Cannabis sans conscience, ruine de l'âme
Le débat sur la légalisation du cannabis a été relancé à la mi-juin à l'Assemblée nationale. Des commentaires ressort l'idée majeure que seul un débat public permettra de prendre conscience de la complexité du sujet et de dégager la meilleure option législative possible.
Par Antoine Leblanc, pour l'équipe de modération de lepoint.fr
Ce sujet, toujours sensible, suscite la polémique sur la meilleure voie politique possible : statu quo ? Dépénalisation ? Légalisation ? Dans les commentaires des internautes du Point.fr, aucun consensus ne se dégage, mais l'analyse des différentes options clarifie grandement la réflexion.
"Le trafic de drogue est une source de profit gigantesque pour les mafias. Autant que ces profits aillent dans la poche de l'État" Cerise.
La majorité des internautes qui se prononcent pour un adoucissement de la législation autour du cannabis le font, avant tout, pour des raisons économiques. Laboureur propose de "sanctionner le consommateur avec une simple amende". Il montre les potentiels bénéfices en cascade d'une telle mesure : "En plus de rapporter de l'argent, cela désengorgerait les tribunaux, les prisons, allégerait le travail de la police pour d'autres tâches bien plus utiles."
Une évolution, que ce soit vers une dépénalisation ou vers une légalisation de cette drogue, rapporterait une somme d'argent non négligeable à l'État. Pour Cerise, "les forces de l'ordre gaspillent leurs rares moyens en pure perte, moyens qui pourraient être utilisés autrement". Un avis partagé par Diron qui suggère par exemple qu'"avec les économies réalisées sur la lutte contre la drogue, l'État finance une recherche et une aide médicale et trouve un traitement efficace" contre l'addiction.
"Couper avec une économie souterraine source de violence" (anonyme)
Beaucoup de lecteurs se préoccupent également de la violence engendrée par les trafics, "une violence de plus en plus prononcée" (Métis), et soutiennent une mesure susceptible de l'atténuer. Ainsi, dit Anonyme, "légaliser le cannabis, c'est couper avec une économie souterraine source de violence, qui représente un manque à gagner considérable pour l'État". Un avis que partage Cerise : "Le trafic de drogue détruit complètement la cohésion sociale dans les banlieues, en fait des zones de non-droit, et ruine l'avenir de trop de jeunes."
Certains s'accordent sur le fait qu'avec la légalisation, le consommateur n'aurait plus à prendre de risques pour sa sécurité, notamment lors de l'achat de substances. "Espérer que les consommateurs n'aient plus affaire à des individus souvent violents est séduisant", affirme Moi, avant d'envisager cette situation concrète : "Évidemment, je préfère savoir mes enfants en train d'acheter un gramme d'herbe dans un coffee-shop et revenir à la maison en prenant le bus, plutôt que de les imaginer en train de gérer ça avec un sosie pathétique de Tony Montana, armé et potentiellement très violent." Diron pense aux plus jeunes : "Les dealers n'auront plus intérêt à solliciter les adolescents qui n'auront plus de motifs de braver un interdit."
D'autres enfin espèrent que la légalisation, permettant de contrôler "la provenance, la qualité et le taux de THC" (Youss) du produit, protégera mieux le consommateur.
Une des législations les plus répressives d'Europe
Malgré une des législations les plus répressives d'Europe, la France conserve un niveau de consommation des plus élevé.
Nombreux sont ceux qui encouragent nos parlementaires à prendre exemple sur les politiques voisines. "Le Portugal, qui a dépénalisé les drogues en partant du principe qu'un drogué n'est pas un délinquant, mais une victime malade, a des résultats positifs. Aux USA, le cannabis est toléré dans certaines régions, mais seulement à des fins thérapeutiques et a fortement aidé, par les taxes d'État, à sortir de la crise", explique Raiger. Plusieurs d'entre vous citent à titre d'exemple les Pays-Bas, qui font figure d'exception. "La vente, comme l'usage, y est libre, mais réglementée" (biker), ce qui n'empêche pas, selon Raiger, que "la Hollande soit un des pays d'Europe où l'on fume le moins de cannabis".
D'où les Pays-Bas tireraient-ils leur relative maîtrise de la consommation de drogue ? "De la prévention en milieu scolaire", selon Philip, qui déplore : "Mon fils de 14 ans en troisième n'a jamais eu de message de prévention dans son collège."
