"La politique menée en France depuis quarante ans pour lutter contre la drogue est-elle efficace ? Après avoir auditionné plus de 64 acteurs de ce dossier, les deux rapporteurs du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) consacré à cette question ont rendu publique, jeudi 20 novembre, douze propositions « susceptibles », selon eux, « d’améliorer la politique de lutte contre l’usage de substances illicites ». Constatant la nécessité de passer d’une« réponse purement pénale à une réponse judiciaire », les deux parlementaires ont notamment appelé à une « révision » de la loi de 1970 sur les stupéfiants. Mais lorsque l’un parle de simple « toilettage », l’autre évoque une « refonte ».
Sur la consommation de cannabis, Anne-Yvonne Le Dain, députée PS de l’Hérault et Laurent Marcangeli, député UMP de Corse-du-Sud, se sont ainsi accordés sur une position « minimum » et préconisent de transformer le délit d’usage de cannabis en une contravention de troisième catégorie (maximum de 450 euros). Actuellement, la consommation de stupéfiants est théoriquement punie d’un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
« Les réponses judiciaires sont aujourd’hui en inadéquation avec ce que prévoit la loi », a souligné l’élu UMP, par ailleurs favorable au maintien de l’interdit. Mais pour lui, « les forces de police et de gendarmerie ont d’autres choses à faire que de s’occuper de quelqu’un qui fume un joint ». 163 000 personnes ont été mises en cause par les policiers et les gendarmes pour usage de stupéfiants en 2013. Mais seules 1 400 peines d’emprisonnement ferme ont été prononcées. A 90 %, les condamnations pour usage reposent sur des peines alternatives à l’emprisonnement.
A titre personnel, Anne-Yvonne Le Dain s’est, elle, dite prête à aller plus loin que son homologue UMP. Elle s’est prononcée en faveur de la légalisation de l’usage du cannabis pour un usage privé et pour la mise en place d’une « offre réglementée » sous le contrôle de l’Etat. Une position proche de celle prise, en 2011, par l’ancien ministre de l’intérieur socialiste Daniel Vaillant, qui s’était déclaré partisan d’une « légalisation sous contrôle » du cannabis afin de « sortir de l’hypocrisie ». « La consommation n’est certes pas une conduite à suivre, mais le vrai laxisme, c’est le statu quo », avait-il expliqué dans un entretien au Monde.
Dans un communiqué, la Fédération addiction, qui regroupe des intervenants du secteur, a estimé que les données rapportées « démontrent l’inefficacité de la politique répressive » et s’est « félicitée » que « la question d’un marché régulé du cannabis soit clairement préconisée ».
Reste à savoir si cette proposition trouvera un écho favorable auprès de l’exécutif.« Le gouvernement peut avoir des frilosités sur ce sujet, reconnaît Laurent Marcangeli. Mais l’initiative parlementaire existe. Je suis convaincu que l’on peut trouver une majorité, de droit comme de gauche, sur ce sujet. » Une proposition de loi prévoyant de sanctionner d’une simple amende le « premier usage illicite »de stupéfiants avait déjà été adoptée par le Sénat le 7 décembre 2011.
En juillet 2012, l’entourage de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, avait affiché sa « fermeté sur la question des interdits », tout en assurant qu’il n’était pas« fermé au débat ». Au cours de la campagne présidentielle, François Hollandes’était clairement dit hostile à toute dépénalisation du cannabis."