Danemark. Des élus militent pour une légalisation du cannabis.
A quand donc les champs de cannabis en banlieue de Copenhague et les coffee-shops dans le centre-ville de la capitale danoise ? L’idée n’est pas nouvelle, mais elle vient d’être remise au goût du jour par Mikkel Warming, adjoint au maire de Copenhague, chargé des affaires sociales. Début juin, l’élu d’extrême gauche a proposé de légaliser la vente et la consommation de cannabis dans la capitale, dans l’espoir de faire cesser la guerre des gangs qui y a fait une demi-douzaine de morts et plusieurs dizaines de blessés, depuis l’été 2008.
Source: Libération
Par ANNE-FRANÇOISE HIVERT COPENHAGUE, envoyée spéciale
«Ce que je propose, c’est d’éliminer la structure économique et financière des gangs, en prenant le contrôle du marché. Nous savons que le nombre de jeunes qui touchent au hasch et deviennent accros augmente, ce qui montre que la prohibition ne fonctionne pas. Il est donc temps de penser différemment. En envisageant, par exemple, des lieux de ventes sécurisés, où nous pourrons aider ceux qui en ont besoin», a expliqué l’élu.
«Très relax». Le Danemark a toujours fait preuve d’une grande tolérance à l’égard des fumeurs de joints. «Nous sommes un pays très libéral, avec une façon très relax de considérer l’alcool et tout type de drogue», observe Peter Ege, médecin spécialiste en toxicomanie. Avec 36,5 % des 16-64 ans ayant touché au moins une fois dans leur vie au cannabis, le royaume se classe en tête des pays européens, devant la France (30,6 %), selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. Mais avec l’arrivée des libéraux-conservateurs au gouvernement en 2001, le ton a changé. En 2004, les autorités ont ordonné le démantèlement de Pusher Street, dans le quartier de Christiania, à Copenhague, où la vente de haschisch était jusque-là tolérée. «Le marché s’est alors étendu dans tout Copenhague, le rendant beaucoup plus difficile à contrôler», affirme Flemming Steen Munch, porte-parole de la police. L’offre en outre n’a pas diminué. «De nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché, entraînant avec eux plus de criminalité, plus de drogues et des armes», souligne Liese Recke, de l’association Gadejuristen («les avocats de la rue»), qui vient en aide aux toxicomanes. Quant à la consommation ? «Elle se maintient à un niveau élevé», observe Peter Ege.
Début juin, Mikkel Warming a soumis sa proposition au conseil municipal de Copenhague, qui lui a demandé de revenir à la rentrée avec des propositions concrètes. L’adjoint au maire envisage l’ouverture de coffee-shops ou la vente de cannabis en pharmacie. Toutefois, il ne souhaite pas copier le modèle néerlandais. «En interdisant l’importation, les Pays-Bas continuent d’entretenir l’illégalité.» Il serait plutôt favorable à la production locale de haschisch dans des champs, contrôlés par l’Etat ou les collectivités locales.
«Marché noir». Lars Dueholm, candidat du Parti libéral aux municipales de 2010 à Copenhague, le soutient «pour des raisons idéologiques». Cependant, l’idée de champs communaux ne lui plaît pas. «Les agriculteurs locaux sont tout aussi capables de produire du hasch que des pommes de terre, à condition bien sûr de sécuriser leurs champs.» Parmi les opposants, Martin Fjording, sociologue auprès de l’association d’aide aux familles Projekt Plan B, met en garde : «La légalisation ne fera disparaître que le sommet de l’iceberg. Les moins de 18 ans continueront à se fournir sur le marché noir, où il est facile d’obtenir du cannabis, très efficace, pour presque rien.» Moins de 50 couronnes (6,5 euros) le gramme, dit-il, soit le prix d’un demi-litre de bière. Le ministre conservateur de la Justice, Brian Mikkelsen, a déjà fait savoir qu’il refuserait d’accorder toute dispense nécessaire à une légalisation. Pourtant, selon un sondage réalisé en début d’année, 59 % des Danois seraient pour.
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