà existant. Il s’agit alors de se déclarer récoltant solidaire de son champ pour prétendre pouvoir exploiter le chanvre issus de ce champ. Tout bête. Vous pouvez aussi décider de créer votre propre exploitation, même si vous n’avez pas de champ à exploiter, la procédure prévoyant certainement le cas des exploitants en culture indoor (???). Dans les deux cas, rendez-vous sur le site de la Chambre d’agriculture de votre département, trouvez la rubrique CFE (gestion de l’exploitation) et vous y trouvez en principe tous les documents nécessaires en téléchargement. Selon votre situation, vous devrez peut-être choisir un autre formulaire, mais dans les cas qui nous intéressent, c’est le formulaire P0-Déclaration de création d’une entreprise agricole :
Complétez les cadres 1, 2, 3 et 4 avec vos informations personnelles. Ne mettez rien dans le 4 si vous n’avez pas de champ. Dans le cadre 5, choisissez un début d’activité et cochez surtout la case « plantes à épices aromatiques, médicinales et pharmaceutiques ». Choisissez un nom et cocher création dans le cadre 6. Nous vous conseillons de ne pas mettre d’effectif salarié dans le cadre 7. Les cadres 8 et 9 sont destinés à votre situation sociale et fiscale. Au niveau du Comptoir du Chanvre, étant salarié par ailleurs, j’ai juste coché les cases « MSA » ; « salarié du régime général » et non pour la qualité de jeune agriculteur. Il est important de ne pas choisir un statut pour le conjoint de manière à ne pas le lier à l’exploitation et de préciser, le cas échéant, si il est couvert par ailleurs par un régime obligatoire d’assurance maladie. Dans le cadre 9, on a coché : « forfait » ; « remboursement forfaitaire agricole » ; « micro » pour les BIC et « franchise en base » pour la TVA. Consultez un spécialiste si vous pensez devoir choisir d’autres options fiscales. Une fois remplie, il vous suffit d’envoyer le formulaire avec une copie de votre carte d’identité à la Chambre d’agriculture de votre département dont vous avez trouvé l’adresse sur le site. Il n’est pas nécessaire de l’envoyer en recommandé. La procédure ne vous aura coûtée aucun sous, si ce n’est le prix du timbre et de l’enveloppe !
Quelques jours plus tard, vous recevez votre notification INSEE avec votre numéro SIRET. Vous voilà officiellement planteur de weed ! Pardon, cultivateur de chanvre… Et oui, n’oubliez pas, l’objectif est de cultiver son chanvre. Pour être donc certain de rester dans la légalité et pouvoir justifier de votre activité, il est impératif de se procurer des graines officielles. Ce sont les graines disponibles légalement en France auprès du producteur officiel de semences : la CCPSC.
Acheter des semences officielles
Contactez sans tarder la CCPSC pour commander vos graines. Vous constatez sur le bon de réservation ci-dessous que l’on parle de tonnes… Pas de panique. Certainement que les agriculteurs qui cultivent le chanvre ont besoin de ces quantités pour remplir de grandes surfaces de cultures. Ce n’est certainement pas votre cas. Vous pourrez sans problème commander quelques kilos seulement mais il vous faudra payer 60 € de frais administratif. A titre d’exemple, pour 1 kilo de Fédora 17, la facture totale est de 97 €.
A noter qu’il n’existe aucune restriction de vente de semences de chanvre aux particuliers. Vous avez ci-dessous un extrait des conditions générales de la CCPSC.
A réception de vos graines certifiées, vous pourrez prétendre cultiver du chanvre légal. Si vous n’avez pas de terrain, il semble que rien ne vous empêche d’entreprendre une culture « indoor » mais dans tous les cas nous vous conseillons d’entreprendre quelques stages de formation auprès d’un vrai chanvrier pour acquérir certaines techniques de culture indispensables. Nous vous conseillons vivement de trouver une parcelle à exploiter afin de vous lancer pleinement et réellement dans l’aventure.
Dans le cas où vous arrivez jusqu’à la récolte, il est impératif de la faire contrôler par un laboratoire assermenté afin de justifier le taux de THC et obtenir un certificat. Surtout si vous comptez mettre vos fleurs sur le marché… Comme nous n’en sommes pas là, nous n’avons pas de vrais conseils à donner pour le moment. Car entre votre déclaration d’activité et celui de la récolte, il va se passer beaucoup de temps… Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire en attendant !
Démarrez, vite fait…
Quelques semaines après votre déclaration d’activité, vous serez contacté par une personne du MSA, l’organisme de protection sociale des agriculteurs, qui souhaite vous rencontrer pour parler de votre activité. Pas de panique. Son but est de vous faire payer une cotisation pour être « couvert ». C’est une bonne chose en soi, mais dans notre cas, c’est surtout parfaitement inutile. Il suffit simplement de dire que pour le moment vous n’avez pas d’heure de travail liée à votre activité (ou vraiment très, très peu). Au-delà d’une centaine d’heures « déclarées », il vous en coûtera 300 € pour être inscrit au régime du MSA. Pour un temps plein, la cotisation est calculée en fonction du chiffre d’affaire. En déclarant aucune heure de travail, vous devenez invisible pour l’administration ! Vous êtes un auto-entrepreneur exploitant agricole dans le cas d’une micro-activité.
Nous l’avons vu, ce statut vous offre la possibilité d’ouvrir une vraie boutique dans l’optique de vendre les produits issus de votre exploitation. Mais en attendant d’avoir quelque chose à vendre de sa propre exploitation, autant commencer à vendre autre chose comme par exemple les e-liquides CBD, des produits chanvre de partenaires, etc. A noter que vous êtes maintenant un professionnel agricole. Cela pourrait donc justifier la vente de matériel de culture… A bon entendeur. Vous n’aurez pas de difficulté la première année, mais après cela se complique : si le chiffre d’affaires de vos activités annexes dépassent le chiffre d’affaires des produits de votre exploitation agricole, vous serez dans l’obligation de vous déclarer comme une micro-entreprise commerciale classique auprès de la Chambre de commerce et d’industrie de votre département. Tout comme vous serez obligé de changer de statut si vous dépassez les seuils des auto-entrepreneurs… Mais d’ici là, on a le temps de voir les choses venir. Le budget concernant l’ouverture d’une boutique physique peut facilement avoisiner les 5 000 à 10 000 € en tenant compte de son agencement, du matériel, du stock, etc. Une solution moins onéreuse consiste à commencer tout doucement avec un site internet. Si vous prenez soin de protéger votre nom de domaine, l’opération ne coûte qu’une dizaine d’euros.
A noter que ce statut agricole vous offre de nombreuses simplifications dans les démarches et procédures administratives. Il n’y a pas de réelle obligation. Pas de problème de TVA, vous achetez et vendez TTC… Petit inconvénient tout de même avec ce statut d’agriculteur : vous n’avez pas de numéro de TVA. C’est un problème si vous souhaitez faire des affaires avec des fournisseurs européens. Pas de problème, il suffit de remplir ce formulaire et le renvoyer à votre centre des impôts
(cocher la case « exploitant agricole placé sous le régime de la franchise de base de TVA »). Vous recevrez votre numéro de TVA quelques semaines plus tard.
Dans un rapport dévoilé dimanche par le JDD, le think tank GénérationLibre démontre une nouvelle fois les avantages économiques de la légalisation du cannabis. Mais pour être aussi rentable que possible et prévenir tout coût sanitaire et social, celle-ci devrait être minutieusement orchestrée.
Photo: Après la Californie le 1er janvier, le Canada autorisera
sa première vente légale de cannabis le 1er juillet 2018. (Reuters)
Les défenseurs de la légalisation du cannabis en France ont de quoi être frustrés. Alors que la Californie est devenue au 1er janvier le huitième Etat des Etats-Unis à autoriser la marijuana, et que le Canada fera de même à partir du 1er juillet 2018, le gouvernement français a présenté cette année son projet d'amende forfaitaire pour les consommateurs. Une décision regrettable selon Gaspard Koenig, dont le think tank GénérationLibre publiait dimanche 6 mai un rapport prônant la légalisation, dévoilé en exclusivité par le JDD.
Lire aussi : "Pourquoi il faut légaliser le cannabis en France"
Mais si les bénéfices - économiques, entre autres - de la légalisation du cannabis ont souvent été soulignés, la question du modèle d'encadrement du marché du cannabis soulève toujours de nombreuses questions. Monopole d'Etat, dépénalisation ou marché concurrentiel régulé? Quel montant pour la taxe publique? Doit-on attribuer une licence aux actuels dealers illégaux? De ces questions dépendent la rentabilité et le succès de la légalisation, mais aussi l'amortissement du coût social et sanitaire qu'elle pourrait engendrer.
Uruguay, Colorado et Washington tirent un bilan mitigé de la légalisation du cannabis
Le projet du gouvernement "va à l'encontre du mouvement mondial de dépénalisation et à l'encontre du bon sens", déplore Gaspard Koenig. Si la France traîne la patte, c'est aussi que les années d'expériences potentiellement inspirantes se comptent sur les doigts d'une main : l'Uruguay, le Colorado et l'Etat de Washington, pionniers en la matière, n'ont mis en œuvre la légalisation qu'en 2014.
Peu de recul sur cette innovation, donc. Selon l'étude Cannalex présentée fin 2017 par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), le bilan est mitigé dans les trois Etats. Côté économie, la légalisation a tenu ses promesses dans le Colorado et l'Etat de Washington, qui totalisent chacun 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires annuel.
Dépénalisation, concurrence, monopole d'Etat : trois scénarios pour la marijuana
En 2014, le think tank Terra Nova avait calculé le manque à gagner du marché du cannabis en France, selon trois scénarios.
La dépénalisation. Supprimer les lois qui punissent le consommateur représenterait une économie budgétaire de 311 millions d'euros. Une somme retranchée au coût de fonctionnement des unités policières, judiciaires et carcérales mobilisées autour de la répression des "fumeurs de joints".
Le monopole public. Si l'Etat contrôlait la production et la vente de marijuana, les dépenses publiques en matière de répression chuteraient de 523 millions d'euros. Auxquels pourraient s'ajouter 1,3 milliard d'euros de recettes fiscales, selon Terra Nova.
La légalisation concurrentielle. Avec 2,2 milliard d'euros de bénéfice public par an, ce serait le scénario le plus juteux, prévoit le think tank. Au détriment des considérations de santé publique, car la chute des prix due à la concurrence entraînerait probablement une forte hausse de la consommation.
Des chiffres impressionnants, mais à nuancer : ils sont calculés dans l'hypothèse d'une taxation similaire à celle du tabac, c'est-à-dire plus de 80%. Un montant qui ne permettrait en aucun cas de proposer des prix suffisamment attractifs pour éliminer le marché noir.
Un temps d'ajustement avant la fin du marché noir… ou son évolution
Avec l'hypocrisie du système répressif et le bénéfice économique, c'est l'un des principaux arguments des partisans de la légalisation : encadrer la production et le commerce de cannabis mettrait un point final à l'économie informelle et aux violences qu'elle engendre. Trois ans après la légalisation, un marché noir du cannabis subsiste pourtant dans les deux Etats nord-américains comme en Uruguay.
En cause notamment, une insuffisance de la production légale par rapport à la demande. Ce sont les classes défavorisées et les mineurs qui y ont le plus recours. Autre risque : que les organisations illégales se tournent davantage vers le marché des drogues dures, avec des conséquences néfastes sur la criminalité.
S'attaquer à l'économie informelle présente aussi un coût social. Le deal fait partie intégrante de la vie de certains quartiers. Un enjeu dont la Californie s'est saisie en accordant des licences de vente en priorité aux personnes ayant fait l'objet de condamnations pour trafic. Dans son interview accordée au JDD, Gaspard Koenig espère que la légalisation aura ainsi pour effet de "transformer les petits dealers hors la loi en entrepreneurs intégrés à la société". Une réhabilitation pour le moins contraire à la mentalité française sur le sujet jusqu'à présent.
