Alors que la Jamaïque lutte contre les conséquences désastreuses de la crise financière mondiale, certains suggèrent que le pays envisage sérieusement d'utiliser le produit pour lequel il est renommé – même s'il est illégal – pour contribuer à combler l'énorme manque à gagner de l'économie jamaïquaine.
Avec le changement de contexte économique et les énormes défis auxquels sont confrontées les industries traditionnelles de la Jamaïque – le sucre, les bananes, la bauxite –, des voix s'élèvent pour que le pays autorise la culture et l'exportation de la marijuana à des fins médicales.
Source: courrier international
"Les gens parlent toujours des jeunes qui vendent de l'herbe dans la rue ou dans les halls d'immeuble, mais ce que nous devons faire, c'est les impliquer dans l'agriculture en les encourageant à planter de la marijuana pour le marché pharmaceutique", a indiqué Amsale Maryam, de l'Association des agences de développement en Jamaïque, lors d'une consultation des organisations de la société civile des Caraïbes.
Un champ de cannabis en Jamaïque
"C'est l'approche que nous devons adopter, car la marijuana peut nous rapporter gros", a-t-elle expliqué. "L'industrie pharmaceutique a besoin de marijuana parce qu'elle entre dans la composition de plusieurs médicaments."
Aux Etats-Unis – le principal partenaire commercial de la Jamaïque –, treize Etats ont légalisé la marijuana à des fins médicales, et quatre d'entre eux – la Californie, le Colorado, le Nouveau-Mexique et le Rhode Island – recourent à des dispensaires spéciaux pour la vente de la marijuana médicale. Selon la commission de péréquation de la Californie, l'Etat achète chaque année pour 200 millions de dollars [140 millions d'euros] de marijuana à des fins médicales. [Les drogues dérivées de la marijuana ont prouvé leur utilité dans le traitement de maladies inflammatoires des intestins, de glaucomes, de troubles de bipolarité et de nausées, entre autres.]
Chez les défenseurs d'une industrie officielle de la marijuana, certains salivent face à ce développement, affirmant qu'il s'agit là d'un indice de l'existence réelle d'un marché international légitime pour le produit. Un fermier local a ainsi confié à l'hebdomadaire Sunday Finance qu'il plantait et exportait illégalement de la marijuana. Selon lui, la dépénalisation de la culture de la marijuana aurait le potentiel d'offrir au pays d'énormes revenus et d'entraîner des niveaux de production "jamais vus auparavant" chez les fermiers jamaïquains. "Rien ne pourrait plus motiver les fermiers que de leur dire qu'ils peuvent désormais produire de la marijuana légalement", a souligné le cultivateur. "Avec les conditions que nous avons ici en Jamaïque, le sol est parfait pour produire de la marijuana."
Bien entendu, certains critiquent l'initiative, et se moquent de l'hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir une industrie viable pour l'exportation de la marijuana. Le commissaire des douanes Danville Walker affirme être favorable à la dépénalisation du cannabis, pour désengorger le système de justice criminelle et permettre aux conseillers juridiques de s'occuper de questions plus urgentes. [Mais] d'après lui, les défis juridiques pourraient être majeurs si l'on considère qu'aux Etats-Unis l'usage de la marijuana à des fins médicales est uniquement toléré au niveau des Etats et non pas au niveau fédéral.
L'analyste financier Dennis Chung estime que le pays ferait mieux de concentrer ses efforts sur d'autres secteurs d'activité qui ont plus à offrir, selon lui, que l'industrie du cannabis. L'un de ses arguments repose sur le fait que la marijuana pourrait se révéler trop chère à transformer. "Dans un pays où les gens sont désespérés, ils inventent toutes sortes de choses sans réfléchir", a souligné M. Chung. "L'un de nos problèmes, c'est que les coûts de production des denrées alimentaires sont trop élevés et cela risque d'être la même histoire avec le cannabis."
Le fermier local déjà cité reconnaît ces problèmes potentiels, mais affirme qu'il aimerait au moins voir le pays explorer cette possibilité avant de l'écarter. "Tout le monde parle de libéralisation du commerce et du fait que les petits pays devraient identifier et produire ce pour quoi ils bénéficient d'un avantage concurrentiel", poursuit-il. "Nous avons de la bonne marijuana ici en Jamaïque ; le gouvernement devrait explorer toutes les possibilités, essayer d'impliquer des partenaires internationaux et chercher à aller de l'avant."
Julian Richardson | The Jamaican Observer