Dominique Voynet, sénatrice de Seine-Saint-Denis (Verts), explique les raisons pour lesquelles une «légalisation contrôlée» du cannabis permettrait de mettre en place une politique de prévention sur les drogues, notamment auprès des plus jeunes consommateurs.
Source : Libération
Restez-vous toujours favorable à la légalisation du cannabis ?
La position des Verts a toujours été en faveur d’une légalisation contrôlée du cannabis. La politique actuelle de prohibition nous paraît hypocrite et inefficace. Hypocrite car elle ne tient pas compte des millions de consommateurs en France, occasionnels ou réguliers. Et surtout inefficace parce qu’elle fait l’impasse sur une véritable politique de prévention en matière de santé publique.
En quoi la légalisation du cannabis permettrait de faire davantage de prévention sur les dangers de sa consommation ?
La légalisation contrôlée ne signifie pas du tout l’encouragement à l’usage. Cela aiderait surtout à lever certains tabous afin de mener une politique de prévention plus juste. En effet, si le cannabis était considéré comme une drogue légale, au même titre que l’alcool ou le tabac, on pourrait avertir plus clairement sur les dangers, les problèmes respiratoires par exemple, ou dire : «Attention, si vous êtes fragiles psychologiquement, vous êtes plus exposés à des troubles en fumant un joint.»
Actuellement les campagnes de prévention ne touchent pas leur cible et les jeunes ont l’impression d’entendre un message totalement décalé par rapport à la réalité. Si vous interdisez simplement et si vous n’expliquez rien, les lycéens, par exemple, continueront à fumer des joints entre les cours. Il vaut mieux les faire réfléchir sur leurs pratiques, leur dire de réserver ce produit à un usage seulement récréatif, hors de la sphère des études ou du travail. Il faut aussi informer les jeunes sur les risques de la consommation de cannabis avant de prendre le volant.
Pourquoi ne pas seulement proposer la dépénalisation du cannabis ?
Parce que la dépénalisation n’empêcherait pas cette économie souterraine et parallèle. S’il ne légalise pas, l’Etat n’a aucune prise sur les trafics et la composition des produits qui circulent. Car le mode de production actuel n’a plus rien à voir avec celui du baba cool qui faisait pousser quelques plants de chanvre sur son balcon. Maintenant, il s’agit de cultures «industrielles» avec un éclairage artificiel servant à enrichir la plante en THC [substance contenue dans le cannabis qui agit au niveau du cerveau, ndlr]. Alors que s’il assumait la responsabilité de la légalisation, l’Etat pourrait notamment avoir un encadrement sur les concentrations en THC de ces produits.