Prévenir le risque d'une hausse de la consommation de cannabis
Les détracteurs de la légalisation craignent avant tout que celle-ci engendre une hausse de la consommation. Un argument balayé du revers de la main par ses partisans : de fait, le système répressif peine à dissuader les usagers. Selon les statistiques officielles, 700.000 Français consommeraient régulièrement de la marijuana. Un chiffre largement sous-estimé selon certains, qui évoquent plus d'un million de personnes.
Le principal enjeu pour la France serait de trouver un montant approprié pour la TVA sur le cannabis. Trop basse, elle serait en effet une incitation à la consommation. Trop haute, elle ne parviendrait pas à être attractive face au marché noir subsistant. Dans son numéro de février 2016 présentant les bénéfices économiques de la légalisation, l'hebdomadaire libéral anglais The Economist prenait pour exemple les Etats-Unis durant la Prohibition : des taxes faibles au départ le temps d'évincer la mafia, puis plus importantes par la suite.
Dans le Colorado, la consommation a augmenté depuis 2014, mais elle a au contraire légèrement diminué dans l'Etat de Washington. Or, les deux Etats étaient inégalement préparés, souligne Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'OFDT, dans une interview à Mediapart. "Au Colorado, les autorités ne s’attendaient pas du tout à ce que la légalisation soit approuvée par référendum, explique-t-elle. Elles ont été obligées de mettre en œuvre dans l’urgence une réforme à laquelle elles étaient opposées et sans précédent sur lequel s’appuyer. Alors que dans l’État de Washington, la réforme est préparée depuis des dizaines d’années." Une expérience qui souligne d'autant plus la nécessité d'un débat national serein, loin des passions que la légalisation déchaîne en France.
Gaspard Koenig, président du think tank "Génération Libre", explique au "JDD" pourquoi il est nécessaire selon lui de légaliser le cannabis en France.
Pour Gaspard Koenig, il en faut en finir "avec l'hypocrisie". Le président du think tank "Génération Libre" est l'auteur d'un rapport juridique, médical et économique dans lequel il détaille les bienfaits de la légalisation du cannabis pour la France. Il en explique les raisons au JDD, dimanche.
Philosophe et essayiste libéral, Gaspard Koenig avoue avoir difficilement arrêté le café mais continue à fumer, épisodiquement, du cannabis. Pour justifier son point de vue, il avance des chiffres, dont celui-ci : 17 millions de Français ont déjà fumé du cannabis au cours de leur vie. "Cela veut dire qu'un bon quart de la population française est passible d'un an de prison", appuie-t-il. "Quand une loi est à ce point non appliquée, c'est une offense même à la notion de loi".
"À condition d'être majeur et informé". Selon lui, la légalisation du cannabis serait bénéfique pour l'économie française : elle encouragerait une "consommation plus responsable", contribuerait à "éliminer les trafics", faire "de véritables campagnes de prévention", "mieux soigner ceux qui peuvent l'être", de "proposer des produits de meilleure qualité". S'appuyant sur l'exemple américain du Colorado, Gaspard Koenig explique que la légalisation n'entraîne pas une "explosion de la consommation". Pas question toutefois d'envisager une légalisation qui concernerait les mineurs : "Chacun doit avoir la liberté de vivre sa vie, à condition d'être majeur et informé".
Réorienter l'agriculture française ? Alors que des entreprises sont en train de se monter en Europe, la France est en train "de rater le coche", souligne aussi Gaspard Koenig. "La France pourrait réorienter une partie de son agriculture et même devenir leader, du fait du poids de son marché intérieur", propose le philosophe. Une légalisation permettrait en outre de placer l'argent du marché noir "dans le circuit classique". "Cela permettrait de transformer les petits dealers hors la loi en entrepreneurs agréés".
Sur France Info Gérald Roux passe au crible des faits repérés dans les médias et les réseaux sociaux. Lundi, l'effet positif de la légalisation du cannabis sur la criminalité avancé par Benoît Hamon.
Benoît Hamon a tenu ces propos sur BFMTV après la remise du rapport Borloo sur les banlieues, jeudi 26 avril. (Photo AFP)
replay-radio/le-vrai-du-faux
Benoît Hamon, ex-candidat PS à la présidentielle, a commenté sur BFMTV le rapport sur les banlieues de Jean-Louis Borloo, remis au gouvernement, jeudi 26 avril. Le fondateur du mouvement Génération.s s'est exprimé sur le trafic de drogue. "On sait qu'il y a des villes gangrenées par le trafic de cannabis. On sait que la prohibition, ça ne marche pas, a-t-il déclaré. On sait qu'aux États-Unis, la fin de la prohibition, la légalisation du cannabis a entraîné une baisse radicale de la criminalité, donc des morts, et de la délinquance."
C'est vrai, si l'on se base sur une étude publiée au début de l'année par The Economic journal. Elle se base sur plusieurs années de statistiques, notamment celles du FBI, dans des zones le long de la frontière avec le Mexique comme l'Arizona, le Nouveau Mexique et la Californie. Ces États américains ont dépénalisé la consommation et la production de cannabis, soit pour un usage médical soit pour un usage récréatif. L'étude a été menée le long de la frontière, là se concentrent les organisations criminelles pour faire leur trafic. Résultat : dans les communes proches de la frontière, le taux de criminalité violente a baissé de 12,5% et les homicides liés à la drogue ont chuté de 40%.
En regardant l'ensemble du territoire de la Californie, la réduction des crimes violents a été de 15%. Pour en arriver à ce résultat, l'étude a non seulement regardé les chiffres avant et après les différentes dépénalisations, mais elle a aussi comparé ces chiffres avec ceux des États qui n'ont pas dépénalisé.
L'étude montre qu'avec le changement de législation, les utilisateurs se sont tournés plutôt vers des gens cultivent le cannabis légalement dans ces États, et beaucoup moins vers les cartels de la drogue basés au Mexique. Ce qui fait baisser le business des trafiquants, mais aussi ses violentes conséquences.
En résumé, Benoît Hamon a donc dit vrai. Il faut toutefois préciser que le cannabis n'a pas été légalisé sur tout le territoire américain. Neuf États l'ont légalisé pour usage récréatif et seize autres pour l'usage médical. Ce qui représente la moitié des États américains.
cannabis France Si vous êtes citoyen européen, vous savez probablement que la France n’est pas le pays le plus souple face au cannabis et à ses consommateurs. Les multiples changements de gouvernement des dernières décennies n’ont pas contribué à l’amélioration de la situation. Dans une pareille situation, la moindre lueur d’espoir est parfois encourageante.
Ce n’est pas une défaillance de votre écran d’ordinateur
N’essayez donc pas de régler l’image.
Nous vous présentons, ces magnifiques buds de cannabis luxuriants reposant sur la banquette d’une voiture :
Prenez quelques instants pour vous imaginer l’histoire la plus rocambolesque. La réalité sera-t-elle à la hauteur de vos rêves les plus fous ? Probablement pas, mais l’histoire suivante est symboliquement miraculeuse étant donné l’attitude généralement négative face au cannabis en France.
Pour ceux qui ne maîtrisent pas le français, « BGDE STUPEFIANT », mis pour “Brigade des Stupéfiants”, est le nom de l’agence française de lutte antidrogue.
D’où provient cette boîte de buds ? L’histoire
Nos amis et connaissances précieuses françaises de The Hemp Concept, nous ont envoyé cette photo de la part de nos partenaires.
La mission desdits partenaires est simple et claire : permettre aux citoyens français d’avoir accès à du chanvre et des produits à base de cannabis et s’attaquer au tabou national entourant tout ce qui a à voir avec la plante de cannabis. Il faut noter que tous ces produits sont parfaitement légaux même en France : les graines de cannabis (non germées), les produits à base de CBD, etc.
Leur boutique située dans le sud de la France a fait l’objet d’une perquisition il y a quelques mois. Les autorités ont saisi tout leur matériel, incluant les graines de cannabis et une quantité importante de fleurs séchées de cannabis provenant d’une variété forte en CBD – des fleurs pour des patients qui les utilisent à des fins médicales.
La photo montre ces buds de CBD, bien disposés dans une boîte en carton, laquelle a été (poliment ?) remise aux propriétaires par la brigade française de lutte antidrogue.
Pourquoi cette histoire est-elle digne de mention ? La triste vérité est que la Brigade des Stupéfiants ne s’était que rarement donné la peine de reconnaître les nuances entre le chanvre, le cannabis à forte teneur en THC et le cannabis à forte teneur en CBD. Redonner les buds à leurs propriétaires ? C’est un geste qui n’avait encore jamais été posé.
Ces buds riches en CBD étaient destinés à être infusés en tisane. Buvez à notre santé, parce qu’à défaut de vous éclater l’esprit, cette histoire vaut la peine d’être savourée.
Rappel rapide de ce qui signifie être un consommateur de cannabis en France
Le cannabis est illégal en France. Il n’est donc pas surprenant que les études et les sondages rapportent régulièrement que les Français figurent parmi les plus grands consommateurs de cannabis en Europe. A la fin de 2017, une de ces enquêtes rapportait que les Français demeuraient les plus fervents consommateurs de cannabis, avec 22,1 % des 25 à 34 ans consommant la substance, ce qui place la France devant l’Italie (19 %), l’Allemagne (13,3 %) et le Royaume-Uni (11,3 %).
Cela signifie évidemment que le marché noir est des plus prospères en France, ce qui mène à la criminalisation des consommateurs, incluant les patients, et augmente les dangers liés à la consommation de « cannabis de rue » réputé être de mauvaise qualité, sans mentionner les dangers de contaminations.
Malgré cela, le gouvernement français continue de réprimer toute initiative qui dénonce l’illégalité du cannabis. En 2013, les extraits de cannabis ont été autorisés de la manière la plus dissimulée qui soit, ce qui n’a donné aucun résultat – en 2018, la France attend encore pour avoir accès à Sativex. Ceux qui préfèrent se traiter à l’aide de la plante entière peuvent bien hausser les épaules et dire « bon débarras », peut-être avec raison. Mais peu importe, voilà une manière d’agir incroyablement éloquente, bien que prévisible, de la part du gouvernement français.
Qu’en pensez-vous ? La photo vous surprend-elle ? Y voyez-vous un bon présage pour la France, malgré le magnifique virage à 180 degrés d’Emmanuel Macron dans ce dossier ?
Le pré-projet de loi de programmation sur la justice, présenté cette semaine en conseil des ministres, a été rendu public notamment par la presse et le Conseil national des barreaux1.
Si certaines dispositions ont déjà suscité d’importantes critiques, la création de plusieurs amendes forfaitaires délictuelles, dont une pour réprimer l’usage de stupéfiants, mérite également que l’on s’y attarde. Le gouvernement envisage, en effet, de modifier substantiellement cette procédure d’exception créée par la loi J212 pour consacrer un dispositif confus à la constitutionnalité douteuse.
Un droit d’exception
Sous le titre « Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire », l’article 36 du pré-projet de loi de programmation sur la justice crée trois groupes d’amendes forfaitaires délictuelles qui viendraient s’ajouter aux deux cas déjà prévus par la loi J21 pour la conduite sans permis (C. route, art. L. 221-2) et la conduite sans assurance (C. route, art. L. 324-2)3. Plus précisément, l’amende forfaitaire délictuelle concernerait l’usage de stupéfiants (CSP, art. L. 3421-1), trois infractions relatives à la vente de boissons alcooliques aux mineurs (CSP, art. L. 3353-3), et trois infractions relatives à la carte de conducteur de transport routier : carte non conforme, n’appartenant pas au conducteur ou carte non insérée dans le chronotachygraphe du véhicule (C. transp., art. L. 3315-5).
