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Cannabis : Emmanuel Macron à contresens

Cannabis : Emmanuel Macron à contresens
Par mrpolo ,

Édito - Sur la question du cannabis, ce qu’Emmanuel Macron présente comme une évolution vertueuse n’est en fait ni disruptif ni même pragmatique. Bref, banalement conservateur.

 

Emmanuel Macron à l'Elysée, ce mardi. Photo Ludovic Marin. AFP

 

Alors qu’on s’oriente vers la mise en place d’une «contravention délictuelle» pour les consommateurs (lire Libédu 23 janvier), le chef de l’Etat passe à côté des enjeux sur un sujet qui n’a rien de mineur. En matière de santé publique et de prévention, dans un pays où 17 millions de personnes ont déjà expérimenté la résine ou l’herbe (1,4 million d’usagers réguliers, dont la moitié fume au quotidien, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies). Mais aussi en matière de lutte contre l’insécurité et la criminalité inhérente au trafic, alors que les règlements de comptes sanglants endeuillent régulièrement des familles en régions parisienne, marseillaise ou grenobloise. Et que le «shitstème» est une nuisance quotidienne pour de nombreux citoyens.

 

Si la France reste arc-boutée sur le «maintien de l’interdit moral», le monde bouge. Outre-Atlantique, le cannabis thérapeutique est autorisé dans une trentaine d’Etats et l’usage récréatif est régulé dans une dizaine.

Chez nous, la loi de 1970 et plus largement la parole publique apparaissent de plus en plus décalées par rapport au réel. Alors que les tenants du statu quo de la prohibition dénoncent l’idéologie laxiste du camp d’en face, l’enjeu est pourtant bien d’élaborer des politiques publiques efficaces. Dans un contexte où l’échec de la «guerre contre la drogue», ici comme ailleurs, est patent.

 

Après l’Uruguay il y a quelques années, le Canada vient de lever l’interdiction au niveau fédéral et la légalisation y sera effective le 1er juillet. Avec, à la clé, entre 700 millions et 1 milliard de dollars de recettes fiscales. Jackpot aussi en Californie ou dans le Colorado, avec nombre de créations d’emplois et une baisse de la criminalité.

Pour éclairer le débat, il s’agit déjà de s’entendre sur les mots. Disons-le : tout ce qui s’apparente à une dépénalisation (et la contraventionnalisation s’inscrit dans ce processus) n’est qu’une demi-mesure qui peut, certes, changer le quotidien des consommateurs, mais sans remettre en cause les conditions illégales de la culture ou la vente du cannabis.

 

Dès lors, la seule option raisonnable est une légalisation encadrée. Le fort peu gauchiste think tank Terra Nova l’a d’ailleurs prônée dans un rapport en octobre 2016, appelant à la création d’une instance de régulation du cannabis sur le modèle de celle créée pour superviser la libéralisation du jeu en ligne. Objectif : «assécher le marché criminel d’un côté» et «prendre en compte un problème de santé publique de l’autre».

 

Ces dernières années, les appels de praticiens et d’élus locaux se sont en outre multipliés en faveur d’un changement radical de politique. Ancien médecin et à l’époque ministre du gouvernement Valls, Jean-Marie Le Guen, loin de la culture soixante-huitarde, avait de même plaidé pour «des mécanismes de légalisation contrôlée mais surtout avec des politiques d’éducation et de santé publique». Au nom d’«une approche sanitaire» alors que «la prohibition n’amène pas la diminution de la consommation [de cannabis]». Lors de la dernière présidentielle, Benoît Hamon fut le premier candidat socialiste à se prononcer en faveur d’une légalisation contrôlée. Un pragmatisme inaudible dans un contexte où l’idéologie a changé de camp.

 

Jonathan Bouchet-Petersen

 

Source: liberation.fr


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