Madame, monsieur du Parti socialiste
Vous appelez les Français à participer à l'élaboration de votre programme. Voici la contribution des 6 millions de consommateurs de Cannabis.
Car les adhérents et sympathisants du CIRC, que je représente, ont avec vous un point commun, un désir d'avenir, un désir d'un autre avenir. Car le présent des consommateurs de Cannabis n'est pas rose : circulation de produits frelatés voir dangereux, violence du marché noir, stigmatisation continuelle des pouvoirs publics de l'UMP, répression exacerbée avec 147 000 infractions constatées l'année dernière, des millions d'euros d'amendes distribuées, des centaines d'années de prison et tout cela pour rien.
Pour rien parce que le trafic continue, parce que le nombre de consommateurs ne diminue pas, parce que le nombre et la quantité de drogues (drogues synthétiques, cocaïne boostée, ...) mises sur le marché illégal ne diminue pas. Concernant les risques réels que peut comporter la consommation des drogues pour la santé, rien de tangible non plus depuis 2002.
Tandis que l'apport majeur des gouvernements précédents avait été la création de la Mission interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, les associations de consommateurs se sont emparées du concept de réduction des risques et de son pendant, la pédagogie des drogues (pédagogie du risque pour apprendre à éviter d'en prendre), tandis qu'autant le CIRC, qu'ASUD, Médecins du Monde, pour ne parler que d'acteurs connus et reconnus, appréciaient le dialogue constructif qui pouvaient se nouer avec les professionnels de la MILDT avant 2002, De Villepin, Sarkozy n'ont eu de cesse de casser cet outil pour le transformer en un instrument de pure et simple répression, niant l'apport des associations d'usagers de drogues, niant même les discours majoritaires des professionnels de la Santé dont aucun ne pense que la place des drogués est la prison.
Pendant ce temps, depuis les années 2000, le quasi ensemble de pays européens ont rejoints la partition jouée aux Pays Bas avec pour axe majeur la dépénalisation complète de la possession de petites quantités de cannabis. En Angleterre, dans certains Lander allemands, en Italie, Espagne, le consommateur de Cannabis n'est plus condamné que s'il trafique. Dans ces pays, le consommateur de Cannabis n'est soigné que s'il est malade.
Car tous les consommateur de Cannabis ne se rendent pas malades. J'aimerai d'ailleurs attirer votre attention sur les cas dramatiques des malades (sclérose en plaques, glaucome, HIV, ...) qui savent que le Cannabis apporte du soutien à leurs camarades européens, Nord américains tandis qu'en France, il ne leur sera même pas accordé de circonstances atténuantes lorsque rattrapés par la Justice.
Tous les consommateurs de Cannabis ne ressemblent pas à la caricature conservatiste d'un Sarkozy avec son syndrome amotivationnel, sa schizophrénie obligatoire. La majeure partie de consommateurs de Cannabis le font comme pour l'alcool avec modération. C'est d'ailleurs pour mieux aider ceux qui sont un peu trop tombé à cause de l'abus que nous aimions travailler avec la MILDT. Mais que l'on laisse tranquille les fumeurs tranquilles. Que les parents d'adolescents fragiles puissent se renseigner et agir calmement pour éviter le dérapage de leur progéniture.
10% de la population française, 6 millions de Français votant, savent, pour avoir goûté, la faible dangerosité du Cannabis pris avec modération. Vous en connaissez plein autant que de personnes utilisant des psychotropes légaux.
Or le paragraphe de votre "projet socialiste pour 2007" sur le Cannabis n'est pas clair. Difficile en effet de savoir si sous le terme de "régulation publique" du Cannabis que vous y mentionné, il s'agira des propositions de Malek Boutih soumises à vos instances dirigeantes au mois de juin et une approche plus hollandaise ou d'une perpétuation du modèle obsolète de la prohibition. Vous inspirerez vous de l'expérience de nos voisins européens ? Vous rallierez vous au rapport Catania voté par le Parlement européen en faveur d'une réelle réduction des risques, d'un soutien aux organisations de consommateurs ? Ne pensez vous pas que l'utopie prohibitionniste a suffisamment démontré son échec flagrant autant que dangereux ?
Le Collectif d'information et de recherche cannabique, ses adhérents et sympathisants, attendent beaucoup des prochaines élections présidentielles. Nous attendons de réelles et modernes propositions de votre part. Vous devez engager cette rupture car une société sans drogue n'existe pas (cit.: Anne Coppel). Le CIRC se tient à votre disposition pour dialoguer sur le thème de la légalisation, de la dépénalisation du Cannabis et que la raison triomphe du bâton.
Arnaud Debouté, président de la fédération des CIRC