Avec ces nouvelles infractions, l’amende forfaitaire délictuelle est aussi encourue par des personnes morales pour les infractions relatives à la carte de conducteur de transport routier et à la vente de boissons alcooliques à un mineur. Le casier judiciaire des personnes physiques comme celui des personnes morales est modifié pour permettre l’inscription des informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l’émission d’un titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées pour les délits et les contraventions de 5e classe. Les fiches, qui ne sont pas mentionnées au B2, sont effacées au bout de trois ans en l’absence de nouvelle sanction. Enfin, pour les infractions au code de la route, le pré-projet prévoit que les mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire ou d’immobilisation et de mise en fourrière du véhicule pourront être ordonnées même si l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire. Dans ces deux derniers cas, l’autorité administrative serait d’ailleurs dispensée d’informer le procureur de la République de la mesure.
Un dispositif confus
Loin de l’ambition de clarification affichée, le projet sème la confusion. On passera sur l’incohérence qui consiste à proposer au législateur d’étendre un dispositif qui reste purement virtuel depuis l’adoption de la loi J21. Les obstacles, tant techniques que juridiques, sont tels qu’aucun procès-verbal d’amende forfaitaire délictuelle n’a encore pu être dressé pour les infractions de conduite sans permis ou sans assurance4.
Au regard des principes du droit pénal, c’est l’échelle des peines qui se trouve bouleversée par cette « trouble procédure » de forfaitisation5. Le principe même de l’amende forfaitaire délictuelle qui ramène la pénalité des délits au niveau des contraventions est déjà discutable, mais le projet renforce encore ce travers puisque l’amende n’est pas la même selon les infractions. Si le texte est adopté en l’état, l’amende forfaitaire délictuelle couvrira un spectre qui commence à mi-chemin des contraventions de 2e et 3e classe et s’éteint à mi-chemin des contraventions de 4e et 5e classe avec trois « classes informelles » :
• Amendes forfaitaires délictuelles de première classe
300 € avec un montant minoré de 250 € et un montant majoré de 600 € pour la vente de boissons alcooliques à un mineur ou l’usage de stupéfiants par un majeur ;
• Amendes forfaitaires délictuelles de deuxième classe
500 € avec un montant minoré de 400 € et un montant majoré de 1 000 € pour conduite sans assurance ;
• Amendes forfaitaires délictuelles de troisième classe
800 € avec un montant minoré de 640 € et un montant majoré de 1 600 € pour conduite sans permis ou sans carte de conducteur pour un transport routier.
Par ailleurs, le quantum de ces amendes forfaitaires est incohérent puisqu’il ne correspond pas aux peines délictuelles encourues. L’amende forfaitaire pour la conduite sans assurance est plus lourde que celle prévue pour la vente d’alcool à un mineur alors que c’est l’inverse pour la peine délictuelle (3 750 € pour la première, contre 7 500 € pour la seconde)6. L’absence de carte de transport routier justifie une amende forfaitaire équivalant à celle de la conduite sans permis alors que la première est punie de six mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende et la seconde d’un an d’emprisonnement et 15 000 €. Le gouvernement s’est attaché, semble-t-il, à la réalité des sanctions prononcées par les tribunaux. Si tel est le cas, une réforme des peines délictuelles aurait été un préalable indispensable à toute forfaitisation.
On sera également bien incapable de déterminer les critères qui justifient ou excluent la création de ces amendes forfaitaires délictuelles. Comme ces pathologies qui profitent de l’affaiblissement du patient, l’amende forfaitaire délictuelle est une maladie opportuniste du droit pénal contemporain qui frappe un peu au hasard. C’est un dispositif choisi on ne sait par qui, sur la base d’on ne sait quel critère. La commission Guinchard, qui s’était penchée sur la forfaitisation des contraventions, avait proposé trois critères pour en déterminer le domaine : qu’il s’agisse d’une infraction « sans victime », dont les éléments constitutifs sont simples à caractériser et dont la charge symbolique est faible7. Pour sa part, le gouvernement avait justifié la création de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle dans la loi J21 par le souci de rendre la justice répressive plus efficace8 et la nécessité de « soulager les juridictions de certains contentieux de masse »9, thème repris durant les « Chantiers de la justice »10. Aucun de ces critères, ou aucune combinaison de ces critères, ne se retrouve dans le pré-projet de loi de programmation.
L’usage de stupéfiants est bien un contentieux de masse, mais qu’en est-il de la vente d’alcool à un mineur ? Les infractions relatives à la carte de transport routier sont bien des infractions dont les éléments constitutifs sont simples à caractériser, mais tel n’est pas le cas pour l’usage de stupéfiants. Il faut s’assurer de la nature des produits consommés et prouver le caractère illicite de la consommation, certains usages étant légaux ou tolérés (usage de médicaments, de produits de substitution, et même usage illicite de stupéfiants à proximité d’une salle de consommation11).
Quant à l’infraction de vente d’alcool au mineur, une forfaitisation paraît encore moins concevable puisque l’article L. 3353-5 du code de la santé publique dispose que « le prévenu peut prouver qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur, sur la qualité ou l’âge de la personne l’accompagnant ou encore sur l’état du malade. S’il fait cette preuve, aucune peine ne lui sera applicable de ce chef ». Sauf à transformer les policiers en magistrats, on ne voit pas vraiment comment automatiser un tel contentieux.
L’extension de la forfaitisation aux faits commis en récidive
La disposition la plus confuse de ce pré-projet de loi, sur la forme comme sur le fond, reste l’extension de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle aux faits commis en récidive pour les trois nouveaux groupes d’infractions. Il est pour le moins étrange d’écrire que « y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale » quand, justement, l’article 495-17, alinéa 2, dispose que « la procédure de l’amende forfaitaire n’est pas applicable si le délit a été commis… en état de récidive légale ». Sur le fond également, comment expliquer que le législateur élargisse le domaine de l’amende forfaitaire délictuelle aux faits commis en récidive pour les trois nouveaux groupes d’infractions, mais pas pour les deux infractions déjà soumises à cette procédure ?
On sait ce qui a poussé le gouvernement à intégrer la récidive dans le champ de l’amende forfaitaire délictuelle : c’est l’impossibilité matérielle pour la police de constater la récidive sans mobiliser le procureur de la République après chaque interpellation qui explique cette extension12. Si l’amende forfaitaire délictuelle peut être dressée même en cas de récidive, la consultation du casier judiciaire n’est plus nécessaire. Mais, dans ce cas, le problème étant le même pour la conduite sans permis ou sans assurance, on ne comprend pas pourquoi le gouvernement s’est arrêté au milieu du gué. De surcroît, en voulant régler un problème pratique d’accès au passé pénal du délinquant, il prend le risque que les nouvelles dispositions soient inconstitutionnelles.
Une constitutionnalité douteuse
Jusqu’à présent, la procédure d’amende forfaitaire délictuelle a échappé au contrôle du juge. Introduite par amendement au projet de loi J21, elle n’a pas été examinée par le Conseil d’État saisi pour avis13. Quant au Conseil constitutionnel, il a pris soin de souligner qu’il « ne s’est pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision », or la saisine des parlementaires sur la loi J21 ne mentionne pas la question de l’amende forfaitaire délictuelle14. Aucune question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n’a par ailleurs été soulevée puisqu’aucune amende forfaitaire délictuelle n’a pu être dressée. La question de la constitutionnalité de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle reste donc entière et elle est sérieuse, tant au regard du principe d’égalité que du principe de nécessité des peines.
Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur prévoie des réponses pénales différentes à des situations différentes15. Tel était le cas, dans une certaine mesure, lorsque l’amende forfaitaire délictuelle était réservée aux primo-délinquants. En permettant de recourir à l’amende forfaitaire délictuelle même pour des faits commis en récidive, le gouvernement porte en revanche atteinte au principe d’égalité. Une telle atteinte n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel vérifie la légitimité des motifs qui expliquent la différence de traitement et le respect égal des droits de la défense16. La Cour de cassation, pour sa part, s’assure que la différence de traitement soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit17. Or dans le pré-projet de loi, aucun motif ne vient justifier le recours à une procédure plutôt qu’à une autre. La décision, purement discrétionnaire, est laissée à l’appréciation des forces de police et de gendarmerie.
À l’occasion des débats sur la loi J21 et, aujourd’hui, du pré-projet de loi de programmation sur la justice, les gouvernements affirment que « des instructions générales précises de politique pénale du garde des Sceaux, relayées par les parquets aux forces de l’ordre » pourront permettre de déterminer des critères pour recourir à une procédure plutôt qu’à une autre18. Mais de telles instructions ne pourront fournir un motif légitime au choix d’une procédure plutôt qu’une autre.
Comme nous l’avons déjà précisé, sauf à transformer les policiers en magistrats, on ne voit pas comment des instructions du garde des sceaux pourraient permettre à un prévenu de faire la preuve qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur ou de la personne l’accompagnant alors que le procureur et le juge sont tenus à l’écart. La difficulté est plus grande encore s’agissant de l’usage de stupéfiants où la réponse pénale n’est qu’une alternative à une réponse sanitaire, traitement volontaire (CSP, art. L. 3414-1), imposé par l’autorité sanitaire (CSP, art. L.3412-1) ou judiciaire (CSP, art. L. 3423-1, L. 3424-1 et L. 3425-1).
Cette prise en charge sanitaire dépend moins du produit consommé que de la nature problématique ou non de l’usage constaté. Faut-il cette fois transformer le policier en personnel de santé afin qu’il apprécie la nécessité d’une réponse sanitaire ? Quant à la prise en compte des antécédents judiciaires du délinquant pour déterminer la réponse pénale adaptée, elle pose à nouveau la question de l’accès au casier judiciaire et rend inopérante l’amende forfaitaire délictuelle. L’utilisation du TAJ ne pourrait pas non plus être envisagée sans porter atteinte à un autre principe, la présomption d’innocence, comme l’avait noté le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi J21.
Dans cet avis, le juge administratif avait d’ailleurs soulevé un autre obstacle constitutionnel, l’atteinte au principe de nécessité des peines. Contrairement à l’amende forfaitaire contraventionnelle, l’amende forfaitaire délictuelle est, dans la plupart des cas, sans rapport avec la peine délictuelle qu’elle remplace. On pouvait comprendre qu’un primo-délinquant puisse faire l’objet d’une sanction plus faible qu’un récidiviste. Mais, dès lors que l’amende forfaitaire peut aussi être appliquée à un récidiviste, peut-on admettre qu’un même fait puisse être sanctionné d’une peine d’amende de quelques centaines d’euros ou d’un emprisonnement de six mois, voire un an, accompagné d’une amende d’un montant douze à dix-huit fois plus élevé ? On est conduit, inévitablement, à s’interroger sur le caractère disproportionné de la peine délictuelle que le législateur entend conserver.
Comme le notait déjà Fabrice Gauvin à propos de la loi J21 : « Moins de dix ans après le mouvement législatif de clarification et simplification du droit, cette réforme montre un chemin contraire, ajoutant à un code de procédure pénale, lequel n’en a pas nécessairement besoin, une nouvelle procédure dont la lecture et parfois la compréhension ne sont pas évidentes »19. L’amende forfaitaire délictuelle n’est pas un progrès, c’est une régression qui dénature le fonctionnement de la procédure pénale20, une solution de facilité trouvée par le législateur pour éviter d’avoir à s’interroger sur le bien-fondé de certaines infractions. Après le rendez-vous manqué de la loi J21, on peut encore espérer d’une loi de programmation de la Justice, qu’elle soit l’occasion de réfléchir à l’adaptation du droit à notre société contemporaine, y compris dans les incriminations et les sanctions qu’elle prévoit.
