Le professeur Philippe Batel, addictologue et membre de l’Inpes, l’institut national de prévention et d'éducation pour la santé, estime sur RMC que l'État doit prendre en main la culture et la commercialisation du cannabis. Explications.
Le professeur Philippe Batel, addictologue et membre de l’Inpes, l’institut national de prévention et d'éducation pour la santé, ce lundi sur RMC. - RMC
On ne peut évidemment que se féliciter de la saisie record de 7 tonnes de cannabis dans trois fourgons à Paris, dans la nuit de samedi à dimanche. Mais aussi rappeler que derrière l’affichage de cette saisie record, les services de l’État interceptent moins de 5% du trafic de cannabis. Et rappeler, également, comme le fait le professeur Philippe Batel, addictologue, que les jeunes français sont depuis plusieurs années parmi les plus gros fumeurs de cannabis en Europe. Selon le dernier rapport (2014) de l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies, les jeunes Français de 15 à 34 ans sont 17,5% à consommer du cannabis.
"Plus de 80 pays ont modifié leur législation, et pas la France"
Invité ce lundi de Jean-Jacques Bourdin, le professeur Philippe Batel a plaidé pour une mesure radicale pour casser les trafics et diminuer le nombre de consommateurs: que ce soit l'État qui prenne les rênes de la commercialisation du cannabis.
Le directeur de la clinique Montevideo à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine, part du constat que la politique répressive des gouvernements successifs ne porte pas ses fruits. "Il y a plus de 80 pays qui ont modifié leur législation, et nos politiques regardent passer les trains", ironise-t-il. Il met en avant trois scénarios. "Il y a d'abord le scénario espagnol, avec une dépénalisation complète.
Sauf qu'on voit qu'il y a une hausse significative du nombre de consommateurs". "Il y a le scénario du Colorado où on laisse une concurrence ouverte avec des entreprises majeures qui vendent du cannabis", poursuit-il.
"Un monopole d'État rapporterait 2 milliards d'euros"
"Et puis, il y a le scénario qui m'apparaît responsable. C'est celui où l'État prend, de la production jusqu'à la vente, un monopole d'État, avec une taxation comme pour le tabac, explique l'addictologue. Et là, on augmente le prix pour (éviter une explosion du nombre de consommateurs), avec des recettes de l'État qui vont jusqu'à 2 milliards d'euros". Comment nos gouvernements peuvent s'asseoir sur 2 milliards d'euros, dont une partie pourrait être redistribuée pour soigner les patients ?", interroge Philippe Batel.
L'État qui commercialise le cannabis ? N'y a-t-il pas un effet d'encouragement ? Non, répond le professeur Philippe Batel. "Aujourd'hui, ce sont les dealers qui décident et qui ont le marché en main. Ça suffit. Il faut changer les choses. Le Vatican légalisera le mariage gay avant que la France ne bouge sur le cannabis !".
"Le Vatican légalisera le mariage gay avant que la France ne bouge"
Philippe Batel, est bien conscient que le trafic de drogue permet à certaines familles et quartiers défavorisés de survivre. "On pense que dans certaines banlieues 20% de la micro-économie vient du trafic", dit-il, mais il ajoute : "On voit bien, à Marseille et ailleurs, comment il y a derrière ça des problèmes de sécurité, et de l'argent public investi à perte et qui tombe dans un trou. Je voudrais qu'on ait une réponse pragmatique". Pas sûr que ce pragmatisme plaise aux gouvernements.
par Philippe GRIL Journaliste
Source: rmc.bfmtv.com
Podcast de l'émission: rmc.bfmtv.com début à environ 14mn