"Ne pas légaliser, c'est continuer à échouer" (Anonymous)
La plupart des internautes sont moins optimistes et ne croient guère que prévenir guérira. "Dans cent ans, on en parlera toujours, et il y aura toujours autant de drogue sur le marché" (Bryval). Cerise partage ce pessimisme : "La lutte antidrogue n'est absolument pas efficace pour protéger les gens de ce fléau. Les drogues dures et douces sont disponibles à peu près partout pour qui souhaite en prendre. L'âge de la première prise baisse même constamment." "Quatre décennies, voire plus, que l'on débat sur le sujet, pour aucune avancée", enfonce Ricou. Metis est convaincu que "la répression ne peut endiguer ce marché juteux".
"Tentons la dépénalisation" (tarte trop frite)
Mais alors, s'élève tarte trop frite, la meilleure solution ne serait-elle pas d'essayer un changement ? "Ça fait des décennies que le débat existe et qu'il y a des arguments recevables des deux côtés, bref, on n'en sortira jamais si on ne tente rien ; là, on perd un temps et un fric fous avec ce dialogue de sourds ! Alors, tentons la dépénalisation, et si au bout d'un an ou deux, les résultats ne sont pas probants, revenons à l'interdiction."
Père-de répond : "En quoi la dépénalisation totale ou partielle du cannabis changerait quelque chose à cette situation ? Permettre à nos ados de s'y adonner sans gêne et sans risques ? On se demande franchement si certains élus ont bien les pieds sur terre et s'ils ont été personnellement confrontés au problème !"
"L'État ne peut être complice de cette mise en danger" (Asparagus)
Asparagus suit ce raisonnement et s'insurge : "L'État ne peut pas être complice de cette mise en danger et ne peut donc dépénaliser la production et la vente de cette drogue sur nos territoires. Sur le plan politique, parental et humain, il est honteux d'encourager cette consommation." Le dabe y voit également une "incitation à l'addiction de nos enfants".
Pour Katsepy, imaginer une légalisation s'apparenterait à un "pitoyable aveu d'impuissance de l'État".
Par ailleurs, point de vue s'inquiète du "risque d'un abus de consommation de la part des jeunes avec les dangers inhérents (santé, mise en danger de soi et d'autrui)" dans le cas d'un changement de législation. Jo1, lui, s'étonne : "Quels sont les parents qui vont pouvoir dire à leurs enfants qu'ils peuvent fumer un joint sans crainte, puisque c'est permis !"
"La légalisation du cannabis est la porte ouverte aux drogues dures !" (nino2000)
En effet, une banalisation du cannabis induit par une modification de la loi pourrait aussi exposer le consommateur au risque de se tourner vers une autre drogue, plus dure. C'est ce qui inquiète les détracteurs de la légalisation : "Consommer du cannabis est, pour les jeunes notamment, un interdit à transgresser, donc on le transgresse. Si ça n'en est plus un, ne risque-t-on pas que ces usagers franchissent une échelle de risque en se tournant vers des drogues plus dures ?" questionne nino2000. Chevreuse a un avis plus tranché : "La légalisation du cannabis est la porte ouverte aux drogues dures ! On commence par le cannabis, puis on essaye plus fort. Et on finit à la cocaïne !"
Pour Michandre, la légalisation ne ferait que déplacer les problèmes actuels : "Si une partie du trafic peut sans doute être tarie, les malfaiteurs vont évidemment se reconvertir. On pense aux autres drogues. Certes oui, mais ce serait sans doute aussi vers d'autres formes de délinquance (contrefaçon, fraudes documentaires, extorsions, trafic d'alcool de cigarettes de médicaments, etc.)"
"Un débat national" (Modéré)
Pour Milarepa, les arguments des deux parties sont recevables : "Que ce soit la légalisation, la dépénalisation ou le maintien au pénal, il faudra un jour que les gens comprennent qu'aucune de ces voies ne résoudra les problèmes liés aux drogues. Il est probable que cela change d'une façon ou d'une autre les habitudes de consommation et que personne ne puisse dire exactement comment."
Nino 2000 considère que cette question doit être tranchée par des spécialistes sachant dépasser les clivages idéologiques : "Cette réflexion approfondie, en dehors de pensées électoralistes, devrait être menée, à mon sens, sous la responsabilité d'un addictologue de renom. Qu'y soient associées des personnes compétentes en matière de psychiatrie, de sociologie, de criminologie (policiers, magistrats), d'économie, d'éducation, etc. Que le temps imparti à cette réflexion soit suffisant." Modéré, quant à lui, appelle à la consultation de tous les citoyens par le biais d'un référendum : "Un débat national sur ce sujet serait utile, suivi d'un référendum. C'est un sujet extrêmement important et complexe, qui touche presque tout le monde, de près ou de loin. C'est le genre de sujet de société qu'il faut traiter collectivement : la parole doit être donnée aux citoyens !"