1. CNB, Projet de loi de programmation pour la justice : un texte inacceptable pour la profession. 2. L. n° 2016-1547 de modernisation de la justice du 21e siècle, 18 nov. 2016, JO n° 0269, 19 nov. 2016, texte n° 1. 3. M. Léna, Modernisation de la justice du 21e : principales dispositions votées en matière pénale, AJ Pénal 2016, p.508. 4. Dalloz actualité, 26 janv. 2018, art. P. Januel . 5. F. Gauvin, Circulation routière – un an de droit pénal de la circulation routière (juin 2016 à mai 2017), Dr. pénal 2017. Chron. 7, § 15. 6. « L’infraction de conduite sans assurance entraine également la majoration de 50 % du montant de l’amende, au profit du Fonds de garantie », S. Detraz, Les dispositions pénales de la loi de modernisation de la justice du 21e siècle, JCP 2016. 1305. 7. S. Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, Doc. fr., 2008, p. 132. 8. J. Buisson, Justice du 21e siècle : une justice répressive plus efficace !, Procédures n° 2, févr. 2017, étude 17. 9. Dalloz actualité, 25 nov. 2016, obs. E. Alain . 10. Dalloz actualité, 18 janv. 2018, obs. D. Goetz . 11. Circ. JUSD1619903C, 13 juill. 2016 de politique pénale relative à l’ouverture des premières salles de consommation à moindre risque, espace de réduction des risques par usage supervisé, BOMJ n° 2016-07 du 29 juill. 2016. 12. Y. Bisiou, Payer pour fumer, AJ pénal 2017. 486 . 13. CE, avis, 30 juill. 2015, n° 390291 sur un projet de loi portant application des mesures relatives à la Justice du 21e siècle. 14. Cons. const. 17 nov. 2016, n° 2016-739 DC, § 100, RTD civ. 2017. 107, obs. J. Hauser . 15. V. Peltier, Non-lieu à renvoi d’une QPC sur l’amende encourue par les personnes morales, Dr. pénal 2017, n° 9, comm. 138. 16. Cons. const. 22 oct. 2009, n° 2009-590 DC, à propos de l’ordonnance pénale dans la loi HADOPI, D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; Constitutions 2010. 293, obs. D. de Bellescize ; RSC 2010. 214, obs. B. de Lamy ; RTD com. 2009. 730, étude F. Pollaud-Dulian . 17. Crim. 28, juin 2017, n° 17-90.010, BICC 2017, n°1342 ; 14 nov. 2017, n° 17-82.435, D. 2017. 2370 ; BICC 2018, n°348. 18. Pour la loi J21, v. Ass. nat., Rapport n° 3726 sur le projet de loi de modernisation de la justice du 21e siècle, 6 mai 2016, p. 203 ; pour le pré-projet de loi de programmation, v. Ass. nat., Compte-rendu des débats, 2e séance du 3 avr. 2018, p. 33 et 38. 19. F. Gauvin, Un an de droit pénal de la circulation routière (juin 2016 à mai 2017), préc., § 15. 20. J.-B. Perrier, La justice pénale du XXIème siècle, Dr. pénal 2017, n° 1, étude 2.
Par Yann Bisiou le 17 Avril 2018
Spécialiste des politiques publiques des drogues, Yann Bisiou est le coauteur de la seconde édition du Précis Dalloz de droit de la drogue, avec le Pr. Caballero. Il a été membre du conseil scientifique de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et du conseil scientifique de l’Office européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). Ancien vice-président du conseil d’administration de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, il est chevalier de l’ordre des palmes académiques.
Source: dalloz-actualite.fr
La nouvelle réponse pénale en matière de lutte contre la drogue consistera en une amende de 300 euros. Plus de punition et de prohibition, une position discutable à bien des égards.
Le 3 avril dernier, prenant acte de la faiblesse des résultats de la politique de lutte contre les drogues, la ministre Nicole Belloubet a détaillé devant les députés les dispositions du projet de loi de modernisation de la justice destinées à répondre à la massification de l’usage de stupéfiants en France.
Nourrie de l’espérance qu’une systématisation des sanctions dissuadera les millions de consommateurs, la nouvelle réponse pénale proposée consiste en une « forfaitisation du délit d’usage ». Celle-ci permettra aux forces de l’ordre d’infliger une amende de 300 euros à toute personne ayant fait un usage illicite de drogue, tout en laissant ouverte la possibilité d’une procédure judiciaire donnant lieu à une inscription au casier judiciaire et au prononcé d’une peine de prison.
La drogue et la politique prohibitionniste en échec
Cette mesure s’inscrit dans la continuité d’une politique prohibitionniste répressive menée depuis plusieurs décennies. L’échec de cette approche, dont il est acquis qu’elle a contribué à l’accroissement de la violence criminelle, à l’enrichissement des mafias et au pourrissement du lien social dans les banlieues, explique la réaction défavorable que suscite le projet d’amende forfaitaire délictuelle chez les intervenants en toxicomanie et les associations de défense des consommateurs.
Selon eux, la systématisation de la répression contribuera à éloigner un peu plus du système de santé les centaines de milliers d’usagers problématiques de drogues. Elle apparaît, en outre, bien peu respectueuse du libre arbitre des millions d’usagers récréatifs non toxicodépendants.
Cette critique n’est pas nouvelle, mais elle se trouve aujourd’hui renforcée par deux éléments contextuels qui devraient conduire le gouvernement à réviser sa copie s’il ne veut pas trahir deux credos essentiels du Président Macron : son engagement européen et sa volonté de développer une stratégie industrielle fondée sur l’innovation.
La drogue et le double langage vis-à-vis de l’Union européenne
Qu’on en juge sur le terrain des engagements européens tout d’abord. Le 8 mars dernier, le Conseil de l’Union européenne adoptait des conclusions recommandant le recours à des solutions alternatives à la répression des consommateurs de drogues. Selon les 28 ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, dont Gérard Collomb, il convient de favoriser les « solutions de remplacement à l’imposition de sanctions coercitives », notamment les amendes, pour promouvoir au contraire les mesures éducatives et la réinsertion sociale.
Or c’est précisément l’inverse que vise le projet de loi. En confiant à la police un pouvoir de sanction pécuniaire, la forfaitisation délictuelle consacre le principe d’une répression automatique de l’usage de stupéfiants excluant de facto toute mesure éducative ou sociale. On appréciera le double langage du gouvernement, soucieux de la santé et de l’insertion des consommateurs de drogues à Bruxelles mais pressé de les punir en France.
Une filière chanvrière bridée
Un autre mot d’ordre du gouvernement est également mis à mal par le caractère essentiellement répressif de son approche. C’est celui du développement industriel. Veillant sur notre culture viticole et protégeant les intérêts des alcooliers nationaux, l’État français ne semble pas avoir pris la mesure du développement de l’industrie cannabique au-delà de nos frontières.
La légalisation du cannabis médical et récréatif dans un nombre croissant de pays a contribué à ouvrir de colossaux marchés. Tenue logiquement à l’écart de ce mouvement, l’industrie pluriséculaire du chanvre français risque de ne pas pouvoir en profiter. Confinée à la production d’aliments pour animaux et de fibres végétales, notre filière chanvrière est aujourd’hui bridée par une législation si prohibitionniste qu’elle entrave jusqu’au développement de produits cosmétiques, de compléments alimentaires et de médicaments à base de cannabinoïdes non psychoactifs. Les firmes étrangères, notamment nord-américaines, prennent aujourd’hui une avance qu’il sera difficile de rattraper.
Plusieurs pays européens sont sensibles à ces évolutions, à l’instar des Pays-Bas qui ont réglementé la production de cannabis médical il y a près de vingt ans et se préparent à faire de même avec le cannabis récréatif. Ce n’est pas, à ce jour, le cas du gouvernement français, arc-bouté sur l’idée que la punition des consommateurs de drogue fera bientôt disparaître le cannabis de notre culture.
Prendre conscience du caractère erroné de cette croyance est urgent. C’est une condition sine qua non à l’initiation d’une réflexion gouvernementale sur les enjeux sanitaires et économiques de la légalisation contrôlée du cannabis, une réforme dont la plupart des observateurs bien informés s’accordent, en privé, à reconnaître qu’elle est désormais inévitable à plus ou moins long terme.
Par Renaud Colson. Maître de conférences à l’Université de Nantes (UMR CNRS Droit et Changement Social)
Le 3 avril dernier, prenant acte de la faiblesse des résultats de la politique de lutte contre les drogues, la ministre Nicole Belloubet a détaillé devant les députés les dispositions du projet de loi de modernisation de la justice destinées à répondre à la massification de l’usage de stupéfiants en France.
Photo - Lors d'une manifestation en faveur de la légalisation du cannabis, le 14 mai 2016, à Paris.
Nourrie de l’espérance qu’une systématisation des sanctions dissuadera les millions de consommateurs, la nouvelle réponse pénale proposée consiste en une « forfaitisation du délit d’usage ». Celle-ci permettra aux forces de l’ordre d’infliger une amende de 300 euros à toute personne ayant fait un usage illicite de drogue, tout en laissant ouverte la possibilité d’une procédure judiciaire donnant lieu à une inscription au casier judiciaire et au prononcé d’une peine de prison.
Deux credos présidentiels remisés
Cette mesure s’inscrit dans la continuité d’une politique prohibitionniste répressive menée depuis plusieurs décennies. L’échec de cette approche, dont il est acquis qu’elle a contribué à l’accroissement de la violence criminelle, à l’enrichissement des mafias et au pourrissement du lien social dans les banlieues, explique la réaction défavorable que suscite le projet d’amende forfaitaire délictuelle chez les intervenants en toxicomanie et les associations de défense des consommateurs.
Selon eux, la systématisation de la répression contribuera à éloigner un peu plus du système de santé les centaines de milliers d’usagers problématiques de drogues. Elle apparaît, en outre, bien peu respectueuse du libre arbitre des millions d’usagers récréatifs non toxicodépendants.
Cette critique n’est pas nouvelle, mais elle se trouve aujourd’hui renforcée par deux éléments contextuels qui devraient conduire le gouvernement à réviser sa copie s’il ne veut pas trahir deux credos essentiels du Président Macron : son engagement européen et sa volonté de développer une stratégie industrielle fondée sur l’innovation.
Double langage vis-à-vis de l’Union européenne
Qu’on en juge sur le terrain des engagements européens tout d’abord. Le 8 mars dernier, le Conseil de l’Union européenne adoptait des conclusions recommandant le recours à des solutions alternatives à la répression des consommateurs de drogues. Selon les 28 ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, dont Gérard Collomb, il convient de favoriser les « solutions de remplacement à l’imposition de sanctions coercitives », notamment les amendes, pour promouvoir au contraire les mesures éducatives et la réinsertion sociale.
Or c’est précisément l’inverse que vise le projet de loi. En confiant à la police un pouvoir de sanction pécuniaire, la forfaitisation délictuelle consacre le principe d’une répression automatique de l’usage de stupéfiants excluant de facto toute mesure éducative ou sociale. On appréciera le double langage du gouvernement, soucieux de la santé et de l’insertion des consommateurs de drogues à Bruxelles mais pressé de les punir en France.
Une filière chanvrière bridée
Un autre mot d’ordre du gouvernement est également mis à mal par le caractère essentiellement répressif de son approche. C’est celui du développement industriel. Veillant sur notre culture viticole et protégeant les intérêts des alcooliers nationaux, l’État français ne semble pas avoir pris la mesure du développement de l’industrie cannabique au-delà de nos frontières.
