L'attitude du Canada envers la marijuana continue de donner des maux de tête à la Maison-Blanche. Le responsable de la lutte antidrogue aux États-Unis, John Walters, est préoccupé par l'indulgence des Canadiens quand vient le temps de punir les trafiquants.
M. Walters a affirmé, au cours d'une entrevue exclusive accordée à La Presse, que la loi canadienne prévoit «des sanctions légitimes» à ce chapitre mais qu'elles «ne sont pas imposées».
Source: Cyber Presse
Tsar de la lutte contre la drogue à la Maison-Blanche, il a dit avoir appris des autorités canadiennes que les peines infligées «dans plusieurs juridictions pour la production ou l'expédition» de marijuana «ne sont pas suffisantes pour dissuader ou punir de façon appropriée les individus».
M. Walters voit un lien direct entre ce qu'il perçoit comme les ratés du système canadien et les problèmes des Américains. Les États-Unis sont actuellement aux prises avec l'arrivée d'importantes quantités de marijuana en provenance du Canada.
Le responsable de la Maison-Blanche a fait ces déclarations dans la foulée de la publication d'une liste noire dans ce dossier. La semaine dernière, George W. Bush a énuméré les États considérés par Washington comme des «producteurs ou des lieux de transit majeurs» de la drogue qui entre aux États-Unis.
Le Canada ne figurait pas parmi les 22 États étiquetés de cette façon, mais il était néanmoins mentionné comme un des pays qui inquiètent Washington.
S'il a souligné la coopération des autorités canadiennes dans la lutte contre l'exportation de cannabis, le président américain se disait malgré tout préoccupé par les quantités «substantielles» qui traversent la frontière.
«Si c'était simplement une question de production et de consommation au Canada, en tant qu'amis, nous dirions que c'est terrible mais que ce n'est pas notre affaire. Mais cette production est toujours largement destinée aux États-Unis», a expliqué M. Walters.
«Comme cela continue d'augmenter, nous sommes bien sûr préoccupés. Comme le Canada semble demeurer incapable de faire des efforts efficaces pour faire respecter la loi afin de contenir et de réduire la production, ce rapport montre que nous demeurons très préoccupés», a ajouté celui qui coordonne, depuis 2001, la lutte contre la drogue menée par son pays.
À l'instar de son président, M. Walters a tenu à faire l'éloge de la coopération des autorités canadiennes. Il a même loué les succès du Canada dans la restriction des composants chimiques qui permettent de produire la méthamphétamine.
En revanche, il n'arrive pas à comprendre pourquoi des individus impliqués dans le trafic de la marijuana au Canada ne reçoivent pas «une peine de prison significative» quand ils sont interpellés.
Selon M. Walters, certains pensent encore que ces trafiquants «ne sont pas des vrais criminels», mais plutôt des «types amusants comme on en voyait dans les films des années 80». «C'est vivre dans le passé», a-t-il dénoncé.
Car la marijuana est «au coeur des problèmes de drogue aux États-Unis», a soutenu le représentant de la Maison-Blanche. «Plus de 60% des sept millions d'Américains que nous devons traiter parce qu'ils sont dépendants de drogues illégales abusent ou sont dépendants de la marijuana», a-t-il rapporté.
Les autorités américaines sont particulièrement préoccupées par l'importation sur leur territoire de cannabis canadien à haute teneur en THC (tétra-hydro-cannabinol, le principe actif du cannabis). Sa teneur en THC, dont la moyenne oscillait entre 1% ou 2% dans les années 80, se chiffre actuellement à 9% (on en a même déjà saisi à 27%). Il provient avant tout de Colombie-Britannique, mais la production «se déplace de l'ouest à l'est» du Canada, a souligné M. Walters.
De 80% à 95% de ce pot serait expédié aux États-Unis. Et le commerce semble aller en augmentant. On signalait récemment que les autorités américaines ont saisi plus de 48000 livres de marijuana à la frontière canadienne l'an dernier, soit près du double des 26000 livres interceptées un an plus tôt. Ce pot plus puissant ferait actuellement des ravages aux États-Unis. «Les gens se présentent maintenant dans les hôpitaux, sur le plan national aux États-Unis, plus souvent en raison de la marijuana que de l'héroäne. Ça n'a jamais été le cas autrefois», a indiqué M. Walters. Depuis deux ans, plus d'Américains ont sollicité un traitement pour la dépendance à la marijuana que pour la dépendance à l'alcool.
Ce n'est pas d'hier que certains comportements canadiens à l'égard du pot irritent le tsar américain de la lutte contre la drogue. L'idée de décriminaliser la possession de petites quantités de marijuana n'a jamais plu à M. Walters. À l'automne 2003, il avait fait une sortie contre cette initiative, reprochant au Canada d'être «le seul pays des Amériques à devenir un producteur majeur de drogue au lieu de réduire sa production».
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