Voilà ce qui s'appelle soigner son entrée. Dans son premier entretien à la presse, en l'occurrence au Parisien, Etienne Apaire, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur et tout nouveau président de la Mildt, a annoncé ce jeudi la prochaine mise en place de "stages" payants obligatoires pour les fumeurs de cannabis pris la main dans le sac, sur le modèle de ce qui se fait déjà pour les points de permis de conduire.
Source : Rue89
La mesure a en fait été votée, dans l'indifférence générale, par l'Assemblée au mois de mars, lors de l'examen de la loi sur la délinquance. D'autres dispositions avaient alors été adoptées par le législateur, comme l'aggravation des sanctions (pour les dépositaires d'une mission de service public, pour les dealers exerçant devant des locaux administratifs...) ou la généralisation de l'injonction thérapeutique. Autant de mesures passées à la trappe sans explication dans le décret d'application publié, lui aussi dans l'indifférence (y compris de l'auteur de ces lignes), le 28 septembre.
Sur le principe, difficile de s'opposer à ces "stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants". Mieux vaut, en effet, voir un usager en stage qu'en prison. Et informer les consommateurs n'est jamais une mauvaise chose, comme le rappelle le professeur Michel Reynaud, président de la Fédération française d'addictologie:
Seulement voilà, comme l'a rappelé ce matin Etienne Apaire, ces stages ne viennent pas remplacer les peines de prison mais s'y ajouter. La France reste ainsi (avec Chypre, la Grèce, la Finlande et la Suède) l'un des rares pays de l'Union européenne à prévoir l'emprisonnement des simples consommateurs de cannabis (lire le rapport de l'OEDT). Une peine qui n'est pas que théorique, comme aime à le faire croire le gouvernement: près de 100000 personnes ont été arrêtées en France en 2005 pour simple usage de cannabis.
Or la France est, avec le Royaume-Uni, le pays d'Europe ou les jeunes fument le plus de joints. Des données qui rappellent le manque criant de prévention dans le dispositif français de prise en charge de la toxicomanie. Ce que regrette le Pr Reynaud:
Concrètement, les stages devraient durer deux jours et être animés par des médecins, psychologues, policiers, intervenants en toxicomanie. Ils viseront à "faire prendre conscience au condamné des conséquences dommageables pour la santé humaine et pour la société de l'usage de tels produits". Ils seront payants pour le contrevenant, mais leur prix ne devrait pas dépasser 450 euros selon le décret d'application.
L'objectif est d'apporter une réponse systématique aux infractions sur la législation sur les stupéfiants sans engorger les tribunaux. Mais si la loi était réellement appliquée, plus de 500 personnes seraient à terme envoyées chaque jour dans ces stages. Qui paiera la facture? Qui sera chargé de les organiser? D'après le Pr Reynaud, les professionnels n'ont pas encore été approchés par le gouvernement pour en discuter, alors qu'Etienne Apaire annonce un démarrage courant 2008.
"Nous choisissons d’être moins durs en théorie pour être enfin efficaces en pratique", déclarait l'alors ministre Sarkozy à l’Assemblée en novembre. Malgré la hausse de la répression durant son passage place Beauveau, les chiffres de la consommation de drogues sont restés invariablement à la hausse.
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