La légalisation du cannabis médical et récréatif dans un nombre croissant de pays a contribué à ouvrir de colossaux marchés. Tenue logiquement à l’écart de ce mouvement, l’industrie pluriséculaire du chanvre français risque de ne pas pouvoir en profiter. Confinée à la production d’aliments pour animaux et de fibres végétales, notre filière chanvrière est aujourd’hui bridée par une législation si prohibitionniste qu’elle entrave jusqu’au développement de produits cosmétiques, de compléments alimentaires et de médicaments à base de cannabinoïdes non psychoactifs. Les firmes étrangères, notamment nord-américaines, prennent aujourd’hui une avance qu’il sera difficile de rattraper.
Plusieurs pays européens sont sensibles à ces évolutions, à l’instar des Pays-Bas qui ont réglementé la production de cannabis médical il y a près de vingt ans et se préparent à faire de même avec le cannabis récréatif. Ce n’est pas, à ce jour, le cas du gouvernement français, arc-bouté sur l’idée que la punition des consommateurs de drogues fera bientôt disparaître le cannabis de notre culture.
Prendre conscience du caractère erroné de cette croyance est urgent. C’est une condition sine qua non à l’initiation d’une réflexion gouvernementale sur les enjeux sanitaires et économiques de la légalisation contrôlée du cannabis, une réforme dont la plupart des observateurs bien informés s’accordent, en privé, à reconnaître qu’elle est désormais inévitable à plus ou moins long terme.
Fumer un joint sera désormais passible d’une amende immédiate de 300 euros tout en restant un délit. C’est ce qu’a annoncé la ministre de la Justice, Nicole Belloubet devant les députés mercredi. Une réforme qui va à l’encontre des premiers engagements de campagne d’Emmanuel Macron. Au Sénat, la spécialiste du sujet, Esther Benbassa dénonce « une pénalisation à deux vitesses ».
Par Simon Barbarit @SimonBarbarit
« Une grande partie des réponses pénales sont aujourd’hui constituées de simples rappels à la loi (…) qui ne permettent pas de fixer l’interdit en la matière ».Hier, lors d’un débat autour d’un rapport parlementaire, Nicole Belloubet a ainsi justifié le recours prochain d’une « amende forfaitaire délictuelle » de 300 euros pour usage de stupéfiants, en particulier de cannabis.
L’addition devra donc faire tousser les fumeurs car « le montant de l’amende forfaitaire minorée serait de 250 euros et celui de l’amende forfaitaire majorée de 600 euros » a précisé la ministre de la Justice. Une amende délictuelle qui pourra également concerner les récidivistes mais dont seront exclus les mineurs « pour lesquels devront continuer de prévaloir une approche sanitaire et éducative ».
De plus, la possibilité de recourir à l’amende ne se substitue pas au système actuel mais sera « complémentaire ». Pour mémoire, actuellement, l’usage de stupéfiant peut entraîner une peine d’un an de prison et de 3750 euros d’amende, selon une loi du 31 décembre 1970.
Quand Emmanuel Macron ne voulait pas pénaliser systématiquement la consommation
Dans son livre « Révolution » sorti à l’automne 2016, le candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron estimait pourtant qu’il était « vain de pénaliser systématiquement la consommation de cannabis. «On pourrait tout à fait considérer que le régime des contraventions serait suffisant pour sanctionner ces comportements » jugeait-il évoquant le recours immédiat d’une amende de 100 euros.
C’est d’ailleurs en suivant cette ligne que le 25 janvier dernier, le rapport d’information sur « l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants » des députés Eric Poulliat (LREM) et Robin Reda (LR) préconisait de contraventionnaliser l’usage de cannabis par une amende de quatrième ou de cinquième classe (entre 150 et 200 euros). La garde des Sceaux n’a donc pas choisi cette option qui, selon elle, sur « le plan symbolique » envoyait « un message négatif » et surtout « aurait pu être perçu comme une étape vers la dépénalisation ».
Esther Benbassa regrette le maintien du « tabou » du cannabis
« La légalisation contrôlée semble trop lointaine mais on pouvait au moins aller vers la dépénalisation. Là, on va se retrouver avec une pénalisation à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer l’amende et ceux qui ne pourront pas et pour qui la prison pourra toujours être la sanction » regrette la sénatrice écologiste Esther Benbassa, auteure d’une proposition de loi en 2014 autorisant l’usage contrôlé du cannabis. « Je ne comprends pas ces petites mesures. C’est de la com. Il faut rationaliser cette question. À cause de ce tabou, nous n’arrivons pas à régler les problèmes du contrôle de la production, de la qualité, du taux de THC (principale molécule active du cannabis NDLR), ni non plus celui du cannabis thérapeutique qui n’est toujours pas accessible en France » ajoute la sénatrice.
« La contraventionnalisation permettait de faire économiser à l’État 380 millions par an
Romain Perez, coordinateur du think tank « Le Jour d’Après » à l’origine d’une étude sur le coût de la contraventionnalisation du cannabis, regrette également « le non-respect de l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron ». « La contraventionnalisation permettait de faire économiser à l’État 380 millions par an. Dès lors, qu’on garde le délit, cela veut dire que les interpellations, les gardes à vues, le travail judiciaire… sont aussi potentiellement maintenus ».
C’est en effet, pour conserver les techniques d’enquête telles que « les gardes à vues, les fouilles à corps, les perquisitions » nécessaires « aux démantèlements des réseaux » que l’exécutif n’a pas choisi la voie de la contraventionnalisation.
À droite, on craint « une contraventionnalisation déguisée »
Maire d’Aulnay-sous-Bois et secrétaire national LR en charge des questions de sécurité, Bruno Beschizza accueille « avec intérêt mais prudence » les annonces de la ministre. « Il ne faut pas que ce soit une contraventionnalisation déguisée ». « Pour l’instant, le gouvernement ne parle que d’usage et non de possession. En Seine-Saint-Denis, il existe une procédure simplifiée. Si vous n’avez pas plus de 50 grammes sur vous, ce qui est déjà assez considérable, vous n’écopez que d’un simple rappel à la loi. Il faut pénaliser la possession » plaide l’édile.
L’amende forfaitaire délictuelle présentée par Nicole Belloubet figurera dans le projet de loi sur la réforme de la procédure pénale examiné à partir du mois de mai par le Parlement.
Des magistrats du Syndicat de la magistrature instruiront le procès de la politique française à l’égard des drogues. À la barre, se succéderont responsables politiques, chercheurs, professionnels de la justice et du soin, et des représentants d’usagers. Rachida Dati défendra la politique de répression actuelle.
Au banc des accusés : la politique répressive des drogues en France, dont nous questionnerons la pertinence et l’efficacité, grâce à plusieurs experts du sujet et responsables politiques.
La politique antidrogues au banc des accusés
Débat introduit par Michaël Hajdenberg
Le tribunal est présidé par Katia Dubreuil, avec Anaïs Vrain et Juliane Pinsart (Syndicat national de la magistrature) comme assesseurs. Il auditionne une série de témoins. Parmi eux :
- Isabelle Audureau, secrétaire CGT (Paca) de la Protection judiciaire de la jeunesse.
- Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et science criminelle à l’université Paul Valéry de Montpellier.
- Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, président de la Fédération Addiction.
- Lia Cavalcanti, présidente d’Espoir Goutte-d’Or (EGO) et experte auprès de la Commission européenne pendant plus de 20 ans.
- Marie Jauffret-Roustide, sociologue, chercheuse à l’Inserm.
- Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, député de Seine-Saint-Denis.
- Sarah Massoud, juge des libertés et de la détention à Bobigny.
- Marie Nougier, porte-parole de l’International Drug Policy Consortium.
- Fabrice Olivet, président de l’association ASUD (Auto Support des Usagers de Drogues).
- Olivier Phan, pédopsychiatre et addictologue.
- Robin Reda, député LR de l’Essonne.
Le procès se conclut par le réquisitoire du procureur Vincent Charmoillaux (Syndicat national de la magistrature) et la plaidoirie de l’avocate de la défense Rachida Dati (ancienne garde des Sceaux, députée européenne LR), avant la délibération finale.
À lire sur Mediapart : notre dossier « Drogues : les raisons de tout changer ».
Source: blogs.mediapart.fr
introduction de la Présidente
Fabrice Olivet: «Ce sont toujours les plus vulnérables qui sont poursuivis»
Sarah Massoud: «Sur le plan judiciaire, le constat d'échec est fracassant»
Lia Cavalcanti: «Les drogues ont toujours existé et n’ont jamais posé de problèmes sociaux»
Robin Reda: «Une politique de dépénalisation serait une hypocrisie»
Yann Bisiou: «Le projet d'amende forfaitaire est très dangereux»
Jean Pierre Couteron:«Nous devons proposer une offre de soins plus complète et plus diversifiée»
Marie Jauffret-Roustide: «Les salles d'injection limitent la transmission du VIH et les overdoses»
Olivier Phan: «Plus la prévention commence tôt, plus on est efficace»
Isabelle Audureau: «Les politiques antidrogues sont néfastes pour les professionnels du terrain»
Marie Nougier: «Les politiques permissives n'entraînent pas de hausse de la consommation»
Procès de la politique répressive des drogues: les réquisitions du Procureur de la République
la plaidoirie de Rachida Dati, avocate de la défense
L'équipe de NORML France a reçu il y a quelques heures la loi de programmation de la justice 2018-2022 présentée par la Ministre Nicole Belloubet.
Photo: Nicole Belloubet et Gérard Collomb.
"C'est officiel, le gouvernement a tranché, l'amende forfaitaire délictuelle sera de 300€ (minorée 250€ si elle est payée dans les deux semaines, majorée à 600€ si c'est après 40 jours). L'amende forfaitaire ne sera pas employée si vous êtes en état de récidive légale.
Par conséquent, si vous avez déjà été condamné pour usage de cannabis, demain, cette amende forfaitaire ne vous concernera pas.
En revanche, si vous n'avez jamais été condamné ou que vous n'êtes jamais passé devant le juge, l'amende forfaitaire vous permettra d'éviter une inscription au casier judiciaire si vous payez évidemment l'amende dans les temps.
Le gouvernement a donc fait un choix, il a décidé de punir plus, de participer à la marginalisation des citoyens et intègre la disposition de l'amende forfaitaire, non pas dans une vraie loi sur les drogues, mais dans un paragraphe caché dans plus de 82 pages de dispositions. Il souhaite vraisemblablement cacher le sujet et faire passer cette mesure dans l'indifférence totale.
Cette initiative politique va dans le mauvais sens, elle constitue un outil supplémentaire pour pérenniser la guerre économique contre les citoyens.
C'est tout simplement inacceptable."
- Béchir Bouderbala. Dir. des affaires juridiques
ENQUETE - A l'occasion de la soirée spéciale de France 2 ce mercredi «La Drogue un échec Français», «20 Minutes» se penche sur la difficile lutte contre le trafic de cannabis...
1,4 million de personnes consomment régulièrement du cannabis en France (illustration)
— Gendarmerie nationale/ DR
20 Minutes est partenaire de la soirée spéciale de France 2 ce mercredi «La Drogue un échec Français».
Depuis des dizaines d’années, les gouvernements successifs prennent des mesures pour lutter contre les trafics de cannabis.
Alors que la France est l’un des pays les plus répressifs, le nombre de consommateurs est un des plus élevés d’Europe. Résultat, des voix s’élèvent pour demander la légalisation de ce produit.
Retour en 2015. Alors ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve annonçait au Parisien une salve de mesures chocs destinées à éradiquer les trafics de drogue qui pullulent dans Saint-Ouen ( Seine-Saint-Denis). Pourtant, trois ans plus tard, force est de constater qu’il est toujours aussi facile de se procurer une barrette de shit en se rendant sur l’un des multiples points de deal de la ville. « Même s’il est en partie moins visible, le trafic de drogue est ici toujours aussi important qu’avant », observe Eddy Sid, porte-parole du syndicat Unité SGP Police-FO en Ile-de-France.
