Beaucoup de fumée pour pas grand-chose. L’annonce de la prochaine mise à l’amende des usagers de cannabis relève d’une double hypocrisie d’Etat et d’une incapacité à décider par quel bout prendre le joint consommé par cinq millions de Français.
Photo AFP
Primo, le futur «PV cannabis» est surtout un geste envers les forces de l’ordre pour permettre de gagner du temps plutôt qu’une mesure de santé publique dans un pays où 17 millions de ‘curieux’ l’ont déjà testé. Secundo, l’Etat assouplit les règles mais se refuse à toucher à la loi de 1970 qui condamne la consommation d’un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende. Depuis 45 ans, la fumette brûle les doigts du pouvoir, comme elle consume les rapports parlementaires. Parce que le débat est vicié comme l’air dans les poumons des 700.000 consommateurs quotidiens: assouplir c’est être laxiste, durcir c’est être hypocrite face à la croissance du phénomène, surtout chez les mineurs.
Personne n’ose bouger et les effets sont pervers: on ne va pas organiser une véritable campagne de prévention sur un produit interdit… Au contraire du tabac, dont le prix augmente en même temps que le caractère anxiogène des photos utilisées sur les paquets. Résultat, les adolescents estiment la cigarette beaucoup plus dangereuse que le joint, considéré comme un produit «moins chimique» et même «naturel et bio», selon l’étude de l’Observatoire français des drogues, publiée mardi.
Ailleurs, de plus en plus de pays relèguent au second plan leurs pudeurs de gazelles pour faire place nette à la couleur de l’argent, qui a pour une fois une odeur, celle de ce nouvel or vert. Sous couvert de «consommation récréative», la Californie a légalisé depuis le 1er janvier et en attend cinq milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2021. Avec taxes et retombées à la clef pour l’état le plus peuplé des Etats-Unis. Au Canada, la consommation n’est même pas encore légale mais l’un des plus gros producteurs du pays a annoncé mercredi le rachat de son concurrent pour 719 millions d’euros. Racheter de la drogue comme on vend une usine est une mauvaise publicité pour le législateur français. Mais elle renforce l’idée des usagers d’être en avance sur les lois.
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