Des jolies couleurs et des tas d'infos non vérifiées ou fausses : c'est l'arme secrète de l'UMP pour son « argumentaire » contre la dépénalisation du cannabis.
Les socialistes (ceux qui « sont prêts à sacrifier la santé et la sécurité publique ») peuvent trembler : les militants UMP ont sous le coude une fiche, sorte d'infographie simpliste pour contrecarrer les pro-cannabis. Avec deux volets :
- santé (un pot pourri de tous les risques – ceux du cancer et de la sécurité routière, majeurs, passent à la trappe) ;
- sécurité.
Dépénaliser le cannabis « n'entraînerait pas la fin du trafic mais augmenterait l'insécurité ». Les premiers points reprennent les traditionnels arguments des anti-dépénalisation :
- autoriser le cannabis attiserait le marché noir (une infographie représente plein de joints flottant autour de symboles d'euros) et le « financement des organisations mafieuses et criminelles » (là, l'argument est flanqué d'un gangster à chapeau) ;
- « Pour concurrencer le cannabis classique, à bas taux de THC, les trafiquants répliqueront en inondant le marché avec du cannabis plus chargé. » Pour ce dernier point, citons le cas des Pays-Bas qui vient d'interdire le cannabis fort (concentration de THC supérieur à 15%) : selon l'institut Trimbos, la concentration moyenne de l'herbe des coffee-shops hollandais se situe autour de 16,5%. Rien à voir avec un raz-de-marée.
Extrait de l'argumentaire UMP sur le cannabis.
Joints flottants et marché noir
Extrait de l'argumentaire UMP sur le cannabis.
Mauvais chiffres, fausse étude
Certains arguments sont carrément faux :
- « Banaliser le cannabis, c'est repousser les barrières de l'interdit vers des drogues beaucoup plus dures. » C'est la « théorie de l'escalade » qui a aujourd'hui peu de crédit : il existe d'ailleurs des millions de consommateurs de cannabis en France (30% des adultes déclarent en avoir consommé en 2010). Pourtant, peu d'entre eux ont déjà essayé les drogues dures (ainsi la cocaïne a été expérimenté par 3,8% des 18-64 ans).
Extrait de l'argumentaire UMP sur le cannabis.
- « 50% des jeunes de 17 ans qui ne consomment pas de cannabis déclarent ne pas le faire en raison de l'interdit qui pèse sur ce produit. » Cette fois-ci, l'info est sourcée mais pas linkée : une enquête Escapad datée de 2009. L'UMP l'a-t-elle eu en exclusivité ? Non, elle n'existe tout simplement pas. La dernière enquête Escapad remonte à 2008. Le chiffre cité est sensiblement différent : « L'illégalité est avancée par 39% des non consommateurs de cannabis. »
« Mais surtout »
Dernier point, enfin, le « mais surtout » (malhonnête) :
Extrait de l'argumentaire UMP sur le cannabis.
Tous ? Passons sur les cas des nombreux pays, en Europe, qui ont dépénalisé la consommation de cannabis (Allemagne, Danemark, Belgique, Italie...) ou le Portugal, qui a décriminalisé l'usage et la possession des drogues illicites en 2001 (ce qui n'a d'ailleurs pas entraîné de bond dans la consommation), sans revenir en arrière.
L'UMP cite les Pays-Bas, où dans certaines villes comme Maastricht, l'accès des coffee-shops est désormais réservé aux résidents et à certains étrangers (Belges et Allemands). Agacement de Dominique Broc du Circ (Collectif d'information et de recherche cannabique), contacté par Rue89 :
Quant au Royaume-Uni, qui a soi-disant « reclassé le cannabis parmi les drogues dangereuses », ça n'est pas tout à fait vrai : le gouvernement a reclassé en 2008 le cannabis en classe B. Les drogues les plus dangereuses sont en classe A.
Enfin, pour blinder l'argumentaire de chiffres bien concrets, l'UMP a même osé le produit en croix. A partir d'un article du Figaro, qui cite des chiffres espagnols : il y aurait eu, en 1983, 93 morts d'overdose contre 813 en 1992. Soit une augmentation de 774%. « Mais surtout », problème : le risque d'overdose n'existe pas avec le cannabis.
Comment embrouiller le militant UMP
Par Emilie Brouze
Source : Rue 89