>> A lire aussi : Drogue à Saint-Ouen : "S'en prendre aux consommateurs est la plus mauvaise des solutions"
« Les moyens n’ont pas suivi »
Les policiers parviennent bien de temps en temps à démanteler des trafics et à saisir d’importantes quantités de drogue. Mais ils sont loin d’être assez nombreux pour mener bataille contre les trafiquants et leur armée de petites mains. A Saint-Ouen, la Bac (Brigade anticriminalité) ne compte que dix agents, et la BST (brigade spécialisée de terrain) à peine le double. Pourtant, ces deux unités sont en première ligne. « Des grandes annonces ont été faites, mais derrière, les moyens n’ont pas suivi », déplore Eddy Sid qui dénonce aussi le manque de policiers chargés de « mener les investigations pour faire tomber, ensuite, les réseaux, ou faire en sorte qu’ils ne se reconstituent pas trop vite ».
>> A lire aussi : Une ville sous emprise : Saint-Ouen ou la loi du cannabis
La situation à Saint-Ouen n’est pas exceptionnelle. A l’occasion de la soirée spéciale de France 2 ce mercredi intitulée : « La Drogue un échec Français », 20 Minutes se penche sur la lutte contre le cannabis. « Il y a en France une consommation de cannabis à laquelle vient répondre un trafic extrêmement organisé », explique Michel Kokoreff, professeur de sociologie à l’université Paris 8, auteur du livre La drogue est-elle un problème ? *. Selon un rapport de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), paru en juin 2017, le nombre de consommateurs reste stable : quatre Français sur dix auraient déjà expérimenté le cannabis et 1,4 million de personnes en fument régulièrement, dont 700.000 quotidiennement. Ainsi, « la manne financière issue du trafic de stupéfiants favorise la multiplication des réseaux et points de vente », indiquent les analystes du Sirasco (Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée) dans leur dernier rapport dévoilé en octobre 2017.
« Vider la mer à la petite cuillère »
Dans la majorité des cas, la résine consommée en France est importée du Maroc via l’Espagne, par voie terrestre ou maritime. L’herbe, elle, est souvent acheminée depuis les Pays-Bas. En 2016, les services répressifs français ont saisi 71 tonnes cannabis, 6 tonnes et demie de moins qu’en 2015. Et plus de 180 tonnes de ce produit ont été saisies en mer Méditerranée. Malgré ces prises belles prises, un enquêteur lillois avait confié un jour à 20 Minutes qu’il ne se faisait pas d’illusion quant aux importantes quantités qui parvenaient à rentrer sur le territoire sans être interceptées. Et ce dernier d’ajouter : « On a l’impression d’essayer de vider la mer à la petite cuillère. » Michel Kokoreff affirme que les autorités ne parviennent à mettre la main que sur 10 % de la drogue qui arrive en France.
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Pour autant, il ne faut pas croire que le trafic de cannabis permet à tous les membres des réseaux de s’enrichir. Le professeur de sociologie estime que « ceux qui gagnent vraiment beaucoup d’argent sont minoritaires ». Il qualifie les vendeurs, les guetteurs et les nourrices de « smicards du business » qui se font « un peu d’argent qu’ils flambent » ou qui sert à payer un avocat en cas d’arrestation. Une main-d’œuvre qui semble inépuisable pour les têtes de réseau. Il s’agit souvent de jeunes « broyés par un système scolaire qui ne voulait pas d’eux », qui ont en commun « la pauvreté » et « l’absence de perspectives d’emploi », notent les auteurs d’une étude très fouillés réalisée en 2013 pour l’ORDCS (Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux).
« L’un des pays les plus répressifs »
La multiplication des points de vente entraîne une concurrence féroce entre les réseaux qui n’hésitent plus à s’armer de kalachnikov pour essayer d’éliminer leurs concurrents. En 2016, « sur le ressort de la DIPJ [Direction interrégionale de la police judiciaire] de Marseille, 38 faits visant 51 victimes ont été recensés », écrivent les analystes du Sirasco, soulignant que « la région parisienne est moins impactée » par les règlements de compte puisque 23 cas avaient été recensés cette même année, impliquant 25 victimes. « Les dealers ont plus peur les uns des autres que la police », poursuivent les auteurs du rapport de l’ORDCS, soulignant qu’il est « bien plus difficile de sortir du trafic que d’y entrer ». « Certains le regrettent amèrement a posteriori. »
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« Nous vivons dans l’un des pays les plus répressifs, et pourtant, c’est un de ceux où la consommation de cannabis est la plus élevée. C’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas », estime Michel Kokoreff. La législation française punit lourdement le trafic, mais également la consommation de drogue. Les usagers risquent une peine maximale de 1 an d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende. Mais dans les faits, ces derniers, ne sont sanctionnés que par « de simples rappels à la loi ou des amendes de faible montant », a reconnu en juillet dernier Gérard Collomb, devant les députés de la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Contraventionnalisation
« La réponse pénale n’est pas adaptée car aujourd’hui, les tribunaux sont engorgés et il y a des affaires beaucoup plus importantes à gérer que celles impliquant des consommateurs de stupéfiants », soutient le porte-parole d’Unité-SGP Police FO. Par ailleurs, la procédure est si lourde que, lorsque les policiers trouvent une petite quantité de cannabis, ils préfèrent la détruire et laisser partir le consommateur afin de ne pas perdre de temps et de chercher des quantités de drogue plus importante, nous avaient confiés certains d’entre eux. C’est notamment pour cette raison que le gouvernement a récemment annoncé son intention de contraventionnaliser l’usage de cannabis.
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Les personnes interpellées avec une petite quantité paieront une amende qui pourrait être éventuellement assortie de poursuites pénales. Michel Kokoreff, lui, estime qu’il s’agit d’une « mesurette » qui ne dissuadera pas les usagers de cannabis d’en acheter. Il considère en revanche que légaliser ce produit permettrait d’assécher le trafic dans les cités, à l’Etat de contrôler la qualité du produit vendu, de gagner de l’argent et d’investir davantage dans la prévention. Les forces de l’ordre pourraient aussi se concentrer sur les autres trafics, qui ne sont pas aussi importants.
« Un débat qui semble impossible »
Dans un rapport datant de 2014, la Fondation Terra Nova expliquait également que « la politique de répression est en échec en France » et préconisait « la légalisation de la production, de la vente et de l’usage du cannabis dans le cadre d’un monopole public ». Cette solution, ajoutait le think tank proche du PS, « permettrait de fixer le prix à un niveau plus élevé qu’aujourd’hui de manière à garantir une relative stabilité du nombre de consommateur et du volume consommé ». « Mais en France, regrette Michel Kokoreff, la légalisation du cannabis est un débat qui semble impossible. Jusqu’à maintenant. »
* « La drogue est-elle un problème ? », de Michel Kokoreff, ISBN n°978-2-228-90476-6, 304 pages, 9,15 euros
En juillet 2017, le ministre de l’Intérieur entendu par la commission des Lois fait le constat d’une répression de l’usage de drogues inefficace, sans effet dissuasif, et néanmoins très chronophage pour les forces de l’ordre (1.2 millions d’heures en 2016) L’idée est donc de mettre en place une procédure simplifiée en forfaitisant cette infraction, et de l’inclure dans la future loi de réforme de la procédure pénale.
Tous les chiffres et indicateurs sont éloquents : les interpellations pour usage ne cessent d’augmenter et ce, trois fois plus que celles pour trafic.
- Usage de drogues : 63,7 % en 2012 - 68,1 % des ILS* en 2016
- Trafic : 7,1 % en 2012 - 3,2 % des ILS en 2016
La France est pourtant le pays le plus répressif, et aussi le plus gourmand d’Europe en stupéfiants, notamment cannabis, opiacés, cocaïne et MDMA.
• Pour la dépénalisation de l’usage des drogues
La répression est sans effet sur l’usage de drogues, très peu compatible avec la prévention, l’action publique est en échec flagrant depuis la loi de prohibition de 1970, mais le gouvernement a décidé de persévérer dans une logique punitive.
Une mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants a donc été créée pour évaluer ce dispositif, et alimenter sa réflexion de multiples auditions, experts et parties prenantes dans le débat (police, gendarmerie, justice, etc.) parmi lesquels les représentants de ce qui est relatif aux dispositifs sanitaires et sociaux, toxicomanies et addictions, prévention et réduction des risques, et les usagers de drogues, sont sous-représentés.
• Table ronde Fédération Addiction, CNDCH, et associations d'usagers et de réduction des risques
En préambule du rapport et après avoir indiqué que la loi de 1970 n’avait atteint ses objectifs ni en terme de santé publique, ni dans le registre de la répression, figure l’avertissement suivant :
« Cette mission n’a pas pour objet de réfléchir à la lutte contre la toxicomanie ou à la réforme de la loi du 31 décembre 1970... »
Ça peut sembler paradoxal et cynique, mais au moins c’est clair.
Amende forfaitaire : contravention ou délit ?
Les deux rapporteurs de cette mission se distinguent sur le genre de forfaitisation à mettre en place.
• L’un (Robin Reda, LR) préconise une contravention de 4è ou 5è classe (aux modalités et incidences judiciaires pourtant très différentes) et, si normalement celle-ci éteint l’action pénale, la police pourra toutefois user de solutions alternatives, ou simplement établir une procédure de détention de stupéfiants plutôt que d’usage. Les deux infractions étant concrètement indissociables, bien que figurant pour l’une dans le code pénal, et l’autre dans le code de la santé publique.
Aucune quantité n’étant fixée par loi, le délit de détention peut s’appliquer à tout usager.
• L’autre rapporteur (Éric Poulliat, LREM) plaide pour une amende forfaitaire délictuelle, celle qui a la faveur du gouvernement. Cette amende d’un nouveau genre, initialement créée en 2016 pour être appliquée à deux délits routiers, est restée en suspens, encore inopérante d’un point de vue technique, logistique et juridique.
Malgré cela, c’est l’option retenue en matière d’usage de drogues, infraction pour laquelle, en plus, des dispositions spécifiques annexes seraient nécessaires.
L’amende forfaitaire délictuelle sanctionne un délit via l’agent verbalisateur, elle s’inscrit dans le TAJ* et, de caractère optionnel, elle permet de conserver les possibilités de coercition et d’enquête propres à cette catégorie d'infractions.
La forfaitisation de l’infraction d’usage de drogues n’est qu’une réponse pénale de plus, qui s’ajoute à celles prévues par la loi, mais qui va permettre une répression accrue et systématisée.
(la DACG* prévoit déjà que ce dispositif entraînera une augmentation des interpellations)
Mise à jour 14 mars 2018
• Projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022
Au chapitre Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire, il est indiqué (pages 40-41) que c’est l’amende forfaitaire délictuelle qui sera donc appliquée, et que l’article L. 3421-1 du code de la santé publique sera modifié par le rajout de l’alinéa suivant :
« Pour le délit prévu au premier alinéa, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. »
(le rapport de la mission d'information avait préconisé une amende d'un montant compris entre 150 et 200 euros)
Sur le terrain, que fait la police ?
Le dispositif de l‘amende forfaitaire délègue donc la réponse pénale à l’infraction d’usage de drogues aux forces de l’ordre, plus que jamais en première ligne de la politique publique des drogues.
Pragmatique ?
Il conviendra d’équiper les patrouilles de smartphones et tablettes NEO pour un accès direct au TAJ (les antécédents judiciaires étant incompatibles avec l’amende forfaitaire) et de quoi éventuellement percevoir l’amende sur le lieu de l’infraction. Mais aussi de kits de détection, de balances de précision, d’un matériel avec scellés dédié aux saisies, afin de s’assurer et garantir la validité de la procédure - aussi indispensable en cas de contestation de l’amende, recours dont le traitement fait déjà partie des prévisions négatives de ce dispositif.
