"L'opinion majoritaire actuelle qui soutient la guerre à la drogue en général et nos lois anti-marijuana en particulier me rappellent celle qui soutenait l'interdiction fédérale de consommer de l'alcool quand j'étais écolier. Alors que les boissons alcoolisées sont désormais considérées comme des produits ordinaires, leur utilisation était alors condamnée avec la même ferveur morale qui soutient aujourd'hui la guerre à la drogue."
Source : Rue89.com
https://www.rue89.com/files/20070702Stevenscoursupreme.jpg[/img]L'homme qui a tenu la semaine dernière ces propos n'est pas un hippie qui ne serait jamais redescendu d'un trip au LSD depuis les années 30 mais l'honorable John Paul Stevens, rien moins que juge à la Cour suprême des Etats-Unis. Il est même, à 87 ans et à en croire le Washington Post, le troisième plus vieux membre de l'histoire de la Cour suprême. Ce qui fait que John Stevens est né, à Chicago, l'année de l'entrée en vigueur de la prohibition et avait 13 ans lorsqu'elle a pris fin. Certainement pas grâce à sa mère, qui avait pour devise, toujours selon le Washington Post: "Des lèvres qui ont goûté au vin ne goûteront jamais aux miennes."
Au nom de cette expérience, qui semble avoir été douloureuse, le juge Stevens demandait que l'on respecte la parole de ceux qui, "même à mauvais escient", défendaient l'idée que la prohibition est "futile" et que l'herbe devrait être légalisée, taxée et régulée plutôt qu'être interdite.
Une opinion qui ne semble toutefois pas être celle de ses collègues, puisque la Cour suprême a décidé, contre l'avis de son aîné donc, que la Constitution ne protégeait pas le discours pro-drogues tenu par un étudiant. En l'occurrence un lycéen alors âgé de 18 ans, originaire de l'Alaska, qui avait, le 24 janvier 2002, tenu avec des amis une banderole "Bong hits 4 Jesus" ("Le bong arrive pour Jésus") lors du passage de la flamme olympique à Juneau, direction Salt Lake City.
A l'origine, c'est l'étudiant qui attaquait en justice sa proviseure. Et ce pour l'avoir suspendu à la suite de cette affaire, qui, certes s'inscrivait dans le cadre d'une sortie organisée par l'école, mais n'avait pas eu lieu dans l'enceinte de cette dernière. Contrairement à la cour d'appel, la Cour suprême a donc donné raison au défenseur de la proviseure (un certain Kenneth Starr), déclarant qu'elle n'avait pas porté atteinte à la liberté d'expression de l'élève. Et que si les élèves avaient bien droit à la protection du Ier amendement, tel n'était plus le cas s'il s'agissait de promouvoir les drogues.
Décision qui a déchaîné les passions et une certaine incompréhension dans les médias (en anglais) et au sein des associations antiprohibitionnistes, au pays de la liberté d'expression. "Ils disent que liberté de parole est totale dans les écoles, mais qu'on ne peut pas défendre l'usage de drogues", regrette ainsi Eric Sterling, membre de l'association des Etudiants pour une politique des drogues raisonnable. "Si le gouvernement peut aujourd'hui nous faire taire à propos de la guerre à la drogue, il le pourra demain pour la guerre en Irak et pour le réchauffement climatique après-demain", conclut un blogueur du Huffington Post.
Arnaud Aubron
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