La Convention contre le trafic illicite est la seule des trois conventions à aborder les droits de la personne. Le paragraphe 14(2) de la Convention contre le trafic illicite oblige explicitement les parties à « respecter les droits fondamentaux de l’homme » lorsqu’elles adoptent des mesures en vue de prévenir et d’éliminer la culture illicite de plantes contenant des substances narcotiques ou psychotropes, telles que le pavot, le cannabis et le coca. La même disposition oblige les États à tenir compte des usages licites traditionnels – lorsqu’il existe des preuves historiques de tels usages – et de la protection de l’environnement.
Source : Rapport du comité spécial du Sénat canadien sur les drogues illicites
Soulignons trois éléments qui donnent aux États, au Canada inclus, une certaine marge de manoeuvre. Le premier est que les conventions reconnaissent la primauté des systèmes juridiques nationaux. En fait, les conventions internationales sur les stupéfiants n’ont pas d’application directe en droit national. Pour leur donner force sur le territoire national, l’État doit adopter une loi, au Canada la Loi sur les drogues et autres substances contrôlées. Spécifiquement, les conventions stipulent diversement que les mesures proposées de pénalisation sont faites « sous réserves des dispositions constitutionnelles » ou « compte tenu des régimes constitutionnel, juridique et administratif » des parties. Au Canada, les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les interprétations qu’en donne la Cour suprême sont des pièces maîtresses à l’intérieur desquelles le pays peut interpréter les conventions internationales sur les drogues.
Le second élément, un peu plus technique, suggère que la pénalisation de la détention se limite à la détention en vue du trafic, notamment en vertu du fait que cette disposition figure entre deux articles portant sur le trafic et en raison d’une formulation antérieure de cette disposition. La non pénalisation de la détention (possession) aux fins d’usage personnel ne serait donc pas, stricto sensu, interdite. C’est là notamment l’avis juridique d’un expert préparé à la demande de l’Office fédéral de la Santé publique de Suisse à l’occasion de son projet de loi sur la « légalisation » du cannabis : « une dépénalisation générale, prévue par la loi, de la consommation et de la culture à petite échelle de cannabis serait compatible avec les conventions ». En ce qui concerne le commerce et l’approvisionnement, l’auteur écrit : « Même si une réglementation du commerce du cannabis avec un régime de licences ne semble pas exclue pour autant, des problèmes d’ordre pratique demeurent : d’une part à cause des mécanismes de contrôle exigés par la Convention de 1961 et, d’autre part, parce que la communauté internationale interprète la convention de 1988 comme une obligation de punir le commerce. »
Enfin, le troisième élément est que ces conventions imposent des obligations morales aux États, non des obligations juridiques ou moins encore assorties de pénalités ou de sanctions en cas de contravention, et qu’elles prévoient aussi des mécanismes de demande de révision ou de modification.
Conclusions
Le cannabis, dont nous avons vu aux chapitres 5, 6, et 7 qu’il est largement consommé par les populations de par le monde, qu’il n’a pas les effets nocifs qu’on lui prête, et qu’il présente peu de risques pour la santé publique, ne mérite certainement pas de figurer aux tableaux des conventions avec les substances dites les plus dangereuses. Le cannabis présente même des applications thérapeutiques que les tribunaux canadiens ont reconnues. C’est pourquoi nous recommandons que le Canada informe la communauté internationale d’une demande de déclassement du cannabis dans le cadre d’une approche de santé publique et qui s’accompagnerait de mesures rigoureuses de suivi et d’évaluation.