Les représentants des forces de l’ordre ont émis une réserve quant au fait que l’amende immédiate prive de la possibilité de relevé d’empreintes des usagers de drogue interpellés pour alimenter le FAED*. Qu’à cela ne tienne, il leur sera remis une convocation à se rendre au commissariat dans les 48 heures.
Simplification ?
• Les mineurs sont exclus de l’application de l’amende forfaitaire.
Leur cas sera examiné par une mission d’information ultérieure qui déterminera quel genre d’interdit pénal peut être approprié aux plus jeunes consommateurs de drogues.
(En 20 ans, le nombre de mineurs mis en cause pour ILS a été multiplié par 4 (x2 pour les majeurs). Dans le même laps de temps, les condamnations pour ILS des moins de 18 ans sont multipliées par six )
• Les usagers de drogues ayant des antécédents judiciaires et ceux en récidive sont exclus eux aussi. À ces cas, la procédure de droit commun (garde à vue, etc) s’applique.
Les notions de récidiviste et de primo-délinquant sont toutefois pratiquement un non-sens s’agissant de la consommation de drogue, qui par définition et dans les faits, désigne une conduite réitérée.
Logique et responsable ?
• Exclus aussi du dispositif, les usagers de drogue problématiques.
Il reviendra au procureur de définir ce qu’est un "usager problématique".
« il appartiendra aux parquets (via une circulaire générale du garde des sceaux), maîtres de l’opportunité des poursuites, de préciser dans le cadre de leurs instructions le "profil" des personnes susceptibles de ne pas se voir infliger l’amende forfaitaire. »
Et il incombera aux policiers et gendarmes de les identifier selon les instructions du Parquet, et d’appliquer la procédure habituelle.
Ce qui relève de la santé de l’usager de drogues, d’une conduite à risques qui pourrait faire l’objet d’une mesure spécifique, devra donc être évalué sur la voie publique dans le temps de l’interpellation.
Autant dire qu’il s’agit là d’une porte grande ouverte à l’approximation, l’erreur de discernement, voire à l’arbitraire.
Conséquences et incohérences
À la lecture de ce rapport, on se rend compte qu’au fur et à mesure que les modalités de ce nouveau dispositif sont décrites et discutées, autant de contraintes, de complications et de contradictions s’y ajoutent quand il s’agit de réprimer le simple usage de drogues.
Et à entendre les divers débats et tables rondes de cette mission d’information, même les deux parlementaires émettent des réserves, et semblent parfois douter de la validité de cette mesure…
Cette forfaitisation sera donc expérimentée sur un temps limité à une échelle locale.
Ce dispositif d’amende forfaitaire délictuelle n’a encore jamais fait ses preuves ni même été appliqué.
Le gain de temps pour la police et la justice, argument initial pour sa mise en place, est non seulement difficile à évaluer, mais vu les exceptions à cette nouvelle règle, et vu le nombre de recours qui s’annonce massif, il sera probablement dérisoire.
L’amende forfaitaire est la solution retenue car elle permettrait d’harmoniser la réponse pénale jugée illisible et disparate d’un parquet à l’autre.
Or, l’individualisation de cette réponse est pourtant indispensable s’agissant d’une conduite individuelle ayant une incidence sur la santé. C’est en tout cas ainsi - aussi incohérente et inefficace soit-elle - que la loi considère l’usage de drogue, infraction figurant dans le code de la santé publique.
Ce dispositif exclut donc de fait d’assortir une mesure sanitaire à la répression pénale.
Il est toutefois prévu la mention d'une adresse de structure prenant en charge les toxicomanies et addictions au verso de l’avis de contravention.
Ouf. L’esprit de la loi de 1970 est donc sauvé...
Il s’agit d’une sanction discriminante à plusieurs titres.
• Selon les modalités mêmes de cette procédure, un primo-délinquant redevable d’une amende pourrait être sanctionné plus sévèrement qu’un récidiviste, dirigé vers un magistrat qui lui ferait un rappel à la loi, ou ordonnerait une injonction thérapeutique.
• Cette procédure simplifiée s’appliquera sans surprise à une population bien spécifique : celle des quartiers populaires, jeune, la moins solvable, et surtout la plus vulnérable d’un point de vue sanitaire et social.
Les chiffres indiquent pourtant que les classes moyennes consomment davantage que les plus précaires. Et aussi que toutes les tranches d’âge sont concernées par l’usage de drogues.
Alors est-ce véritablement l’usage de drogues qui pose problème ?
La répression s’applique-t-elle à une conduite individuelle à risques, ou plus confusément, à un comportement ou à des individus ?
Le ministre de l’Intérieur donne une réponse sans ambiguïté à cette question.
Tout ça pour ça…
Après que le rapport de la mission d’information parlementaire lui ait été remis, le ministre n’évoque plus que le cannabis (Europe1 le 25 janvier 2018) Dans ce document, et de façon récurrente, les deux députés insistent pourtant sur le principe, important selon eux, de ne pas faire de distinction entre les stupéfiants, ce qui avait mis tout le monde d’accord.
« (les rapporteurs) considèrent, en outre, que cette procédure d’amende forfaitaire doit concerner tous les stupéfiants sans distinction juridique ou de politique pénale selon le type de substance en cause. En effet, l’évolution de la composition des différents stupéfiants, l’apparition de « nouveaux produits de synthèse » (NPS) et le développement de la poly-consommation font que la distinction entre « drogues douces » et « drogues dures » n’est plus pertinente aujourd’hui. Par ailleurs, cette distinction pourrait accroître le sentiment de « banalisation » du cannabis dans l’opinion alors que sa consommation atteint un niveau préoccupant en France, notamment parmi les jeunes, et que sa composition en THC a beaucoup évolué ces dernières années. »
Bref, plus personne ne parle de stupéfiants ni ne s’interroge de la subtilisation de ce mot dans le discours, c’est le cannabis qui fera recette sans qu’on comprenne pourquoi les autres drogues sont écartées de cette forfaitisation.
Les uns feront donc l’objet d’une amende, et les autres resteront sous le coup de la loi de droit commun. Rendant donc sans objet l’argument d’équité de traitement par la forfaitisation, et faisant du même coup perdurer le mythe de la drogue dure et de la drogue douce, au mépris de la réalité des usages de drogues.
Mais surtout, on apprend (BFM le 9 février 2018) que la contraventionnalisation de l’usage de cannabis fera partie d’un ensemble de forfaitisations de petits délits, manière de taper tout de suite au porte-monnaie pour travailler à la reconquête républicaine de certains quartiers, charge à la nouvelle police de sécurité du quotidien d’encaisser le jackpot contraventionnel, de préférence sur place et sans délai.
L’usage de drogues (de cannabis, donc) se trouve purement et simplement classé dans la catégorie des incivilités et ne serait in fine qu’un problème d’ordre public.
En 1970 la loi s’était fixé, en théorie, de sanctionner pénalement les seuls usagers se soustrayant aux soins. Avec le temps, le prétexte sanitaire de la répression est apparu de moins en moins évident, avec la contravention il est purement et simplement dissocié de l’usage de drogues.
Quant à la "police de sécurité du quotidien", on va se dépêcher d’oublier qu’elle aurait pu être le vecteur d’un apaisement et d’un rapprochement avec la population, notamment celle avec qui elle partage crainte et inimitié. Oubliée aussi, la prévention, celle qui fait partie des missions de police un peu trop négligées, qui ne connaît pas la politique du chiffre mais donne du sens au principe de service public.
Le ministre de l’Intérieur, parangon de la révolution numérique pour une police du XXIème siècle, fera de ces îlotiers équipés pour une optimisation du rendement, les artisans d’une police sans âme, et d’impopulaires collecteurs de taxes pour un État proxénète irresponsable.
Moralité de l’histoire : un rendez-vous manqué avec la raison
Avec cette grosse usine à gaz de forfaitisation, une fois de plus, la question impérative sur la politique des drogues et de santé publique est contournée.
La prohibition et la répression restent le principe, sourd à tous les signaux d’alarme qui s’allument les uns après les autres.
Le constat de l’inutilité de la répression de l’usage de drogues est unanime.
Les pays qui y ont renoncé en tout ou partie, n’ont pu qu’observer des résultats positifs, tant en matière de santé publique, de réduction des risques, et de sécurité.
En juin 2017, l’OMS et l’ONU dans un communiqué conjoint appellent à "Réviser et abroger les lois punitives qui se sont avérées avoir des incidences négatives sur la santé et qui vont à l’encontre des données probantes établies en santé publique (s’agissant de) consommation de drogues ou leur possession en vue d’un usage personnel".
La prohibition génère une insécurité incontrôlable liée au trafic, notamment celui du cannabis qui représente un important marché, à la mesure du nombre de consommateurs.
Le trafic n’a que faire de l'interpellation et la répression des usagers ou de la forfaitisation, les prix sont stables, signe qu’il se porte bien, et à force de réactivité et d’adaptation, il a souvent une longueur d’avance sur l’action policière.
La régulation du marché du cannabis est une question qui ne pourra d’ailleurs pas être évitée ad vitam aeternam.
Il y a urgence à changer de politique.
L’information et la prévention sont inaudibles, et quasiment clandestines, l’usager-délinquant privilégiant la discrétion à la réduction des risques.
L’interdit participe largement au problème de santé publique. De nouveaux produits apparaissent régulièrement, la cocaïne est de plus en plus pure, la festive MDMA s'invite dans les Samu, le taux de THC du cannabis de rue est élevé, le Fentanyl - qui a fait baisser l’espérance de vie aux USA, depuis deux ans, à coups d’overdoses est désormais un produit de coupe de l’héroïne en France. Etc.
Informer sans tabou, prévenir et soigner sont les seules options d’intérêt général. La dissuasion ne passe pas par la répression. Les mineurs n'ont que faire des interdits, bien au contraire. Et l’usage de drogues ne peut raisonnablement pas être résumé à un trouble à l’ordre public, et n’avoir qu’une approche sécuritaire après bientôt 50 ans de prohibition en échec.
Si le travail de la police et la justice doit être concentré sur le trafic - un autre prétexte sibyllin de la forfaitisation - qu’à l’instar du Portugal, les usagers interpellés avec une quantité de drogue limitée à une consommation personnelle, soient dirigés, via une procédure administrative, vers une commission qui se chargera d’évaluer leur situation sanitaire et sociale, et décider de la suite à donner.
Et que l’usage de drogues soit purement et simplement dépénalisé
Sans demi-mesure répressive.
Rapport de la mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants - Assemblée Nationale 25 janvier 2018
ILS : Infraction à la Législation sur les Stupéfiants
TAJ : Traitement des Antécédents Judiciaires
DACG : Direction des Affaires Criminelles et des Grâces
FAED : Fichier Automatisé des Empreintes Digitales
L'usage de cannabis ne devrait plus être un délit et une commission parlementaire a entendu les usagers, comme les policiers, les juges ou les parents. Il reste à faire un pas vers la banalisation du pétard.
Photo - Capture écran d'un ancien reportage de karl Zéro dans les vosges
Une bouteille à moitié pleine, un joint à moitié fumé, les métaphores macroniennes sont de sortie à la lecture du rapport remis par la commission parlementaire chargée d’étudier une procédure d’amende pour le délit d’usage de stupéfiants. C’est également un débat qui exclut toute référence à la motivation essentielle du public, celui du plaisir que l’on a à consommer une substance psychoactive.
La question demeure, le plaisir des drogues est-il susceptible de «contravention» ? La sacro-sainte loi de 1970 ampute le débat de son argumentaire le plus efficace : si l’on consomme des drogues c’est d’abord parce que «ça fait du bien».
En marche vers la légalisation ?
