Exiger de se faire juger pour trafic de stupéfiants en bande organisée plutôt qu’en correctionnelle pour consommation de cannabis, ça n’est pas banal. Mais ça n'a pas vraiment de sens.
Un Cannabis social club, c’est une sorte d’Amap de la production de cannabis. Vous ne savez pas ce qu’est une Amap? Bon je commence par-là alors. Une Amap (Association pour le maintien de l'agriculture paysanne), c’est un groupement de consommateurs qui s’engagent à acheter la production de fruits et légumes bios d’un petit paysan dont l’exploitation n’est pas située trop loin de leur quartier de lecteurs de Télérama et que l’on peut rallier facilement à vélo...
Hey, je rigole. Je suis membre d’une Amap moi-même et je circule partout à vélo même si je n’ouvre jamais un Télérama.
Un Cannabis social club, donc, c’est une coopérative d’amateurs de cannabis qui, lassés d’aller faire la queue dans les cités et payer les yeux de la tête (de chanvre) pour leur péché mignon, veulent produire et consommer solidairement en dehors de toute dimension commerciale.
Ça a l’air sympa comme ça, sauf que c’est totalement illégal. Les légumes bios, Manuel Valls s’en contrefiche et Marisol Touraine vous incite même à en manger cinq par jour mais le cannabis, il n’y a guère que Vincent Peillon et Cécile Duflot au gouvernement pour accepter qu’un adulte responsable puisse choisir le poison qui lui convient sans que l’Etat ne s’en mêle.
Faire quoi que ce soit avec du cannabis, en fait, c’est rigoureusement interdit et lourdement puni par la loi, comme le précise sans ambiguïté ni humour l’article 222-37 du Code pénal:
«Le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 750.000 euros d'amende. Est puni des mêmes peines le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l'usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant.»
Se pointer en masse au commissariat
Outre leur projet général de fumer sain et bon marché, ce qui est une intention légitime au moins d’un point de vue pratique, les cannabis social clubbers sont convaincus de pouvoir affoler les girouettes de la maréchaussée à la manière des faucheurs d’OGM.
Ainsi, si l’un d’entre eux est interpellé, ils prévoient de se pointer en masse au commissariat pour rendre la procédure grotesque et intenable, s’il faut alors condamner 250 braves types à 20 ans de prison pour «trafic de stupéfiants en bande organisée» comme le dispose joliment 222-35, le petit frère de l’article cité plus haut.
«Mais est-ce que ça peut marcher, concrètement? je demande à Farid Ghehiouèche, principal animateur du mouvement et vieux combattant de la cause de la fumette. Est-ce que la police et la justice vont vraiment prendre au sérieux un groupe de farfelus exigeant d’être mis en examen par empathie avec un copain fumeur avéré?»
Renée Kaddouch, avocate à Paris et docteure en droit, a tout de même l’air de douter de cette stratégie, au-delà de l’effet médiatique s’entend.
Zut alors! Tout ça pour ça? C’est à vous dégoûter de commettre des délits en réunion. Les fumeurs de pétards en viendront bientôt à dénoncer le laxisme de la police et, franchement, ça ne sera que justice.
Hugues Serraf
Source: slate.fr