Face à la hausse du trafic de drogue constatée ces dernières années, faut-il légaliser le cannabis ? Cette question, qui était jusqu’à présent tabou dans la classe politique, ne l’est plus au Parti Socialiste. Un groupe de 10 députés planche sur le sujet. Il devrait rendre ses conclusions fin mai. Et ce groupe pourrait se déclarer favorable à la dépénalisation.Fumer un joint est aujourd’hui un délit passible d’un an d’emprisonnement. La répression existe : 120 000 usagers de cannabis sont interpellés chaque année. Toute une gamme de sanction est appliquée, mais les peines de prison ferme sont rares, 2000 à 3000 seulement.
Les partisans d’une dépénalisation de l’usage de cannabis (le trafic continuerait d’être sévèrement poursuivi) avance un argument choc : c’est la prohibition qui génère le trafic. Un trafic colossal qui mine littéralement des quartiers entiers de villes de banlieues.
Stéphane Gatignon est le maire de Sevran en Seine Saint Denis. Il dénonce l’existence d’une incroyable économie parallèle : "100 000 petits dealers gagnent de 800 à 1400 euros par mois grâce au trafic de cannabis".
Les gains du trafic de drogue sont estimés en France à deux milliards. Rien qu’à Sevran, le deal opère dans une douzaine de halls d’immeubles, des "pas de porte qui peuvent s’avérer fort rentables, ils dégagent un chiffre d’affaire de 30 000 euros pas jour ". Pour lutter contre ce fléau, Stéphane Gatignon souhaite donc que l’usage de cannabis soit dépénalisé et que la production, l’importation et la vente soient contrôlées par l’Etat.
Lettre datée du 30 décembre 2010, entre le Préfet de Seine-Saint-Denis et le maire de Sevran.
Le Préfet y indique notamment qu'un seul des points de trafic de la ville rapporterait 30 000 euros par jour.
Daniel Vaillant partage le même avis. L’ancien ministre de l’Intérieur et député du 18ème arrondissement de Paris dirige un groupe de travail d’une dizaine de députés socialistes. Il veut faire évoluer les esprits au sein du PS. Il établit un parallèle entre cannabis et alcool.
Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur et député du 18ème arrondissement de Paris. (2'50")
Cependant, cette position est loin d’être partagée par tous les socialistes. Il y a d’abord ceux qui sont d’accord pour évoluer, mais pas pour aller aussi loin. Ainsi Jean Jacques Urvoas, un député breton, le "monsieur sécurité" du PS. Il est contre la dépénalisation, mais il préconise que l’usage de cannabis ne soit plus passible d’une peine de prison, mais seulement d’une contravention.
Cette idée d’une contravention est aujourd’hui discutée, voire approuvée par certains syndicats de policiers. Mais au PS il y aussi ceux, nombreux, qui ne veulent entendre parler ni de contravention, ni de dépénalisation. Comme le maire d’Évry Manuel Valls.
Manuels Valls, le maire d’Évry. Il ne veut pas entendre parler de dépénalisation. (0'32")
En tous cas, le débat est ouvert, et il devrait en être question lors des primaires socialistes.
Source : France Info
Auteur : Matthieu Aron
[Edit : Correction des liens de lecture des extraits audio de France Info]