Le Groupe Pompidou (émanation du Conseil de l’Europe) a réuni la semaine dernière les représentants de 35 pays pour définir une stratégie antidrogues jusqu’à 2010 et désigner une nouvelle présidence. Et alors?, me direz-vous. Certes, le Conseil de l’Europe n’est plus vraiment aux devants de l’actualité et le Groupe Pompidou -dont vous n’avez sûrement jamais entendu parler-, ne fixe pas l’alpha et l’oméga des politiques antidrogues de ses membres. Mais cette instance de réflexion et de confrontation des points de vue permet en outre de prendre la température du débat européen.
Source : Drogues News
Il est ainsi assez étonnant que le successeur des Pays-Bas à la tête du Groupe soit la Pologne, que les jumeaux Kaczynski n’ont pas précisément placée en tête du progressisme social. Pologne qui se retrouve flanquée d’une vice-présidence espagnole, où le cannabis est, de fait, dépénalisé... Prise de température, donc, avec le secrétaire exécutif du Groupe, le Britannique Christopher Luckett, fin connaisseur des arcanes européens.
Quel était l’ordre du jour de cette conférence ministérielle ?
Depuis trois ans, le Groupe Pompidou réforme ses structures et réfléchit à ses priorités. Il était important pour nous que les ministres donnent leur accord sur cette réforme. Nous avons reçu un soutien fort de leur part.
En ce qui concerne la recherche, nous avons mis l’accent sur les questions éthiques, en nous nous prononçant, par exemple, contre les dépistages de drogues à l’école comme cela se pratique dans certains pays, Royaume-Uni en tête. La Croatie et les pays scandinaves mettent également ce genre de mesures en place au niveau local. Le gouvernement Berlusconi avait affiché sa volonté de leur emboîter le pas, mais le nouveau ministre italien a insisté sur le revirement de son pays depuis les élections en ce qui concerne les stupéfiants. Sur ce sujet, il ne faut pas négliger la pression forte des fabricants de tests.
De manière générale, notre préoccupation est que, avec le développement technologique, comme l’arrivée de vaccins contre la cocaïne ou l’identification d’un gène de la dépendance, la politique des drogues ne soit instrumentalisée. Ces progrès ont en effet un côté facile à vendre à l’opinion. L’approche technique semble offrir une solution, mais ce n’est qu’une solution limitée, une solution technocratique à court terme.
Pour les vaccins par exemple, on sait qu’une fois qu’ils seront accessibles en post-cure, certains voudront des vaccinations préventives des groupes à risque.
Comment les pays européens s’accordent-ils sur ces questions ?
Les débats sont beaucoup moins polémiques qu’ils ne l’ont été. Certains pays, comme la Russie, restent sur une ligne très répressive, refusent de parler de politiques de réduction des risques. Politiques contre lesquelles on entend beaucoup moins la Suède mais beaucoup plus le Danemark. A l’autre bout de l’échiquier, les salles d’injection pour héroïnomanes sont expérimentées en Allemagne. Mais on assiste à des changements politiques aux Pays-Bas, qui sont devenus plus répressifs.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette conférence ?
C’est la déclaration de la délégation suisse, pour qui, «malheureusement, la toxicomanie n’est plus une priorité». On voit ça dans d’autres pays. La toxicomanie est globalement en baisse dans les priorités, au profit des questions de terrorisme. Certains pays comme la France ont effectivement moins de problèmes liés aux overdoses, mais dans d’autres, les OD sont toujours un problème. Et il reste quoi qu’il en soit la question de la délinquance associée.
Le tabac et l’alcool intéressent plus, ce qui est positif. Mais l’usage chronique de cannabis est devenu un problème que l’on ne peut pas ignorer. Enfin, on risque un déferlement d’héroïne très bon marché. La toxicomanie ne doit pas disparaître des priorités. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Il faut rester vigilant.
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