Poitiers. Ses arguments n’ont rien changé : le cannabis, même en thérapie, est interdit. Le jardinier militant n’en démord pas, jusqu’à en subir la prison.
Thérapeutiques ou pas, les trente-sept pieds de cannabis ont été tous détruits.
Onze mois d'emprisonnement ferme. Voilà ce qu'il en a coûté à Éric de cultiver trente-sept pieds de cannabis dans son appartement châtelleraudais à des fins thérapeutiques. Car c'était le but de cette culture et le seul argument de défense que lui et son conseil, Me Sylvie Martin, ont fait pousser à l'audience du tribunal correctionnel de Poitiers, hier.
" J'inhale dans un ballon pour éviter le tabac "
Onze mois fermes, c'est lourd mais la peine s'explique par le fait qu'Eric était en état de récidive pour les mêmes faits. Et qu'il était sous le coup d'un sursis. Mais quand même. Il est rare qu'un prévenu poursuivi pour détention, usage et cession de stupéfiants assume tout et explique calmement pourquoi il se met sciemment dans l'illégalité. Oui, il cultivait 37 pieds de cannabis dans son appartement de 40 m2 transformé en serre. Oui, les policiers, qui avaient reniflé l'odeur depuis la rue, ont trouvé 835 g. d'herbes chez lui, le 8 juillet.
Mais pour cet électricien actuellement sans emploi, les 4.000 € de matériels saisis pour la culture n'étaient pas du tout destinés à alimenter un trafic de stup. Partisan du cannabis à des fins thérapeutiques, lui-même atteint d'une hépatite C, Éric explique qu'il fait partie d'une association non déclarée (parce qu'illégale) de huit malades qui se servent du cannabis pour soulager leurs douleurs. « Je l'inhale avec un ballon pour éviter la combustion du tabac.
Au moment où les policiers ont découvert les pieds, je voulais en produire suffisamment pour tous les membres. C'était ma dernière culture. Après, je quittais la France pour monter un Cannabis social club en Espagne. Ma culture est un cannabis avec très peu de THC, il n'est pas récréatif. »
Le président : « Mais pourquoi ne pas limiter cette culture à votre consommation ? »
« C'est difficile de rester insensible à la détresse des gens : l'un de mes copains à la sclérose en plaques, un autre une leucémie. »
Un assesseur : « Vous dites que ce sont des gens qui ont des nécessités médicales mais vous ne nous apportez pas les preuves. Moi, je veux bien vous croire mais donnez-nous aussi les noms… Un seul a accepté que je donne son nom, c'est Laurent Puisais (lire en savoir plus). Cette association est faite pour que la production soit partagée, c'est tout. »
Son avocate, Me Sylvie Martin, a tenté, comme elle a pu, de dénoncer la « grande hypocrisie » de la France face au cannabis, premier pays consommateur d'Europe. « L'État dépense 500 millions d'euros par an contre les stupéfiants et 40 % des adolescents disent avoir déjà consommé du cannabis. J'ai déjà défendu mon client, la dernière fois, et il disait la même chose sur le cannabis thérapeutique, il assumait. Vous avez lu la presse, l'histoire de Laurent Puisais ? »
La presse n'est pas le code pénal. Les juges ont retenu de cette histoire, que la loi, c'est la loi. Ils ont suivi les réquisitions du ministère public en tout point.
Grève de la faim pour ce type de cannabis
Laurent Puisais, un habitant de La Puye atteint d'une sclérose en plaque évolutive, est en grève de la faim depuis vingt-cinq jours pour réclamer l'obtention du Sativex, un traitement à base de cannabis thérapeutique. Ce médicament est distribué aux États-Unis et dans dix-sept pays européens mais pas en France.
Le podien vient de créer l'association SE Possible dont l'assemblée générale constitutive aura lieu dimanche. Il prévoit de déposer les statuts lundi matin, à 10 h 30, à la sous-préfecture de Châtellerault, avec tous ceux qui pourront se rendre disponibles pour le soutenir.
Contact : s.e.p.possible@ gmail.com
Xavier Benoit
Source: lanouvellerepublique.fr