Il n’y a pas qu’en Suisse ou au Canada que les chanvriers et les promoteurs d’une réforme de la politique des drogues sont sévèrement poursuivis. La justice française, toujours aussi rétrograde en matière de chanvre, s’illustre encore par des condamnations stupéfiantes. Elle vient de condamner un responsable politique pour un stand d’information cannabique dans l’université d’été d’un parti de gouvernement. Peu avant, c’était la dissolution d’une association de prévention, cas gravissime en démocratie, en général réservé aux terroristes ou autres grands criminels. On veut vraiment faire taire les voix chaque jour plus nombreuses à réclamer une réglementation pour un chanvre global, de la graine au joint. Face à la répression, la censure et la calomnie, nous continuerons à l’affirmer.
Source : Chanvre-info
Une affaire ridicule et édifiante
Jean -Luc Benhamias, ex secrétaire national des Verts, a été condamné le 13/09/05 par la cour d’appel de Paris à 1500 euros d’amende pour « complicité de provocation à l’usage de stupéfiants » en tant que responsable des Journées d’été des Verts de 1999 où des produits au chanvre avaient été vendus. Ces produits sont tous parfaitement légaux, certains sont même disponibles en hypermarchés dans toute l’Europe. Les tracts et affiches incriminés ne font pas l’apologie du cannabis mais réclament une réforme de la loi. Un parti politique qui fait de la politique, où est le mal ? Partout, si on parle de cannabis autrement que pour le diaboliser.
Me Henri Leclerc, avocat de JL Benhamias, va déposer un pourvoi en cassation et, en cas d’échec, saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. Jean Luc Benhamias conteste cette décision « d’un ridicule absolument total ». Les Verts estiment qu’« avec ce type de décision, la justice souhaite mettre fin à un débat citoyen sur la dépénalisation de la consommation de drogues douces ».
Dissolution abusive
Autre région, même répression, Jean Christophe Memery et l’association "Mille et un jardins" a été condamné par le Tribunal de Lons le Saunier (procès en appel le 27 septembre 05). En prime, le tribunal a prononcé la dissolution de cette association à but non lucratif, engagée dans la prévention et la réduction des risques mais qui privilégiait un discours "ouvert" sur le chanvre global, avec tous les rappels à la loi nécessaires. Mais pour ce tribunal réputé de longue date pour ces décisions spectaculaires, cette boutique faisait "l’apologie du cannabis".
Du chanvre à la sauce française
En France, il est interdit de dire que le chanvre c’est bon. Surtout si vous êtes favorable à son utilisation intégrale. Pour Vincent Bolloré, le milliardaire français du papier à rouler, le chanvre c’est très bon. D’abord pour fabriquer les feuilles et ensuite parce que des millions d’usagers de cannabis en utilisent des milliards pour leurs joints. En bon notable sarkosiste, il est bien sur opposé à une réglementation du chanvre qui favoriserait le bouseux de base et les hippies soixante-huitards. Cet homme méprise le peuple de l’herbe et exploite les chanvriers qui tentent de survivre avec une plante amputée.
Petit arrangement entre amis, voilà comment le gouvernement français veut traiter le chanvre. Les gros bonnets de l’agriculture productiviste ne veulent pas faire sa promotion mais les surfaces cultivées vont progresser car la plante présente un gros potentiel de produits de substitution au pétrole. Pour être rentable, le chanvre industriel français nécessite de grandes surfaces et un outillage coûteux. Seuls les gros exploitants pourront s’aligner sur ce nouveau marché. Si la demande de graines et de fibres explose, on peut craindre le recours aux engrais et à l’arrosage intensif comme pour le maïs. La France est aussi le principal producteur de semences certifiées 0,2% de THC. Une réglementation moins stricte ferait perdre beaucoup d’argent à ce lobby lui aussi proche de l’UMP.
Une autre logique
Pour garantir la rentabilité d’une culture biologique, il faut valoriser la résine et les fleurs. Les marchés thérapeutiques et récréatifs garantiraient un revenu suffisant pour financer le fonctionnement ou même la reconversion en bio des petites et moyennes exploitations, surtout dans les zones de montagne ou dans le désert français du centre-sud. Ces exploitations pourront mettre sur le marché des matières premières bio à bas prix et ainsi offrir une alternative aux dérives industrielles. Elles fourniraient enfin aux usagers un chanvre propre et titré. Ce système pourrait financer la réduction des risques et le traitement des abus. Il permettrait de revitaliser un secteur économique et des régions sinistrées.
Légalisez le débat
Le chanvre global n’est pas une utopie, il présente de nombreux avantages alors que la prohibition est un échec. Jean -Luc Benhamias, Jean Christophe Memery et tant d’autres déjà condamnés, comme le multirécidiviste Jean-Pierre Galland, participent à un débat de fond pour tenter d’améliorer notre société. Il est hallucinant de les voir traiter comme des criminels, pire comme de dangereux subversifs, une sorte de Brigade Verte qu’il faut châtier et dissoudre comme Action Directe. Le pays des droits de l’homme et du citoyen est en pleine régression démocratique, il faut s’attendre à d’autres affaires, à d’autres victimes, à d’autres injustices flagrantes. Espérons qu’une alternance rétablira notre liberté d’expression. Aux vues de certaines positions dans l’opposition et de l’opinion du tandem Sarko/Villepin sur la question, ce n’est pas sûr.
C’est très déprimant d’écrire tout cela le jour où Alain Jupé est pardonné pour des emplois fictifs au RPR pourtant évidents et Jacques Chirac est disculpé pour ses frais de bouche gargantuesques à la Mairie de Paris. Bernie peut à nouveau se goinfrer de 100 euros d’infusion par jour. Même si c’était de la skunk, cela ferait beaucoup. La France à deux vitesses roule à plein régime. Jusqu’où cela ira ?
Laurent Appel
Il n’y a aucun commentaire à afficher.