Selon une étude, les interpellations et les poursuites pénales ont fortement augmenté depuis vingt ans.
Quarante ans après son entrée en vigueur, la loi qui punit la consommation de drogue suscite toujours la controverse, mais elle est plus appliquée que jamais. «Contrairement à ce que l'on entend souvent, la pénalisation de l'usage de stupéfiants atteint des niveaux jamais égalés en France. Au point d'être devenu un contentieux de masse», souligne l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), dans une étude analysant l'évolution des statistiques pénales et policières depuis les années 1970.
Premier indicateur de cette tendance, les interpellations ont connu une hausse continue. En 2009, près de 140.000 personnes ont été arrêtées pour usage, contre 20.000 vingt ans plus tôt. «C'est un taux particulièrement élevé», note Ivana Obradovic, auteur de l'étude parue en novembre dans la revue Tendances. Le cannabis est en cause dans plus de neuf cas sur dix, devant l'héroïne (5%) et la cocaïne (3%). Dans le même temps, les poursuites se sont diversifiées et sont devenues quasi systématiques. En région parisienne par exemple, le taux de réponse pénale atteint désormais 92%, alors qu'il était encore de 70% quelques années plus tôt.
https://www.sudouest.fr/images/2010/11/16/240488_14853395_165x110.jpg[/img]«Ce résultat a été rendu possible par un travail de simplification et d'accélération des procédures», analyse Étienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Les tribunaux piochent dans une palette de sanctions sans cesse élargie: avertissement, rappel à la loi, orientation vers une consultation spécialisée ou stage de sensibilisation obligatoire et payant. Conséquence: les classements sans suite sont devenus très rares. «Quant aux condamnations, elles suivent aussi une courbe à la hausse , ajoute Ivana Obradovic. Ce n'est pas anodin parce que l'inscription au casier judiciaire entraîne l'impossibilité d'accéder à certains métiers, comme la fonction publique ou la sécurité.» En 2008, près de 13.000 usagers ont écopé d'une amende, de travaux d'intérêt général ou même d'une peine de prison ferme -soit trois fois plus que dix ans plus tôt.
Interminable polémique
En se penchant sur l'application de la loi du 31 décembre 1970, qui a créé le délit d'usage en France, l'OFDT ne va pas manquer d'alimenter une interminable polémique. Alors que la loi aura bientôt quarante ans d'existence, plusieurs associations demandent en effet son abrogation. «On a donné trop de place à la contrainte, plaide Jean-Pierre Couteron, président de l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie. Du coup, l'école et la famille se sont désinvesties du champ de la prévention: 60% des jeunes qui consultent sont aujourd'hui orientés par la justice, avec de fortes inégalités selon les villes ou les quartiers.»
Modifiée par petites touches, la loi de 1970 n'a jamais été réformée en profondeur. Les peines prévues à l'époque -jusqu'à 3.700 euros d'amende et un an d'emprisonnement- sont toujours d'actualité. En 2003, une modernisation avait été souhaitée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, mais le gouvernement avait finalement renoncé.
Selon Ivana Obradovic, de l'OFDT, «une comparaison entre les législations des pays européens montre qu'il est impossible de faire un lien entre répression et niveaux de consommation en population générale» . Étienne Apaire, de son côté, relève toutefois que «la consommation a commencé à baisser à partir de 2003 en France», au moment, selon lui, où l'interdit devenait «plus clair».
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