Peut-on aujourd’hui se permettre de tels propos qui valent toujours cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende selon l’article L3421-4 du Code de la santé publique qui criminalise toute présentation des stupéfiants sous un jour favorable ? La réponse est oui, parce que les temps ont changé. Le leader mondial de la prohibition de drogues a tourné casaque. Empêtré dans une effroyable épidémie d’overdoses, l’Amérique ne parle aujourd’hui que traitement médical et prise en charge compassionnelle. Fini l’incarcération de masse des habitants du ghetto, qui fonde l’histoire de la «war on drugs».
Même le président Trump, entouré de féroces guerriers antidrogues comme Jeff Session, le ministre de la Justice, ne peut se résoudre à braver son électorat très attaché à la liberté individuelle, aux valeurs du marché, et aux droits des Etats qui libéralisent le cannabis les uns après les autres. Cette Amérique Blanche issue des classes moyennes, prend du cannabis pour se soigner ou pour s’éclater, et elle ne veut plus mourir d’overdoses par voie de prescription. Aujourd’hui les Etats-Unis et bientôt le Canada, donnent le signal du redéploiement international vers les marchés légaux du cannabis, en attendant d’autres substances.
Des plaquettes de chocolat à la la marijuana, le 16 janvier, à Oakland, en Californie. L’usage des drogues douces est devenu légal dans cet Etat américain. (Photo Justin Sullivan. Getty. AFP)
Le projet de contraventionnalisation si décrié est peut-être la première étape d’En marche vers cette régulation de stupéfiants à but si lucratif. Une contravention c’est avant tout un signe adressé aux consommateurs, aux usagers, interpellés non plus au titre du délinquant ou du malade, mais à celui du contribuable en attendant de pouvoir s’adresser au citoyen. En décidant de l’objet même de la commission parlementaire le gouvernement LREM a conscience du saut qualitatif qu’il accomplit. Jusqu’ici toutes, absolument toutes, les discussions publiques orientées vers une modification de la loi s’adressaient aux policiers, bien sûr, et aux parents. Les consommateurs étant considérés comme d’éternels mineurs. Or parmi les auditionnés figurent des policiers et des juges, certes, mais aussi des associations d’usagers de drogues parmi lesquelles Autosupport des usagers de drogues (Asud) (1).
Robin Reda, le flic gentil
L’une des curiosités du rapport et non des moindres est de voir Robin Reda, jeune loup LR, plaider pour une simple amende déjudiciarisée, dès lors que le trouble à l’ordre public n’est pas constaté. Le policier, dressé à la chasse aux petits délinquants a tendance à percevoir le trouble à l’ordre public selon une gamme chromatique toute personnelle où l’apparence physique, l’habillement, la coiffure, les mauvaises langues ajoutant l’origine ethnique (2), tiennent une place toute subjective, source de bien des interprétations.
Dans un message subliminal adressé aux classes moyennes jeunes et diplômées, la rumba «en même temps» de la commission prend alors tout son sens. Robin Reda, c’est un peu le flic gentil quand son corapporteur, Eric Poulliat, issu lui d’En marche, propose une pénalité financière qui reste inscrite au casier judiciaire. L’apôtre de l’arbitraire policier déguisé en ami des fumeurs de joints. Vous avez dit poudre de perlimpinpin ?
A revoir -> le programme de la Mission d’information et les enregistrements vidéos des auditions publiques
Eux et nous
Revisitons d’autres débats de nature comparable. Le mariage pour tous par exemple. Pour polémique qu’il fut, il a vu s’affronter des associations LGBT et des associations familiales à orientation confessionnelle, sans intermédiaire superflu. Autre sujet sensible, la pénalisation des clients de prostitués. Son arène médiatique fut un tremplin pour des associations de travailleuses et de travailleurs du sexe, comme le Strass. On a même vu des personnalités célèbres endosser le costume particulièrement voyant du client de prostitué.e.s adultes et consentants.
Mais pour les drogues, le rituel du «eux» et «nous» reste de mise dans la plupart des grands médias. Eux les «drogués», nous «les parents». Eux les «addicts», nous «les soignants». Eux les «dealers», nous les «policiers». Le débat sur les drogues n’a pas encore atteint son âge sa majorité légale. Nous oublions que ce fut longtemps le cas de la parole homosexuelle coincée entre le témoignage d’un «inverti» et le diagnostic d’un psychiatre. On oublie également que le combat féministe aussi a dû subir aussi ce préjugé de «minorité perpétuelle» qui faisait de l’Eglise catholique le censeur acharné de la sexualité des femmes. Le plaisir des drogues est entravé par ces mêmes dispositions juridiques qui ont si longtemps régi le plaisir des femmes et celui de gays, il est illicite.
Alors ayons le courage de dire que le véritable débat devrait nous épargner l’hypocrisie du «eux» et «nous». Une discussion qui mobilise la convivialité, le partage, la découverte, la culture quand elle s’applique au fruit de la vigne et qui devient suspecte quand elle franchit la barrière de l’illicite. Le «plaisir des drogues» est en réalité une simple banalité neurobiologique. Une banalité qui, en l’état de la législation, fait de nous tous les otages potentiels de la police et en même temps des mafias.
(1) La «contraventionalisation» de l’usage de stupéfiants : un bâton en forme de carotte. Mediapart
(2) La guerre aux drogues : une guerre raciale. Libération
Par Fabrice Olivet Directeur de l'association Asud (Autosupport des Usagers de Drogues)
La liberté d’expression est limitée en France lorsqu’on vient à parler des effets des stupéfiants.
Selon le code de Santé Publique, article L3421-4, toute présentation sous un jour favorable de l’usage de stupéfiants, cannabis inclus, est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75000€ d’amende. Commise dans des établissements d’enseignement ou d’éducation, l’infraction est passible de 7 ans d’emprisonnement et de 100000€ d’amende.
Mais doit-on pour autant nier les milliers de recherches qui pointent les bienfaits du cannabis sur la santé ?
Renaud Colson, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Nantes, répond dans la vidéo ci-dessous à cette épineuse question. Savant troll, il pointe l’incohérence entre le discours sur l’alcool, drogue légale, et le discours de facto biaisé sur les drogues illégales.
La loi française tente bien de limiter la liberté d’expression, mais est subordonnée à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont l’article 10 dispose que toute personne a droit à la liberté d’expression, renforcé par un jugement de la Cour de Strasbourg, le 7 décembre 1976, qui statue que cela vaut pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent.
Renaud Colson tentera de répondre dans une prochaine vidéo à la question de savoir si la prohibition française de l’usage de cannabis est conforme à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui dispose que la Liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et que la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société.
Source: newsweed.fr
L’article L3421-4 du Code de la santé publique punit de 5 ans d’emprisonnement la présentation sous un jour favorable de l’usage de cannabis. Cette disposition législative s’oppose-t-elle à la description des nombreux effets thérapeutiques de cette plante ? On peut en douter au regard de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège la liberté d’expression. L’usage de cannabis médical reste néanmoins interdit et passible d’une sanction pénale, y compris pour les malades en fin de vie.
Présentation de l'intervenant: Renaud Colson est maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Nantes, membre du laboratoire Droit et Changement Social (UMR CNRS 6297).
Honorary Lecturer et British Academy Visiting Fellow à l’université de Cardiff, il a été Marie Curie Fellow à l’Institut universitaire européen de Florence (2011-2013) et visiting scholar à l’université Jawaharlal Nehru (New Delhi) en 2016.
Ses recherches portent, entre autres, sur le droit pénal (comparé et européen) et sur les politiques de lutte contre les drogues et la toxicomanie. Sur ce sujet, il a notamment dirigé trois ouvrages collectifs : La prohibition des drogues. Regards croisés sur un interdit juridique (Presses universitaires de Rennes, 2005), Les drogues face au droit (Presses universitaires de France, 2015), et European Drug Policies: The Ways of Reform (Routledge, 2017).
STUPEFIANT Le fils de l’ancien président de la République a publié une tribune sur le site Internet d’un journal conservateur américain où il prône la légalisation des drogues…
Photo: Louis Sarkozy vient de signer une tribune prônant la légalisation des drogues. (Illustration)
— JOHN SPENCER/SIPA
« Lega, legalización (cannabis) », chantait le groupe espagnol Ska-P en 1996. Pas dit que ce soit le genre de musique qu’écoute Louis Sarkozy. Mais le fils de l’ancien président de la République vient de faire un plaidoyer (en anglais, lui) en faveur de la légalisation complète des drogues.
Le HuffPost a repéré la tribune signée par Louis Sarkozy sur le site de l’hebdo américain conservateur Washington Examiner où le jeune homme de 20 ans estime que la « criminalisation [des drogues] nuit à la société ».
La répression « du temps et de l’argent gâché »
Dans sa tribune, Sarko Junior, son pseudo sur Twitter, compare la répression actuelle sur les drogues à la prohibition sur l’alcool dans les années 1920 aux Etats-Unis. Loi abrogée 13 ans après, alors que « les citoyens étaient contraints d’acheter [de l’alcool@ à des criminels et des trafiquants ». Pour Louis Sarkozy, la politique de répression sur la drogue est également un échec avec « du temps et de l’argent gâchés ».
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Le jeune homme cite également l’économiste Milton Friedman « ardent défenseur de la légalisation des drogues ». Pour le prix Nobel 1976, il n’était pas juste que le coût de la répression sur les stupéfiants soit à la charge des Américains. Louis Sarkozy estime qu’en « 2016, le gouvernement a dépensé plus de 50 milliards en vain ».
La question a été posée à Joaquim Pueyo, lors du premier conseil consultatif citoyen qu’il organisait jeudi 9 février à Alençon. Le député nouvelle gauche de la 1re circonscription de l’Orne a annoncé, sur ce sujet, et sur d’autres, la mise en place d’ateliers.
Photo: Joaquim Pueyo, député ornais, souhaite réunir les citoyens une fois par trimestre,
pour recueillir leur avis sur l’éducation, l’emploi, la santé... | Yasmine Mousset
Revenu universel, éducation, jeunesse, emploi, désertion des urnes, handicap, mobilité… Les sujets abordés par les habitants étaient nombreux jeudi 9 février à la halle aux Toiles à Alençon. Une centaine de personnes, dont des élus et responsables associatifs, ont répondu à l’invitation de Joaquim Pueyo, député nouvelle gauche de la première circonscription de l’Orne, qui souhaite mettre en place un conseil consultatif citoyen.
Après une courte vidéo montrant le député au travail (réunion avec des élus, questions au gouvernement…), le jeu des questions-réponses est lancé.
« Pourquoi les jeunes ne veulent pas rester sur Alençon ? », interroge Laurent, un Alençonnais depuis 15 ans.
Tony Touiller, salarié de la radio alençonnaise Radio Pulse, enchaîne : « Avec mon travail, je suis en contact avec la jeunesse, je recueille leurs confidences. Si vous voulez qu’il y ai plus de jeunes, j’ai une proposition simple : je trouve qu’il serait intéressant que l’Orne soit un département test sur la légalisation du cannabis. Je regrette de rencontrer des jeunes qui commencent leur vie d’adulte avec un casier judiciaire ».
Pas idiot
Pour le député, « ce n’est pas une question idiote. Je n’ai jamais été fumeur mais je suis quand même ouvert à cette problématique. La France compte 11 millions de consommateurs réguliers alors qu’elle est très répressive. Le répressif ne marche pas. Pour autant je suis pour la prévention, pour prévenir des conséquences. Je prends cette proposition qui peut paraître provocante. Elle ne l’est pas. Ça peut être un atelier au sein du Conseil consultatif citoyen avec plusieurs témoins pour et contre. J’espère que l’on va pouvoir attirer des jeunes avec ce conseil ».
Pour terminer cette première réunion, les citoyens présents étaient invités à s’inscrire aux ateliers par thématiques ciblées. « Il y aura une suite », promet le député. À suivre donc.